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[Cyclisme] Milan-San Remo : la meilleure descente, c’est l’attaque !


Matej Mohoric aura sans doute du mal à rééditer son exploit de l’an passé.

Comme l’an passé avec Matej Mohoric, le succès ces dernières années de Milan-San Remo, le premier monument de la saison, s’est construit dans la descente du Poggio.

Alors, à qui le tour ? La question, lancinante, revient chaque année avec la même intensité au moment où le peloton aborde le premier monument de la saison. Ces dernières éditions, depuis le succès d’Arnaud Démare en 2016 (que ça paraît loin un bon petit sprint), ce sont surtout les attaquants qui ont touché le gros lot.

Si personne ne conteste le cachet de la Primavera, unique en son genre, c’est même tout le charme de Milan-San Remo. Passée la Cipressa, il reste une bonne quarantaine de clients à pouvoir s’imposer. Passé le Poggio, le vainqueur se trouve le plus souvent dans le groupe d’une quinzaine d’hommes qui bascule, guidon en avant, vers la mythique lignée d’arrivée. Et comme l’an passé, un invité surprise rafle la mise sans que personne ne puisse crier au scandale.

À la surprise générale, Matej Mohoric s’imposait l’an passé. photo : AFP

Chaque monument possède ses atouts. Pour prétendre triompher sur le Tour des Flandres, sans doute le plus exigeant des cinq, il convient de l’aborder avec un état de forme impeccable, un physique d’exception. Pour Paris-Roubaix, il conviendrait plutôt de parler d’une sorte d’état de grâce, car il faut à la fois pédaler en puissance sans jamais connaître de pépin. La tactique passe souvent après. Liège-Bastogne-Liège consacre le jour J le meilleur des grimpeurs-rouleurs, surtout depuis le retour de son arrivée en ville. D’ailleurs, des qualités de sprinteurs sont même quelquefois requises. Enfin, à l’automne, le Tour de Lombardie sacre généralement le meilleur grimpeur-puncheur du moment, à un stade de la saison où un tiers des clients est déjà en vacances.

Ce qui est certain, c’est que, quel que soit le vainqueur, le final de Milan-San Remo réserve une intensité incomparable sur les quinze derniers des presque trois cents kilomètres. On passe sans transition de la procession aux frissons…

Alors, qui verra-t-on les bras samedi sur le coup de 17 h ? On serait d’abord tenté de pronostiquer Wout van Aert, déjà lauréat voici trois ans. Il possède les meilleurs atouts. Une forme éblouissante. Les qualités pour attaquer n’importe où, en montée, comme en descente. Une conduite souvent irréprochable, une équipe dominatrice. Mais voilà, l’histoire ne repasse que très rarement les mêmes plats.

Comme souvent, son meilleur rival sera sans doute Mathieu Van der Poel, lequel n’a pas encore connu ces honneurs de lever les bras sur la Via Roma. Fera-t-il partie de ces coureurs comme jadis Philippe Gilbert, gagnant presque partout sauf là ?

Pogacar attendu au tournant

Toujours est-il qu’il en est un qui ne se pose pas ce genre de questions, et c’est Tadej Pogacar. Comme toujours, le Slovène se posera en empêcheur de tourner en rond. Il ne gagnera pas forcément, mais pèsera forcément sur la course, sans doute bien davantage que ses rivaux. Un faiseur de roi s’il ne parvient pas au trône. Lorsqu’il se dressera sur les pédales, dans la Cipressa, le Poggio ou ailleurs, si la fantaisie lui en prend, Milan-San Remo changera de visage. Là encore, le succès n’est pas garanti. Mais on connaît le garçon et sa propension à faire la course, quoi qu’il advienne, un bon comme un mauvais jour. Certes, c’est souvent un très bon jour en ce qui le concerne.

Ces trois là sont a priori au-dessus sur la plupart des monuments, a fortiori ici sur la Primavera. Reste cette kyrielle de prétendants et d’anciens vainqueurs mêlés. Ils ont raison d’y croire. De vouloir forcer leur destin.

Comme Gerald Ciolek voici pile dix ans. La Primavera offre cette possibilité aux outsiders de se lancer. Alors, pour Arthur Kluckers (sur sa belle lancée de Tirreno-Adriatico et de Milan-Turin) et pour Luc Wirtgen qui lancera sa saison en grande pompe (après un problème au genou ayant retardé sa rentrée et avant de poursuivre sur la Semaine Coppi et Bartali, mardi), quelle aventure cela peut être comme grande première pour les deux Luxembourgeois de Tudor!

Alex Kirsch (Trek-Segafredo) saute son tour et rentrera pour La Panne, mercredi, alors que la mort dans l’âme, Bob Jungels (Bora-Hansgrohe) «pas au mieux physiquement au sortir de Paris-Nice», passe son tour.

On ne sait pas encore avec quel état d’esprit Kevin Geniets va courir son troisième Milan-San Remo. Mais il est en forme, vu son récent Paris-Nice. De David Gaudu pour la Course au soleil, le leadership de son équipe, Groupama-FDJ, va passer dans les mains d’Arnaud Démare, lui aussi ancien vainqueur. Il pourrait très bien se mêler au final de fous furieux de ceux qui ont remanié là l’envi la formule idoine en ce qui concerne Milan-San Remo, la meilleure descente, c’est l’attaque…

L’œil de Jempy Drucker : «C’est Sanremo, vingt mecs peuvent l’emporter…»

L’entraîneur national de 36 ans a participé trois fois à Milan-Sanremo. Il a terminé 30e en 2019. En 2018, il avait attaqué dans le Poggio pour le compte de son leader d’alors, Greg Van Avermaet, et avait vu passer en trombe l’Italien Vincenzo Nibali qui contra et fila vers le succès.

«Ces dernières années, il fallait attaquer dans la descente du Poggio et non plus dans la montée pour s’imposer. Mohoric a gagné en sifflotant l’air de James Bond en référence à sa selle télescopique. J’ai lu qu’il remettait ça. S’il est en haut avec les premiers, il fera de nouveau la descente à bloc. Après, c’est Sanremo, c’est dur de dire qui va s’imposer. On a vu Van Aert qui est en très grande forme. Van der Poel l’est un peu moins si on se fie aux Strade Bianche et à Tirreno, mais il reste Van der Poel, un gars qui sait monter son niveau pour les courses importantes. Sanremo, c’est aussi une course ouverte où un coureur comme justement Mohoric l’an passé peut s’imposer. Pareil il y a deux ans avec Stuyven. C’est le monument que les coureurs de deuxième rang, et non pas les seuls cinq favoris, peuvent emporter. C’est Sanremo, vingt mecs peuvent l’emporter. La longueur rend aussi la course spéciale. Tu peux être bien au pied du Poggio. Et un kilomètre plus loin, tu te retrouves à sec, plus d’essence dans le moteur. Pogacar? C’est l’homme le plus fort du moment, il caressait les pédales sur Paris-Nice. Mais s’il veut l’emporter, son équipe devra durcir la course dans le Turchino, la Cipressa afin qu’il puisse attaquer au Poggio. Le seul sprinteur qui peut passer, à mon avis, c’est Philipsen, qui vient de gagner deux fois sur Tirreno-Adriatico.

Je vois un groupe de quinze coureurs. Quant à Kevin Geniets, tout dépendra du rôle qu’il tiendra dans l’équipe. Au niveau de la condition, il est capable de passer avec les meilleurs.»