À quel point le cyclisme a-t-il changé en dix ans? Passé pro en 2016, Guillaume Martin-Guyonnet (32 ans), 8e du Tour de France en 2021, fait le point sur les évolutions d’un sport de plus en plus exigeant, dangereux et scientifique.
À quel point votre métier a-t-il évolué en dix ans?
Guillaume Martin : La finalité reste la même : passer la ligne d’arrivée le premier. Mais en dehors de ça, le changement est impressionnant. Il y a énormément de tests en tous genres sur le matériel et le corps qui font que la performance est de plus en plus encadrée par la science et qu’on se trompe de moins en moins. La conséquence est que chaque coureur réussit à tirer le plein potentiel de sa physiologie. Et donc le niveau global du peloton est beaucoup plus élevé. Avec des coureurs qui arrivent aussi de plus en plus jeunes dans le monde professionnel. Ce qui ne va pas sans poser certains problèmes.
Lesquels?
Les jeunes peuvent se comparer entre eux et pour ceux qui ont des trajectoires différentes ou ne réussissent pas à performer dès le début, ça peut être délicat à vivre.
Le cyclisme est-il devenu plus dangereux?
C’est plus dangereux dans la mesure où ça va objectivement plus vite. Et comme les coureurs font moins de courses, il y a plus d’enjeux sur chaque course, plus de pression et une lutte plus acharnée pour la position dans le peloton. Ce qui est étonnant, c’est qu’il n’y a pas eu de grande évolution sur la sécurité depuis dix ans alors qu’il y aurait certainement des choses à imaginer, comme les airbags. Si c’était obligatoire, ça entrerait dans la routine, comme le casque.
Parfois j’ai envie de prendre mes distances avec cet aspect scientifique à l’extrême d’encadrement de la performance et d’être plus dans le plaisir que dans le contrôle.
Parle-t-on moins de dopage qu’à vos débuts?
C’est vrai que quand je fais des rencontres en médiathèque par exemple, la question du dopage arrive moins souvent.
Que vous inspire le fait que les records d’anciens dopés dans les cols soient régulièrement battus?
Moi, je vois même certains temps de montée où je vais aussi vite qu’Armstrong. C’est bien la preuve que, par le fait d’être plus professionnel et de maîtriser tous les aspects de la performance, on peut quand même atteindre un haut niveau. Après, il y a un monde entre moi et ceux qui dominent le Tour. Mais je ne peux pas me permettre de juger ou d’accuser. Je n’ai pas plus envie de paraître pour un aigri. Un coureur en Nationale 1, du plus haut niveau amateur, il s’entraîne comme moi, et il y a quand même un monde entre mon niveau et le sien. Je n’ai pas envie que lui m’accuse d’être dopé simplement parce que je suis plus fort. Peut-être que les coureurs devant sont naturellement plus forts. Dans toute l’histoire du sport, il y en a eu certains qui étaient une classe au-dessus des autres.
Vous retrouvez-vous encore dans le cyclisme d’aujourd’hui?
Parfois j’ai envie de prendre mes distances avec cet aspect scientifique à l’extrême d’encadrement de la performance et d’être plus dans le plaisir que dans le contrôle. En même temps, je trouve que c’est intéressant. C’est quand même un moyen d’en apprendre plus sur son corps, tous ces outils qui sont à notre disposition et toutes ces personnes compétentes qu’il y a autour de nous. Ici, tous les soirs, on a des réunions sur le matériel, sur la nutrition, etc. et j’apprends tous les soirs. Ça me nourrit intellectuellement.