La Doyenne des classiques a souvent réservé des finales haletantes jusqu’à l’arrivée ces dernières années.
Cela n’est pas si nouveau que cela. Souvent, le scénario de la Flèche wallonne, toujours disputée chronologiquement quatre jours avant Liège-Bastogne-Liège, n’offre qu’une vue partielle, incomplète, en trompe-l’œil, des forces qui vont s’affronter bien plus sérieusement que sur une seule ascension comme le juge de paix qu’est assurément le Mur de Huy. Il fut même un temps où les prétendants au succès pour la Doyenne passaient leur mercredi après-midi à se cacher au sein du peloton, en prenant soin de ne pas bouger une oreille. Un simple entraînement amélioré. Ce n’est plus vraiment le cas. On a vu au plus fort de la pente d’arrivée Tadej Pogacar marquer le pas, Julian Alaphilippe un poil moins mordant que lorsqu’il parvient à assurer un podium, et tant d’autres encore grimacer.
C’était le jour de Dylan Teuns et le coureur belge ne s’est pas fait prier pour mordre à pleines dents dans un succès mérité pour l’ensemble de sa carrière, mais pas seulement. Voilà forcément un homme en forme qui tentera à nouveau de peser sur la Doyenne des classiques, le monument numéro un pour la catégorie des grimpeurs-puncheurs. Ce n’est pas impossible qu’il y parvienne, pourquoi pas au fond? Tout cela pour en venir à ce constat, ce n’est pas simple d’y voir clair, mais alors pas simple du tout, pour cette Doyenne des classiques.
Depuis que Liège-Bastogne-Liège a procédé à un changement de parcours au niveau du final, avec cette arrivée replacée, comme aux plus belles années, au centre de la cité ardente, on se régale du suspense qui perdure souvent jusque dans la dernière ligne droite. Ce fut le cas ces deux dernières années avec des sprints en comité restreint avec quasiment les mêmes acteurs. Julian Alaphilippe croyait l’emporter en 2020 devant Primoz Roglic, Marc Hirschi, Tadej Pogacar et Matej Mohoric, mais il fut déclassé pour ne pas avoir su garder sa ligne. Et l’an passé, c’est Tadej Pogacar qui régla dans l’ordre Julian Alaphilippe, David Gaudu, Alejandro Valverde et Michael Woods. Rien que ça.
Aux bons souvenirs des Luxembourgeois
Bref, il y a fort à parier qu’on retrouvera inexorablement les mêmes acteurs en train de s’étriper le long de la Roche-aux-Faucons, passage devenu obligé sur le final, là même ou Andy Schleck (2009) et Bob Jungels (2018) ont forgé leur succès à Ans, où était anciennement jugée l’arrivée.
Andy Schleck avait attaqué au cœur même de cette difficulté. L’ancien vainqueur du Tour 2010 avait impressionné par la méthode utilisée en attaquant si loin de l’arrivée. Car après, la route favorise les regroupements. Justement, pendant longtemps, du temps de l’arrivée à Ans, les favoris préféraient attendre l’ascension de la côte de Saint-Nicolas pour dégainer.
La méthode a été reprise par son compatriote Bob Jungels, neuf ans plus tard. Mais cette fois, ce fut presque le fruit du hasard puisque l’enfant de Rollingen s’était presque surpris à se retrouver en tête au sommet, le Canadien Michael Woods laissant un trou béant que les Quick-Step allaient se charger d’agrandir à grands coups de pioches. Bob Jungels le raconte encore souvent aujourd’hui, c’est Julian Alaphilippe qui a crié dans l’oreillette à son ami et coéquipier que le peloton ne suivait pas. Celui qui n’était pas encore champion du monde passera alors le reste de sa course à jouer à l’équipier modèle, coupant net toute tentative de relance. Avec, au bout, le succès formidable de Bob Jungels, qui dira après coup avoir compris dès le matin de la course qu’il avait ses meilleures jambes. Évidemment, il place ce succès au sommet de sa carrière.
On remarquera aussi à l’occasion que, contrairement aux classiques flandriennes et à leurs aspects bruts, la tactique importe davantage dans les Ardennes où les grands noms ont cette tendance fâcheuse, mais parfaitement compréhensible, à se neutraliser, ce qui peut laisser du champ aux coureurs moins surveillés. Même s’il faut remonter à Maxim Iglinskiy pour voir un outsider l’emporter.
Car, course d’équipe ou non, il n’y a toujours que des champions qui finissent par s’imposer dans Liège-Bastogne-Liège; il suffit de scruter le palmarès. Cette année encore, les places seront chères. On ne serait pas surpris de voir débouler, en plus des noms déjà cités, un coureur de la trempe de Wout Van Aert, privé de Tour des Flandres mais formidable deuxième la semaine dernière à Roubaix. L’enchaînement est souvent un problème, mais avec lui, ce n’est pas sûr…
Le mode d’emploi
La course : 257,1 km (départ de Liège à 10 h 15, arrivée vers 16 h 55)
Les difficultés :
Km 76,7 : côte de La Roche-en-Ardenne (2,8 km à 6,2 %); km 124,1 : côte de Saint-Roch (1 km à 11,2 %); km 167,9 : côte de Mont-le-Soie (1,7 km à 7,9 %); km 176,2 : côte de Wanne (3,6 km à 5,1 %); km 182,8 : côte de Stockeu (stèle Eddy Merckx; 1 km à 12,5 %); km 187 : côte de la Haute-Levée (2,2 km à 7,5 %); km 201,2 : col du Rosier (4,4 km à 5,9 %); km 214,5 : côte de Desnié (1,6 km à 8,1 %); km 227,7 : côte de La Redoute (2 km à 8,9 %); km 243,8 : côte de la Roche-aux-Faucons (1,3 km à 11 %).
Les équipes : La participation : 25 équipes.
AG2R Citroën, Astana, Bahrein, BikeExchange, Bora, Cofidis, DSM, EF Education, Groupama-FDJ, Ineos, Intermarché, Israël PT, Jumbo, Lotto, Movistar, Quick-Step, Trek et UAE (1re division), Alpecin, Arkea-Samsic, B&B Hôtels, Bingoal, TotalEnergies, Uno-X et Vlaanderen (2e division).
Le palmarès :
Trois succès luxembourgeois :
Marcel Ernzer (1954), Andy Schleck (2009), Bob Jungels (2018).
Les dix derniers vainqueurs :
2012 : Maxim Iglinskiy (KAZ); 2013 : Dan Martin (IRL); 2014 : Simon Gerrans (AUS); 2015 : Alejandro Valverde (ESP), 2016 : Wouter Poels (NED), 2017 : Alejandro Valverde (ESP), 2018 : Bob Jungels (LUX), 2019 : Jakob Fuglsang (DAN), 2020 : Primoz Roglic (SLO), 2021 : Radej Pogacar (SLO).