On imagine que Tadej Pogacar et Remco Evenepoel, échaudés et renversés par surprise dimanche dans l’Amstel, voudront se refaire. Mais ils ne seront pas les seuls…
Les temps changent. Dans l’histoire récente de la Flèche Wallonne, disons ces trente dernières années, surtout depuis que le kilométrage a été réduit à guère plus de 200 kilomètres, les coureurs qui visaient l’extraordinaire monument qu’est Liège-Bastogne-Liège, la Doyenne des classiques, mettaient, consciemment ou non, la pédale douce dans la Flèche Wallonne, qui précède de quatre jours le grand évènement de la semaine ardennaise.
Bien sûr, il y eut des exceptions et Alejandro Valverde, quatre fois sacré à Liège et cinq fois lauréat à Huy en haut du fameux Mur, ne fut pas la moindre. Mais la plupart du temps, les grands noms finassaient à l’idée de s’arracher dans cette pente unique au monde, puisque ce serpentin qui mène en haut du chemin des Chapelles est assez dévoreur d’énergie lorsqu’on y fait vraiment la course.
Dans le même temps, la Flèche Wallonne est devenue une véritable affaire de spécialistes, de coureurs devenus davantage puncheurs que grimpeurs et, côté luxembourgeois, Kim Kirchen, vainqueur ici en 2008, le premier capable de sprinter sur le grand plateau, ne fut pas le moindre de ces spécimens. Bien sûr, si l’on vise un podium à Liège, on est forcément capable de se hisser sur celui de Huy, alors que la réciproque n’est pas forcément vraie. Les statistiques sont même formelles.
Luc Wirtgen, le Luxembourgeois de l’équipe Tudor, aura du pain sur la planche
Quoi qu’il en soit, la classique du jour garde une fraîcheur, un attrait conséquent. Des garçons comme Stephen Williams, dernier vainqueur en date, Dylan Teuns, Marc Hirschi et son désormais compère Julian Alaphilippe ont annexé le Mur de Huy sans parvenir à faire de même avec la Doyenne. Cela ne suffit pas forcément à leur bonheur, mais ils l’ont fait et cela restera évidemment comme une place de choix dans leur palmarès.
Ils y reviennent cette année encore avec cette ferme intention d’y briller. C’est dire si Luc Wirtgen, le Luxembourgeois de l’équipe Tudor, aura du pain sur la planche cet après-midi alors que, comme l’an passé, la pluie devrait frapper au carreau, ce qui ne facilitera la tâche de personne dans les plus forts pourcentages, ni ailleurs d’ailleurs, tant les petites routes tournicotant autour de la Meuse seront piégeuses à souhait.
Ce qui étonne franchement pour cette édition 2025, c’est de voir autant de grands noms se prêter au jeu, du moins avant que le départ soit donné. Et le premier d’entre eux n’est autre que le champion du monde en titre, triple vainqueur du Tour, huit monuments en bandoulière. Bref, un Tadej Pogacar défaillant sur l’Amstel et forcément fâché avec sa deuxième place concédée sur le fil à Valkenburg. En cinq tentatives, le Slovène ne s’est imposé qu’une seule fois sur la Flèche (contre deux succès sur la Doyenne). On l’imagine assez joueur et revanchard pour franchement jouer le jeu dès aujourd’hui.
«Pogi», qui sortait dimanche de la campagne des flandriennes (2e de Paris-Roubaix, mais vainqueur du Tour des Flandres une semaine plus tôt) sans doute plus émoussé qu’il ne s’y attendait, doit néanmoins se méfier de ne pas commettre un péché d’orgueil sur ces ardennaises. Se faire reprendre comme un malpropre, même par un coureur de la qualité de Remco Evenepoel qui tractait sur son porte-bagage Mattias Skjelmose, le bienheureux, n’a pas été du goût du champion slovène.
Thibau (Nys) est la seule personne au monde qui peut battre Tadej au Mur de Huy…
Attention à ne pas se faire croquer deux fois de suite. Certes, «Pogi», franchement, ça devrait le faire. Mais attention quand même…
Évidemment, même si, lors de son unique tentative, Remco Evenepoel (43e en 2022) n’avait pas trouvé ses marques, son punch pourrait faire l’affaire. Comme Skjelmose, qui n’est pas seulement en grande forme. Deuxième en 2023, le Danois préfère néanmoins et fort malicieusement désigner son coéquipier belge Thibau Nys, qui y fera ses débuts : «Nous avons deux cartes en main. Mais si Thibau (Nys) a son jour de gloire, alors c’est lui qu’il nous faut. Bien sûr, on peut aussi miser sur deux leaders. L’année où j’ai terminé deuxième, mon coéquipier Giulio Ciccone avait fini cinquième, mais nous courons pour gagner. Thibau, je l’ai déjà dit et je le répète, c’est la seule personne au monde qui peut battre Tadej au Mur de Huy…»
L’intérêt n’est pas moindre en effet. Et des coureurs types, les Français Kevin Vauquelin (2e l’an passé), Romain Grégoire (7e en 2025), que Kevin Geniets se propose d’«aider pour le placement au pied», Warren Barguil (6 top 10 à Huy !) et Lenny Martinez surtout, qui découvre les lieux, et les Belges Maxim Van Gils (3e en 2024, 8e en 2023) et Tiesj Benoot (7e en 2023, 9e en 2024, devraient faire leur place, comme le bon vieux Diego Ulissi (3 top 10).
Les temps changent, certes, mais on entend souvent les mêmes noms résonner à Huy, le long du chemin des Chapelles…