Casting polémique et billetterie en berne : la compétition « Aux Jeux streamers » de France Télévisions, diffusée samedi sur Twitch et France.tv avec en lice d’anciens sportifs, des personnalités du web et du petit écran, a pris des allures de course d’obstacles pour ses organisateurs.
Co-produit par le géant français du divertissement en ligne Webedia, « Aux Jeux streamers » réunit 32 participants répartis dans huit équipes, à La Défense Arena à Paris. Au programme, huit disciplines olympiques comme l’escrime, le basket ou le saut en longueur, durant huit heures de compétition.
Ce « format inédit, exclusivement pensé pour le digital » selon France TV, sera présenté par l’animateur Samuel Etienne, qui a émergé à la télévision avant de devenir très actif sur la plateforme Twitch, et le streameur ZeratoR, organisateur du marathon caritatif ZEvent.
Mais la diffusion d’une première bande-annonce de l’événement le 12 mars a provoqué une controverse dans le milieu des créateurs de contenu et leurs fans.
Baghera Jones, l’une des streameuses dont la participation avait alors été dévoilée, avait menacé de se retirer, pointant les « actions et/ou propos de certains participants ». Elle semblait faire référence à l’influenceuse Ophenya, 4,9 millions d’abonnés sur TikTok, et à Tibo InShape, deuxième youtubeur français le plus suivi avec 17,5 millions d’abonnés.
La première s’était vue reprocher fin 2023 d’avoir fait la promotion d’une application de rencontres pour adolescents, Crush. Le second est régulièrement accusé de promouvoir des positions conservatrices ou de traiter à la légère des sujets comme la dépression.
À l’issue de cette polémique, France Télévisions a retiré la bande-annonce, et Baghera Jones, Ophenya et Tibo InShape ne figurent pas dans la liste des participants.
« Il y a évidemment des critiques très légitimes envers certains profils », concède Adrien Nougaret, alias ZeratoR, tout en affirmant que d’autres « sont très exagérées ». Mais dès ses premiers échanges avec Webedia, le streameur affirme avoir attiré l’attention sur le profil « polarisant et clivant » de Tibo Inshape.
Frédéric Molas, alias le « Joueur du Grenier » sur YouTube et Twitch, également commentateur de l’émission, appelle, lui, à « ne pas tomber dans le tribunal populaire » des réseaux sociaux.
Rajeunir son image
Finalement, ont été retenus les créateurs de contenu Brawks, Mélanie Buffetaud, CyrilMP4, Domingo, JujuFitcats, Charles Poujade, Theo Rivenzi, Shayvise et Theobabac.
Parmi les présentateurs et consultants de France Télévisions figurent Mohamed Bouhafsi, Fabien Lévêque, Marine Lorphelin, Jean-Baptiste Marteau, Laury Thilleman, Emilie Tran Nguyen ainsi que les anciens athlètes Stéphane Diagana et Marie-José Pérec.
Cécile Grès, journaliste sport de France Télévisions, Sami El Gueddari et Raphäl Yem complètent le casting côté animation.
« France Télé veut probablement rajeunir son image et son audience », estime ZeratoR, qui va retransmettre en direct la compétition sur sa chaîne Twitch, en parallèle de la plateforme france.tv.
« L’idée, c’est aussi de montrer aux gens que France Télé peut produire du contenu exclusif internet et que ce n’est pas juste une chaine de vieux », ajoute-t-il.
Il défend notamment la liberté de ton qu’offre internet : « C’est moins guindé. Si ça avait été retransmis à la télé, je pense que ça m’aurait moins plu. »
Salle démesurée
Les spectateurs seront-ils au rendez-vous à La Défense Arena ? Dans un article publié vendredi, le média L’Informé affirme que sur les 22 000 places prévues, à peine 700 avaient trouvé preneur 10 jours après l’ouverture de la billetterie.
« Remplir cette salle, c’est quasiment impossible (…) ça me paraît démesuré », estime ZeratoR, pour qui seuls des Youtubeurs ultra-populaires comme Squeezie peuvent rassembler autant de personnes pour un événement.
De son côté, France TV évoque plusieurs milliers de billets vendus et défend un modèle économique qui ne repose pas sur la billetterie, mais sur des sponsors et de la publicité.
Quoi qu’il en soit, « Aux Jeux streamers » permettra au moins d’amener le public de Twitch vers d’autres horizons que le jeu vidéo et les talk-shows, ses formats les plus populaires. Même si l’ombre de la télévision n’est jamais très loin.
« Mon objectif, c’est de faire le commentateur odieux », s’amuse Frédéric Molas, « comme Thierry Roland ! »