Kevin Mayer sera bien de la fête à Paris: le décathlonien double médaillé d’argent olympique a enfin réussi, de justesse, les minima qualificatifs pour les JO-2024 aux Championnats d’Europe à Rome mardi, à moins de trois semaines de la date limite.
Au bout des dix épreuves, Mayer (32 ans) totalise 8 476 points et se classe cinquième pour son premier décathlon terminé depuis juillet 2022, à peine mieux que les minima olympiques fixés à 8 460 points, son objectif n°1 de la compétition européenne.
« Je sais le plaisir que c’est d’aller aux JO, mais je ne sais pas encore le plaisir que c’est d’être dans le Stade de France. C’est mon rêve », savoure-t-il, lui qui a évité de justesse en milieu de journée le piège du saut à la perche, qui aurait pu faire basculer son destin olympique du mauvais côté.
« L’attente avant le 1 500 m (la dernière épreuve, NDLR), c’était long : je voyais trouble, j’avais des baisses de tension quand je me levais, et tout simplement j’ai eu peur. Peur de craquer, peur d’avoir des crampes, peur de tout, avoue Mayer. Mais j’ai fait les minima. »
Makenson Gletty, un des deux autres décathloniens français engagés à Rome, s’invite lui sur la troisième marche du podium avec 8.606 points, record personnel amélioré de 130 points et minima olympiques remplis comme Mayer.
Peu avant 23 h mardi soir, la ligne d’arrivée du 1 500 m, coupée après pas loin de cinq minutes (4:55.99), a signé la fin d’un parcours du combattant pour Mayer.
«Je fais de l’athlétisme pour faire des perfs»
« On ne me parlait que des minima et c’est quelque chose qui ne me plaît pas du tout. Je fais de l’athlétisme pour faire des perfs, pas pour faire des minima. Je suis fait pour faire des maxima! », lance-t-il. Depuis l’été dernier et son abandon au cours du décathlon des Mondiaux de Budapest, la faute à un tendon d’Achille douloureux, le double champion du monde (2017 et 2022) sait qu’il doit impérativement venir à bout d’un décathlon avant le 30 juin.
Mais, de Brisbane mi-décembre, au bout d’un stage en plein été austral, à San Diego (Californie) fin mars, quand il a dit stop à la quatrième épreuve, plusieurs plans envisagés depuis sont tombés à l’eau les uns après les autres. Jusqu’à la « dernière chance » romaine finalement saisie.
Mayer ne s’y est toutefois pas épargné une ultime frayeur, quand il s’est retrouvé au bord du zéro à la perche, après deux premiers échecs dès sa première barre, à 5 mètres. Un troisième et ses chances d’épingler un dossard au Stade de France début août étaient quasi réduites à néant. Mais « Kéké » s’est maintenu dans le concours à sa dernière chance, avant de grimper de manière convaincante jusqu’à 5,30 m.
« La perche, c’est deux heures où je me dis: +Si je passe une barre, je suis aux JO, si je ne passe pas de barre, je repars de zéro+ », raconte-t-il. Installé en tribunes, son entourage, en tête son frère Thomas, Alexandre Bonacorsi, son entraîneur, et Romain Barras, ex-décathlonien devenu directeur de la haute performance de l’équipe de France, en ont été quitte pour une sacrée « Kékémotion », comme Mayer en a le secret.
Première médaille internationale pour Makenson Gletty
Au lendemain d’une première journée sans éclat, achevée pile à mi-chemin des minima qualificatifs, avec 4 230 points, sa reprise a été poussive sur 110 m haies (14.29, vent nul) mardi matin. Ca s’est mieux passé au disque (48,53 m), à la perche et au javelot (69,54 m). A 25 ans, Makenson Gletty, né en Haïti et adopté par une famille installée en Haute-Savoie, s’offre lui sa première médaille internationale, grâce à quatre records personnels battus en dix épreuves. Sur 100 m, au saut en longueur, sur 400 m et sur 110 m haies.
Son début de journée a été agité : Gletty n’a pas jailli des starting-blocks du 110 m haies, en pensant qu’un faux départ allait être signalé, mais il a été autorisé à recourir une trentaine de minutes plus tard, seul, et a signé son record personnel, en 13 sec 88.
Gletty, brièvement leader provisoire après six des dix épreuves, se classe finalement troisième, derrière l’Estonien Johannes Erm, médaillé d’or avec 8.764 points, et le Norvégien Sander Skotheim (8.635 points).
A moins de deux mois des Jeux de Paris, les Bleus de l’athlé ont encore enrichi leur moisson de médailles dans le stade olympique de Rome. Louise Maraval, en argent, n’a été devancée que par la reine néerlandaise du 400 m haies Femke Bol. Thomas Gogois, record personnel pulvérisé de plus de cinquante centimètres au triple saut, et Hélène Parisot, chrono de référence abaissé pour la quatrième fois de la saison, en 22 sec 63, sur 200 m, ont chacun récolté du bronze.
Si bien qu’à la veille de la dernière journée de compétition, l’équipe de France a collectionné treize médailles : quatre en or, trois en argent et six en bronze.