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[Athlétisme] 10 000 m, 5 000 m, les conditions des records en questions


L'Éthiopienne Letesenbet Gidey a battu le record mondial du 5 000 m, mercredi, lors d’une compétition montée sur mesure pour elle, à Valence. (photo AFP)

Les performances stratosphériques de l’Ougandais Joshua Cheptegei et de l’Éthiopienne Letesenbet Gidey, qui ont battu les records du monde du 10 000 m et du 5 000 m mercredi à Valence, ont été réalisés dans des conditions très particulières qui témoignent de l’évolution récente de l’athlétisme.

Plusieurs facteurs (chaussures, lièvre lumineux) semblent avoir favorisé les chronos des deux athlètes. Le soupçon du dopage, dans un sport durablement touché par la triche, est inévitable, mais aucun des deux athlètes n’a jamais été mêlé à la moindre affaire.

La « magie » des chaussures ?

Après avoir révolutionné la course sur route, l’équipementier américain Nike a lancé deux paires de pointes (chaussures de piste) soupçonnées d’améliorer sensiblement la performance et commercialisées cette année après que certains athlètes ont bénéficié de prototypes en 2019.

La « Air Zoom Victory » (une plaque de carbone, des coussins à l’avant, 800/1 500 m) et la « ZoomX Dragonfly » (pas de plaque, une mousse spéciale, jusqu’au 10 000 m), portée par Cheptegei et Gidey, comptent des semelles renforcées là où les pointes se voulaient auparavant les plus fines et légères possibles.

« Ces chaussures bouleversent la foulée, mais il est encore trop tôt pour estimer un gain de temps fiable, il n’y a pas encore d’étude scientifique solide », note Vincent Guyot, étudiant en master « expertise du sport de haut niveau » à l’Insep qui collecte un maximum de données liées à ces pointes.

Statistiquement en revanche, il constate un changement important au niveau des performances depuis un an et demi avec les chaussures. « En France par exemple cette saison les bilans se sont effondrés pour la plupart des disciplines de l’athlétisme, à cause des moins bonnes conditions d’entraînement dues au confinement. En demi-fond par contre, les bilans à l’inverse ont résisté, ce qui semble incroyable. »

D’après Vincent Guyot, 62 % des athlètes portaient un modèle de « chaussures magiques » en Ligue de diamant à Monaco en août, notamment Joshua Cheptegei qui y avait battu le record du monde du 5 000 m.

Le lièvre du futur ?

Aidés par trois athlètes « lièvres » de façon classique, Cheptegei et Girmey ont en plus bénéficié mercredi d’un quatrième meneur d’allure, avec un système lumineux placé en bord de piste.

Cette innovation est apparue en 2018 aux Pays-Bas avant d’être testée sur quelques événements en 2019 puis introduite plus largement cette saison, notamment aux meetings d’Oslo et de Monaco. Ce lièvre inépuisable d’une précision horlogère permet aux athlètes de maintenir un rythme constant à une allure très élevée, une aide précieuse dans la chasse aux records.

D’après une analyse de l’entraîneur et statisticien Pierre-Jean Vazel, Letesenbet Gidey a couru mercredi ses tours de pistes (12,5 sur 5 000 m) avec une régularité extrême, comptant deux secondes d’écart seulement entre ses tours les plus rapides (66,7″) et ses tours les plus lents (68,9″), alors que la détentrice du record jusque-là, sa compatriote Tirunesh Dibaba, avait parcouru des tours entre 64,2″ et 71,6″, un écart de sept secondes!

Une course sur mesure ?

Sur la piste bleue du stade Turia de Valence, Gidey et Cheptegei n’avaient qu’à se soucier du chrono (trois lièvres chacun, une concurrence réduite). La compétition a en effet été montée sur mesure pour eux, en clôture d’une saison tronquée par la pandémie de coronavirus où les meetings ont été rares.

L’organisation par leur société de management Global Sports Communication, rappelle dans une moindre mesure le marathon couru en moins de deux heures par le Kényan Eliud Kipchoge en ocrtobre 2019 à Vienne, même si lui savait qu’il ne pourrait homologuer son record (trop de lièvres, ravitaillements différents des règles officielles etc.).

La mise en place d’une course au record reste toutefois une habitude ancienne en athlétisme, que ce soit du temps de l’Australien Ron Clarke (10 000 m en 1965), du Britannique Roger Bannister (mile en 1954) ou encore du Français Jules Ladoumègue dans les années 1930.

AFP/LQ