« Quelle tristesse! » Alors que les 24 heures du Mans attirent habituellement plusieurs dizaines de milliers de spectateurs, les habitants confiaient vendredi, à la veille du coup d’envoi de l’édition 2020, leur peine de voir leur ville sans animation, avec le huis clos décrété en raison de la pandémie.
« Vous voyez ici, normalement c’est bondé lors du pesage (les vérifications techniques et homologation des voitures en lice, NDLR) ou lorsqu’il y a la parade », explique Virginie Conte, avocate, en montrant la place de la République sous le soleil, certes animée mais sans la foule habituelle.
Les 24 heures du Mans, « c’est l’événement qui rassemble tous les habitants. La parade du vendredi soir est un grand moment festif toujours très attendu, avec les enfants qui adorent regarder les belles voitures », soupire cette Mancelle.
Mais cette année, alors que le département de la Sarthe est classé en zone rouge en raison de la circulation du virus, tout ou presque a été annulé, hormis les essais et la course qui débutera samedi après-midi sans spectateur.
Et il faut s’armer de patience pour trouver en ville un signe que l’édition 2020 a bien lieu ce week-end. La vitrine du magasin de jouets Le Diablotin, ornée d’un drapeau à damiers, de petits modèles des bolides et de photos en noir et blanc des champions d’antan, parait bien seule.
« La patrimoine de la ville »
« Les 24 heures, ça fait partie du patrimoine de la ville: c’est grâce à cela que Le Mans est connu internationalement », affirme Céline Bougard, derrière son comptoir. « C’est tellement triste cette année… D’habitude, j’ai des clients étrangers fidèles qui viennent chaque année m’acheter des petites voitures. Mais j’ai quand même tenu à faire la vitrine ».
Les commerçants font grise mine, à l’image de la pizzeria La Pausa, dans le centre-ville. « Normalement, le vendredi des 24 heures du Mans, c’est 700 couverts », se désespère le gérant Christian Terouanne, au milieu d’une salle aux superbes boiseries quasiment vide.
« C’est morose », soupire Cécile, serveuse dans un café dans une rue piétonne. « On s’aperçoit qu’il y a les 24 heures qu’à cause du bruit au loin et des bouchons », une partie du circuit empruntant des routes départementales.
Cette édition 2020 « est une catastrophe pour l’ensemble des acteurs autour du circuit, la restauration, les cafés, l’hôtellerie », reconnait Philippe David, président départemental du syndicat professionnel Umih.
« Pour les 24 heures, les gens vont dormir jusqu’à Angers, Tours ou Caen, car il faut quand même loger habituellement 250.000 personnes », rappelle-t-il, soulignant que l’événement fait normalement travailler les professionnels dans un rayon de 100 km autour de la capitale de la Sarthe.
Course mythique
A l’office du tourisme, même si l’été a été heureusement « correct » en termes de fréquentation, l’ambiance est aussi plombée. « D’après une étude réalisée il y a deux ans, les retombées économiques de la semaine des 24H du Mans sur le département sont de l’ordre de 115 millions d’euros », résume le directeur Bruno Ray.
En effet, Le Mans, considéré comme l’une des plus mythiques courses automobiles au monde avec le GP de Formule 1 de Monaco et les 500 miles d’Indianapolis, attire énormément d’étrangers.
« Ils représentent 40% des visiteurs, mais ce sont eux qui consomment le plus. Ils viennent essentiellement de Grande-Bretagne et d’Allemagne, mais aussi de pays lointains comme les Etats-Unis ou le Japon, sans oublier les Italiens, les Belges et les Espagnols ».
Le maire de la ville Stéphane Le Foll (PS) tente de voir le verre à moitié plein. Bien sûr, « on peut regretter le huis clos, car les 24 heures sont avant tout une fête populaire ». Mais la course « va bien avoir lieu », alors qu’elle devait initialement se tenir en juin et que plusieurs événements sportifs ont été annulés cette année.
AFP