Le gouvernement veut faire voter une loi visant à réintroduire des restrictions pour les rassemblements de plus de 20 personnes. Les fêtes privées constituent le principal foyer de nouvelles infections au Covid-19.
La liberté conditionnelle décrétée le 10 juin par le Premier ministre, allégée davantage sur intervention du Conseil d’État, a ouvert pas mal de vannes. Multiplication de fêtes privées, «raves party» clandestines réunissant des centaines de fêtards, bars qui servent des clients se tenant debout, cafés qui ne respectent pas le couvre-feu imposé à minuit. La coupe est pleine pour le gouvernement, d’autant plus que la tendance des nouvelles infections au coronavirus est clairement à la hausse : 22 cas vendredi, 44 samedi, 25 dimanche, 14 lundi, 43 mardi et 46 mercredi, soit un total de 194 infections en moins d’une semaine.
Le message livré en somme, mercredi en fin d’après-midi, par le Premier ministre est sans équivoque : «Évitez les dérapages.» «En soi, les chiffres ne sont pas alarmants. Mais nous devons anticiper une situation qui risque de déraper», développe le Premier ministre. Le risque majeur ne réside pas dans la recrudescence des cas positifs, mais bien dans le nombre d’hospitalisations qui en découleront. «Il est normal que les récents cas n’aient pas encore d’effet sur les hospitalisations. Il y a un déphasage entre l’infection et une possible hospitalisation», note la ministre de la Santé. Mercredi soir, 16 personnes étaient hospitalisées en soins normaux (+2 par rapport à mardi) et toujours deux en soins intensifs.
Nouveaux cas : moyenne d’âge de 35 ans
Selon les dernières analyses des autorités sanitaires, les fêtes privées constituent le principal foyer de nouvelles infections. Lors d’une seule «boum», 24 personnes ont été infectées. «Il s’agit du seul foyer majeur auquel on est confronté. Ce ne sont ni les entreprises ni les écoles qui causent problème. Les infections sont liées à des fêtes privées ou des barbecues», constate la ministre de la Santé. Autre indicateur : la moyenne d’âge des personnes testées positives est de 35 ans. Il y a aussi une nette reprise des cas avec symptômes. «Contrairement à ce qui est évoqué ici et là, on ne détecte pas plus de cas positifs en raison des tests à large échelle. Seulement 10 % des récentes infections ont été détectées par cette voie. De plus, la plupart concernent des cas asymptomatiques», précise Paulette Lenert.
Plus de 1 000 contacts sont en train d’être retracés afin de briser les chaînes d’infections. «Les trentenaires ont certes moins de risque de développer des complications. Nous ne savons cependant pas avec quelles personnes ils étaient en contact. Il se peut que des personnes vulnérables soient concernées», note encore la ministre de la Santé. Pour éviter le pire, le gouvernement est donc décidé à réintroduire des restrictions pour les rassemblements de plus de 20 personnes en privé.
«Il s’agissait de notre idée de départ, mais le Conseil d’État s’est finalement opposé aux restrictions en lieu privé», rappelle le Premier ministre. Les Sages avaient estimé que ce genre de limitation était contraire au droit de s’assembler et à l’inviolabilité du domicile inscrits dans la Constitution. Aujourd’hui, le gouvernement prend un nouveau départ. «Je compte sur le Conseil d’État pour réagir à cette évolution des chiffres. Nous ne disons pas qu’il est interdit d’accueillir des gens, mais il s’agit d’une mesure pour éviter les fêtes en privé qui constituent un énorme risque», argumente Xavier Bettel.
Un mélange des règles est à prévoir
Le nouveau texte, qui devra d’abord être validé par la Chambre des députés, doit donc constituer un frein pour les rassemblements où aucun geste barrière n’est respecté. «Fêter un mariage ou un anniversaire restera possible. Mais si plus de 20 personnes sont invitées, il existera l’obligation de limiter à 10 le nombre de personnes par table. Le port du masque s’impose lorsque les invités se déplacent», avance le Premier ministre. Un mélange des règles à respecter pour les évènements organisés en lieu public (places assises, distanciation interpersonnelle ou masque) et pour la gastronomie (service à table) est donc à prévoir. «Le texte sera finalisé dans les plus brefs délais», promet le chef du gouvernement.
En parallèle, un rappel à l’ordre est lancé pour les cafés et bars (lire également ci-dessous). «Le gouvernement n’a aucune volonté de lever la fermeture obligatoire fixée à minuit ni de réintroduire les autorisations de nuits blanches», insiste Xavier Bettel. Il ne souhaite plus voir les attroupements devant les terrasses, où les clients se trouvent dos à dos. La même chose vaut pour les réunions en privé. «Fêter sans limite est irresponsable», tranche le Premier ministre, qui ressort une de ses déclarations phares de cette crise sanitaire : «Dès le début, j’ai souligné que chaque citoyen peut faire partie de la solution, mais qu’il fait partie du problème en ne respectant pas les règles. Continuons à faire preuve de la même solidarité qui a prévalu ces dernières semaines et mois.»
La balle se trouve désormais dans le camp du Parlement. Si les Sages émettent une nouvelle opposition formelle, il reviendra à la Chambre des députés de trancher. Théoriquement, les élus peuvent passer outre l’avis du Conseil d’État. La loi Covid en vigueur, qui ne prévoit plus aucune restriction pour les rassemblements en privé, est d’application jusqu’au 24 juillet. Une abrogation est possible avant cette date butoir.
David Marques
Dernier avertissement lancé aux bars et cafés récalcitrants
Les règles en cette période de déconfinement sont claires. Tout café, bar ou restaurant est contraint de servir ses clients à table. «Aucune boisson ne peut être servie à quelqu’un qui est debout», insiste le Premier ministre. Les tables, qui peuvent accueillir un maximum de 10 personnes, doivent être écartées (1,50 mètre) ou séparées à l’aide d’un paravent (plexiglas). Les serveurs doivent porter un masque, les clients également lorsqu’ils se déplacent (arrivée, départ, toilettes). L’heure de fermeture est fixée à minuit, sans exception.
Et pourtant. «On s’est fait signaler pas mal d’entraves à ces règles», note Xavier Bettel. Il fait référence aux cafés qui le week-end écoulé n’ont pas respecté le couvre-feu. La police continue à effectuer des contrôles. Ils ont été au nombre de 440 ces derniers jours. Dix procès-verbaux ont été transmis à la justice. Au pire, le tenancier devra fermer son établissement. Sans les citer, le Premier ministre se dit aussi interpellé par les attroupements de clients devant les bars situés près du Palais grand-ducal. Un dernier avertissement est lancé : «J’ai déjà été en contact avec des responsables communaux. Si les règles continuent à ne pas être respectées, les autorisations pour exploiter une terrasse pourront être retirées.» Autre cas de figure, lié à la levée de toutes les restrictions pour le domaine privé. «On nous a signalé que des personnes qui ont loué un établissement entier. Ils ont affirmé qu’il s’agissait dès lors d’un lieu privé et que le législateur ne pouvait en rien intervenir», relate Xavier Bettel.
L’intention du gouvernement ne serait pas d’instaurer un État policier. «Nous ne pouvons pas tout contrôler. Ne respecter aucune règle constitue cependant un flagrant manque de solidarité envers ses concitoyens», conclut-il.