Le président du CSV, Frank Engel, veut une vraie participation citoyenne à l’œuvre du XXIe siècle qu’est la réforme constitutionnelle. Quitte à reposer la question sur le droit de vote des étrangers, mais en d’autres termes.
Est-ce le courrier du Premier ministre, demandant aux partis politiques de livrer leurs positions sur le système électoral, qui a entraîné votre revirement concernant la réforme constitutionnelle ayant déjà fait l’objet d’un consensus ?
La lettre du Premier ministre n’est qu’un élément d’une suite de choses qui se sont produites depuis les élections. Nous nous rendons compte que le dossier est loin d’être clos. On ne peut pas prétendre finir l’œuvre du siècle et en même temps dire que l’on va revenir à la matière électorale juste après avoir mené cette réforme, sachant que les trois quarts de la matière électorale sont régis par la Constitution. Je veux bien parler de notre système électoral mais que l’on ne vienne pas nous dire que, sans cela, la Constitution est en état d’être votée. Et ensuite, nous nous sommes repenchés sur la question de la participation citoyenne dans l’exercice et nous nous sommes dit que cela ne servirait pas à grand-chose de juste fournir aux électeurs 130 articles de droit pur et dire que c’est cela la grande participation démocratique.
Il vaut donc mieux scinder la matière en des blocs thématiques que nous allons discuter avec les gens pendant la campagne qui est en train de se préparer si Monsieur Bodry veut encore la faire. En tout cas, nous voulons la mener et nous avons l’impression que les gens vont nous dire ce qui les intéresse vraiment et à partir de là on confectionnera des questions sur lesquelles on consultera vraiment. Je n’ai aucune envie de faire une campagne qui consiste à chanter aux électeurs les prouesses des auteurs du projet de révision, sans possibilité pour les citoyens d’amender quoi que ce soit.
Il y a déjà eu une participation sur le site de la Chambre des députés où les citoyens pouvaient exprimer leurs idées…
J’ai vécu sur le front la campagne référendaire de 2005. Les gens sont venus avec des suggestions, des propositions de modification, et on devait leur dire que, hélas, ce texte ne pouvait plus subir la moindre modification. Il ne faut en aucun cas que cette campagne pour la Constitution répète cette figure de style. Pour avoir vécu cela il y a 15 ans, j’estime que consulter les gens ce n’est pas ça, a fortiori quand nous avons la maîtrise de la chose – notre Constitution ne dépend que de nous, pas de dizaines de partenaires européens en même temps. La Constitution de notre pays, c’est l’affaire du peuple. Si la grande réforme constitutionnelle du XXIe siècle est une œuvre historique, alors pourquoi ne pas la rédiger avec les citoyens ? Sans cela, il n’y a pas de plus-value démocratique.
Comment ?
En procédant à un référendum comportant un certain nombre de questions thématiques, politiques, sur lesquelles les citoyens seront appelés à se prononcer avant même que la Chambre ne procède au premier vote, et de façon à ce que les partis, sur la base d’un engagement politique formel, puissent incorporer les résultats de ce référendum dans le projet de révision définitif de la Constitution. Le Parlement votera ensuite. Qu’il y ait encore un référendum sur le texte adopté par la Chambre en première lecture reste ainsi possible, mais ne nous semble plus impératif.
Quelle est la position du CSV sur cette question du droit de vote des étrangers ? A-t-elle changé depuis la dernière campagne que vous avez menée en faveur du « non » ?
Elle est en train d’évoluer. On note, ce qui aurait déjà dû l’être à l’époque, qu’il y a des manières différentes de poser des questions et des approches différentes de la matière. Si on dit droit de vote actif et passif pour tous ceux, d’où qu’ils viennent, qui sont là depuis un certain nombre d’années, les réactions sont violemment opposées. Pas seulement au sein de l’électorat du CSV d’ailleurs.
Mais si on parle d’un aménagement du droit de vote en faveur des ressortissants communautaires en limitant cela au vote actif, on a des réactions tout à fait différentes. Je veux qu’on prenne le temps et que l’on ait la sérénité nécessaire pour débattre de cette question comme il faut le faire. Je pars du constat que nous sommes une société où une moitié décide et l’autre moitié fait en sorte que nous ayons de quoi décider et cela, à la longue et étant donné le nombre énorme de nouveaux résidents que nous attirons chaque année, n’est pas socialement tenable.
Entretien avec Geneviève Montaigu