Si une hausse des interventions policières et des expulsions en 2020 a été constatée, on est loin de la flambée de violence domestique qu’aurait pu laisser présager la crise du Covid-19.
En 2020, la police est intervenue 943 fois pour des faits de violence domestique et le substitut du procureur a décidé 278 expulsions de domicile, soit en moyenne 23 expulsions par mois. Un chiffre en hausse de 11,07 % par rapport à 2019, où l’on comptabilisait alors 849 interventions et 265 expulsions, mais qui est loin de la flambée de violence domestique à craindre avec la crise du Covid-19, avec plusieurs confinements et périodes d’école à la maison.
Car comme le rappelle Kristin Schmit, de la police grand-ducale, «lorsque les gens sont à la maison, les interventions policières augmentent. En temps normal, la plupart des expulsions se déroulent ainsi le week-end. C’est donc sans surprise que nous avons constaté une hausse pendant le confinement.»
Pour la ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Taina Bofferding, qui a présenté jeudi le rapport annuel sur la lutte contre la violence domestique, le dispositif de gestion de crise du Covid-19 a permis d’éviter une «aggravation substantielle» de la violence : suivi hebdomadaire de l’évolution de la violence domestique, continuité des procédures légales, alternatives de logements en cas de surpopulation des structures d’accueil d’urgence, développement du site violence.lu et mise en place d’une helpline seraient à l’origine de ces résultats.
Un sujet moins tabou
Sans oublier les campagnes de prévention et d’information qui ont sans doute permis de davantage libérer la parole, comme le souligne la ministre : «Le rapport pour l’année 2020 nous montre que les personnes victimes de violences domestiques osent davantage chercher de l’aide. Ceci montre que nos activités de prévention et la médiatisation portent leurs fruits et ont notamment permis de démystifier et de détabouiser le sujet. Nous devons tout de même poursuivre nos efforts et rappeler qu’il y a de l’aide pour toutes et tous», y compris les auteurs de violence (voir ci-dessous).
«Il s’agit d’une part d’aider les victimes à s’extraire des processus répétitifs et toxiques, et de l’autre d’accompagner ainsi que de responsabiliser les auteurs pour rompre les cycles de violence.»
«La violence n’est plus une affaire privée et nous avons reçu des alertes des voisins, qui se rendaient davantage compte de la situation, étant donné qu’ils étaient eux aussi plus souvent à la maison, et qui ont plus osé faire appel à la police», abonde Kristin Schmit.
Une nuance cependant : si les interventions font état de 1 697 victimes, dont 6 sur 10 sont des femmes et 356 victimes sont mineures, «les violences concernant les enfants sont en évolution», confirme Kristin Schmit. Privés de camarades ou d’adultes auxquels ils auraient pu se confier et d’activités scolaires et extrascolaires leur permettant de s’extraire de leur foyer violent, on peut supposer que certaines victimes n’ont pas eu l’opportunité de dénoncer les sévices subis.
«Des informations vont nous parvenir des services de jeunesse voire de l’enseignement qui feront état de violences subies durant le confinement qui n’avaient pas été dénoncées jusque-là. Il faudra analyser ces données. Avec le recul, nous verrons quelle sera l’incidence de la crise à ce niveau», explique l’officière de police.
Tatiana Salvan
«Tant qu’on ne travaille pas avec les auteurs, il y aura des victimes»
Sans excuser ni tolérer le comportement des auteurs de violence, un service leur vient en aide, sans jugement, pour les faire sortir de la spirale de la violence ou les empêcher d’y tomber, lorsqu’ils prennent la peine de venir consulter au moment où les relations commencent à se dégrader : il s’agit de Riicht Eraus.
Le service a recensé pas moins de 1 840 rendez-vous de consultations en 2020, un chiffre en augmentation par rapport aux années précédentes, fait savoir Laurence Bouquet, de Riicht Eraus. Si une consultation est obligatoire après une décision d’expulsion, le service de prise en charge a toutefois pu constater que la demande existait pour obtenir davantage de soutien.
«Avant, nous laissions à l’auteur 7 jours après l’expulsion pour nous contacter. Nous avons finalement décidé d’appeler le premier jour ouvrable suivant l’expulsion, ce qui permet de rencontrer l’auteur pendant la phase de crise psychologique mais aussi d’avoir éventuellement un deuxième rendez-vous avec lui pendant la période d’expulsion de 14 jours. Ce deuxième rendez-vous se fait sur base volontaire et s’avère très différent du premier, lequel est beaucoup dans l’émotion.»
Une initiative que Riicht Eraus, qui insiste sur l’importance de la prévention, compte conserver : «Tant qu’on ne travaille pas avec les auteurs, il y aura toujours des victimes. La violence n’est pas une solution. Il faut savoir qu’il existe une aide et qu’on peut s’en sortir.»
T. S.