La plateforme Pacte Climat a invité récemment Jean-Claude Mensch, maire d’Ungersheim, une commune alsacienne de 2 200 habitants qui s’inscrit dans la démarche de la «transition», avec des projets locaux de bon sens.
Les villes en transition font partie d’un réseau mondial et s’appuient sur la volonté des administrés locaux pour mettre en place des projets qui permettent à la commune de faire des économies d’énergie à grande échelle, de consommer plus local, bref de mieux vivre tout en réduisant son impact sur l’environnement et ainsi freiner, à l’échelle locale, le réchauffement climatique. Jean-Claude Mensch est loin d’être un illuminé et les habitants d’Ungersheim (Haut-Rhin) le voient sur leur facture car avec les économies d’énergie, les dépenses ont baissé en termes de taxes locales. «Il faut arrêter de parler et agir. Nous avons commencé par la piscine et le groupe scolaire qui fonctionnaient via un groupe électrique tout neuf que l’équipe municipale précédente avait mis en place. À l’époque, on pensait que le nucléaire allait faire baisser les prix alors que c’est le contraire qui s’est passé. Nous avons réalisé en 2007 – grâce à des subventions – un réseau court de chauffage à bois couplé à des économies qui se voient concrètement avec une baisse des impôts locaux», indique le maire.
Le radis pour monnaie locale
Ungersheim, c’est un peu le pendant français de Beckerich, la commune exemplaire au Luxembourg en matière de transition. C’est d’ailleurs là que s’est rendue l’équipe municipale avant la conférence aux Rotondes. À Beckerich, la monnaie locale s’appelle le becki, à Ungersheim c’est le radis. Une façon de privilégier les circuits courts avec une monnaie locale qui reste au niveau de la commune. Et ça marche : «Nous sommes à 6 ou 7% de la population qui utilise le radis, c’est mieux que pour d’autres communes car la moyenne est plutôt de 0,2 à 0,5%. Utiliser le radis, c’est faire la promotion des commerçants locaux.»
Parmi les 21 projets mis en place, c’est la cantine scolaire qui est la plus emblématique. Les 150 têtes blondes de l’école primaire de la commune ont en effet le privilège d’avoir tous les jours un menu 100% bio à la cantine. La commune a obtenu un label officiel «Éco-école» après avoir fait la chasse aux économies en matière d’électricité, d’eau et de chauffage. Tout le monde s’y est mis, enfants et enseignants, et les économies réalisées sont mises à profit au sein de la coopérative scolaire. Les enfants sont ainsi sensibilisés au maraîchage et à la permaculture, tandis que le transport scolaire se fait en charrette tirée par les deux chevaux communaux.
La chaufferie en bois permet de chauffer quelque 268 foyers, soit un tiers des habitations de la commune qui accueille la plus grande station photovoltaïque d’Alsace : «L’expérience est reproductible partout, mais les projets doivent être adaptés selon le territoire. Nous n’avons pas de vent, alors nous avons opté pour le photovoltaïque. Cinquante pour cent des légumes de la cantine sont produits localement, mais il faut être réaliste, tout ne peut pas pousser en Alsace.»
Résultat : une cuisine communale, une exploitation maraîchère sur un terrain communal, une conserverie, une régie agricole, un écomusée et une épicerie qui devrait bientôt voir le jour. Les projets se multiplient, valorisant les emplois en insertion et renforçant le lien social. Les habitants sont plus nombreux à Ungersheim ces dernières années, le Petit Poucet alsacien a montré par l’exemple que la transition était possible, avec beaucoup de bonne volonté.
Audrey Somnard
Le Luxembourg organise sa transition
Le réseau des villes en transition a aussi fait des petits au Grand-Duché, qui s’organise.
Le réseau des villes en transition est un mouvement social qui rassemble des groupes animant dans leur commune une initiative de transition, c’est-à-dire un processus impliquant la communauté et visant à assurer la résilience (capacité à encaisser les crises économiques ou écologiques) de la ville face au double défi que représentent le pic pétrolier et le dérèglement climatique. Depuis l’initiative de Rob Hopkins (voir ci-dessous) à Totnes, en Angleterre, le mouvement est devenu international et compte plus de 460 initiatives officielles. Le mouvement est arrivé jusqu’au Luxembourg. C’est le CELL (Centre for Ecological Learning Luxembourg), une organisation à but non lucratif fondée en 2011, qui fournit un espace expérimental pour la pensée, la recherche, la diffusion et la pratique de modes de vie post-carbone ainsi que la culture régénérative.
Conférences, projets, rencontres
Le réseau organise des conférences comme celle avec le maire d’Ungersheim, des projections de films et alimente également une newsletter qui diffuse les actualités du réseau et présente les derniers projets réalisés dans le pays. Il existe dans le sud du pays une Maison de la transition, à Esch-sur-Alzette. Celle-ci se veut un lieu de rencontre et propose de nombreuses activités ainsi que l’accompagnement de projets. Elle abrite également une épicerie de produits locaux et permet de goûter à des plats bios et locaux.
La pionnière en matière de transition dans le pays reste la commune de Beckerich avec son bourgmestre emblématique, Camille Gira, qui a entrepris une transition depuis des années déjà. Mais le réseau s’étend et l’exemple commence à faire des petits.
Qui est Rob Hopkins ?
C’est le fondateur du mouvement Villes en transition (2005) qui désigne plus précisément une série de projets et d’initiatives allant dans le sens de la transition énergétique et écologique. Professeur en permaculture, Rob Hopkins a permis à sa petite ville de Totnes en Angleterre de multiplier les exemples du genre. Il est l’auteur de quatre ouvrages importants sur ce sujet : Manuel de transition (2008), The Transition Companion (2011), Le Pouvoir d’agir ensemble, ici et maintenant : Entretiens (2013) et Ils changent le monde ! 1001 initiatives de transition écologique (2015).
Il était de passage au Luxembourg en avril 2015 où il nous avait accordé une interview pour mieux expliquer le concept de transition. Il nous disait alors : «Je suis impliqué dans un projet où la communauté devient son propre promoteur. D’habitude, les centres-villes sont planifiés par des promoteurs qui remplacent par des horreurs les bâtiments existants et je pense qu’on peut faire mieux. C’est vraiment cela notre message : on peut faire mieux que ça.»
Renseignements sur transitionnetwork.org