Lundi se tenait la journée mondiale de la Lutte contre le sida. Si la tendance s’avère globalement encourageante dans le monde, le Luxembourg doit encore faire des efforts, constate Laurence Mortier, psychologue et coordinatrice de prévention HIV à la Croix-Rouge luxembourgeoise.
[Best_Wordpress_Gallery id= »11″ gal_title= »SIDA »]Le Luxembourg doit intensifier ses efforts de sensibilisation au regard de sa démographie singulière, constate le comité de lutte contre le sida. (Photo : archives)
> Le VIH recule au Luxembourg
Faux
Laurence Mortier : C’est faux. Je dirai même que l’on connaît une période de pic depuis quelques années. On avait une cohorte de 82 personnes nouvellement dépistées au VIH en 2013. Elles étaient 83 en 2012, 73 en 2011, 63 en 2010, et on est déjà à 85 pour 2014. Et c’est aussi inquiétant concernant les « vrais » nouveaux cas en 2014, c’est-à-dire infectés dans les 180 jours avant le test. On en compte 63 en 2014, contre 54 en 2013 et 51 en 2012. Cela étant, je nuancerais ces chiffres, dans le sens où l’ont fait de plus en plus de dépistage, ce qui augmente les chances de détecter les personnes infectées.
> Aujourd’hui, on peut parfaitement vivre avec le VIH
À nuancer
Il est difficile de répondre catégoriquement à cette question, car on n’a tout simplement pas assez de recul. La trithérapie (NDLR : traitement antirétroviral hautement actif, ou HAART) existe depuis 1996, et a permis de grands progrès. Je connais des personnes qui ont été infectées dans les années 80 et qui sont toujours en vie. Mais cela ne veut pas dire pour autant que ces personnes vivront aussi longtemps que si elles n’avaient pas eu le VIH. On ne peut tout simplement pas le savoir.
> Les jeunes se protègent de moins en moins
À nuancer
Je crois que le terme jeune est trompeur car trop vaste. Je crois que les ados sont vraiment très sensibles à la prévention, car ils ne sont qu’au début de leur vie sexuelle. Par contre, j’ai l’impression que plus tard, chez les jeunes qui ont la vingtaine, il peut y avoir un relâchement, car cela devient plus difficile de négocier le préservatif, il y a une plus forte tendance à multiplier les partenaires…
> Les homosexuels présentent davantage de comportements à risque
À nuancer
Moi, je crois qu’il n’y a pas une population à risque; les risques concernent tout le monde. Prenons les prostituées : elles se protègent souvent très bien, car elles ont tout intérêt à le faire, mais elles peuvent aussi subir la contrainte de clients qui ne veulent pas porter de préservatif. Cela étant, oui, et ce n’est pas un jugement de valeur, les homosexuels prennent souvent plus de libertés dans leur sexualité, ils ont plus de partenaires… Chez les homosexuels, on entend aussi beaucoup parler d’un « sérotriage », donc le fait d’estimer que tel partenaire a l’air clean, tel autre non, bref, de décider au préjugé si c’est risqué ou non…
Mais je constate aussi que la population gay est toujours plus sensible au dépistage que les autres populations. Ce qui me préoccupe davantage en ce moment, c’est l’évolution chez les toxicomanes. Ces dernières années, les chiffres étaient plutôt stables, environ 2 infections par an chez les toxicomanes, mais cette année, on est à 17. Alors que la prévention continue, on distribue des seringues, etc. Cela va donc devenir une priorité, car il faut que l’on sache si les messages de prévention ne passent plus.
> Les porteurs du VIH ne peuvent pas donner leur sang
Vrai
Le don de sang est très contrôlé, et cela ne s’arrête pas aux questions que posent les infirmiers aux gens qui donnent. Bien entendu, le risque zéro n’existe pas, mais le sang est vérifié, plutôt deux fois qu’une. D’ailleurs, cela permet à certaines personnes d’être dépistées. En tout cas, je n’ai aucune peur là-dessus, que cela concerne les banques de sang luxembourgeoises ou européennes. En revanche, dans d’autres régions du globe, oui, il y a des craintes légitimes.
> C’est à l’homme de se protéger pour éviter les transmissions
Faux
La décision n’appartient pas qu’à l’homme, la femme est tout autant capable de l’imposer, et aussi d’en porter, puisqu’il existe des préservatifs féminins. La société évolue, donc les pratiques doivent aussi évoluer.
> La pornographie encourage les comportements à risque
Vrai
Je pense que oui, déjà par la facilité avec laquelle on accède aujourd’hui à ce type de contenu. Mais aussi par l’image de la sexualité qu’elle véhicule, sans tendresse ni amour, donc sans respect, transformant le sexe en objet de consommation comme les autres.
> Il faut mettre un préservatif pour tout type de rapport sexuel
À nuancer
Ce qu’il faut savoir, c’est qu’il existe un risque de transmission du VIH dès le moment où il y a contact de la muqueuse orale, vaginale, anale, avec des liquides biologiques tels que les sécrétions sexuelles, le sang, le lait maternel. Des gens me disent par exemple : « Oui mais s’il n’y a pas d’éjaculation, il n’y a pas de risque. » C’est évidemment faux.
> Le gouvernement réalise un dépistage ciblé chez certaines personnes d’origine étrangère
Vrai
Le gouvernement réalise désormais un dépistage pour chaque demandeur d’asile, quel que soit son pays d’origine. Je précise aussi que ce dépistage vise également les hépatites, la syphilis. Il y a d’ailleurs très peu de refus, car c’est dans l’intérêt de tous, y compris des personnes ciblées.
De notre journaliste Romain Van Dyck