Comment intégrer les citoyens étrangers à la prise de décision en l’absence de droit de vote? Des pistes ont été avancées mercredi par les intervenants d’un débat de l’ASTI. Une idée belge a fait son chemin.
La réponse au référendum de 2015 a été claire : les Luxembourgeois n’ont pas souhaité partager leur droit de vote avec leurs concitoyens étrangers. Or dans un pays où la moitié des habitants est d’origine étrangère, la question de l’identité nationale et du droit de vote des étrangers est plus que jamais d’actualité. Des alternatives de participation citoyenne doivent être mises en place, selon l’Association de soutien aux travailleurs immigrés (ASTI). Le vivre ensemble et la cohésion sociale sont en jeu. Un modèle possible existe dans la communauté germanophone de Belgique depuis le 25 février dernier.
Le modèle belge a été entériné à l’unanimité au Parlement belge. «Cette loi est un signal», indique Alexander Miesen, sénateur belge à l’initiative de ces «forums citoyens». Il a été développé dans les limites de la Constitution belge. Une Chambre des citoyens d’une cinquantaine de personnes élabore des propositions de loi sur des thèmes proposés par les citoyens, le Parlement, le gouvernement ou par elle-même. Ses membres sont tirés au sort selon certains critères. Les séances de cette chambre sont organisées par un conseil composé d’anciens membres. Un secrétaire parlementaire fait le lien avec les autorités politiques.
Un moyen de moderniser la démocratie représentative
Si ce Parlement des citoyens n’a pas encore siégé pour le moment, il est prévu qu’il le fasse une à trois fois par an. Pour chaque nouvelle question ou thématique, ses membres seront renouvelés. Une fois une proposition de loi élaborée, elle sera présentée lors d’une séance publique avec les membres de la commission parlementaire afférente et les ministres concernés. En cas de rejet de la proposition de loi, ces derniers devront justifier leur décision. Ils devront également justifier tout retard de plus d’un an dans sa transposition.
Bien que la situation ne soit pas la même dans cette communauté belge qu’au Luxembourg en ce qui concerne l’immigration, ce modèle pourrait, malgré la complexité du terrain luxembourgeois et les divers types d’immigration, inspirer le Grand-Duché. Il permet, affirme Alexander Miesen, «d’intégrer un élément participatif à la démocratie représentative». Un moyen de la moderniser et de combler le fossé entre le monde politique et les citoyens à qui les nouveaux modes de communication ont donné la parole.
«Ne pas remplacer les Parlements»
Selon son inventeur, le modèle belge présenterait de nombreux avantages. Il permet aux citoyens qui sont prêts à jouer le jeu d’être mieux informés et de peut-être changer d’opinion sur un sujet abordé. Il rend les discussions moins partisanes car plus axées sur le contenu de la proposition de loi. En raison de la durée restreinte des rassemblements et du fait que la participation est rémunérée, il encourage la participation citoyenne. Enfin, il permet de créer des multiplicateurs d’idées qui se feront les ambassadeurs de ces forums.
Cependant, la participation citoyenne n’est pas gagnée d’avance. Elle doit prendre en compte la diversité de la population. Pour que le processus fonctionne, Alexander Miesen préconise de «la transparence» et «une légitimité», ainsi que la reconnaissance des citoyens et du «sérieux de leur démarche». Les citoyens participant devront également prendre conscience qu’ils œuvrent pour le collectif et que se voir refuser une proposition fait aussi partie du processus démocratique.
Un peu comme en sport, l’important semble être de participer et de défendre des thèmes qui ne sont peut-être pas suffisamment défendus par la politique. «Ces forums ne doivent en aucun cas remplacer les Parlements nationaux, précise Alexander Miesen. Ils doivent donner la parole à tous et ne pas être exclusifs.» Des pistes de réflexion ont été lancées en direction des milieux politiques et associatifs.
Sophie Kieffer
Pour Claude Wiseler, il ne faut pas affaiblir le Parlement
Le député chrétien-social et ancien ministre Claude Wiseler a participé au débat mercredi. Il s’est interrogé sur l’organisation de la démocratie dans un monde en constante évolution où «le besoin de participation de la population est tout à fait différent». Comment, dès lors, répondre à ce besoin de manière adéquate «tout en donnant à chacun le sentiment de vraiment pouvoir participer»? Et, pour ce «fervent défenseur de la démocratie représentative et du rôle du député dans la société», comment ne pas affaiblir la démocratie? «Il est important, dit-il, que des mécanismes soient mis en place pour renforcer la démocratie parlementaire qui doit rester au centre du fonctionnement de nos institutions» et «de renforcer le Parlement dans son rôle de contrôle du gouvernement, renforcer la force parlementaire et pas l’inverse».