Échange tendu entre opposition et majorité jeudi, alors que le CSV présentait une motion visant à introduire le droit de faire déguerpir les clochards et autres indésirables. Motion rejetée.
Il ne fallait pas s’attendre à un échange chaleureux. Majorité et opposition se sont mutuellement traités de «populistes», les uns parce qu’ils réclament le déguerpissement immédiat (Platzverweis) des clochards, des mendiants et autres individus «qui troublent l’ordre public» dans la rue, les autres parce qu’ils traitent les premiers de populistes.
Les chrétiens-sociaux sont revenus à la charge jeudi en présentant une motion donnant le pouvoir à la police «d’enjoindre à des personnes qui troublent l’ordre public de quitter un lieu donné, voire de leur interdire de s’y rendre pendant une période donnée». C’est le fameux Platzverweis en vigueur en Allemagne et qui vise essentiellement les marginaux.
Le député de l’Est Léon Gloden a présenté la motion pour son groupe en brandissant l’argument du «sentiment subjectif d’insécurité», qu’éprouvent les citoyens.
L’orateur aura d’ailleurs fouillé le passé récent pour retrouver une position identique de Xavier Bettel, alors bourgmestre de la ville de Luxembourg. Seulement voilà, les temps ont changé et les Bleus ont rejoint la position déjà partagée par les Verts et les Rouges. Pas question de compléter le projet de réforme de la police grand-ducale par l’instrument dit du Platzverweis, comme le réclament les chrétiens-sociaux.
Claudia Dall’Agnol (LSAP), qui s’emporte contre ce principe, demande à l’opposition si elle trouve «concevable dans un pays si riche de devoir mendier pour survivre». Le ministre Dan Kersch avait déjà répondu à Laurent Mosar sur ce point en lui indiquant que la mendicité simple exigeait «un traitement social et non une réponse pénale».
Une «mesure populiste»
Une fois qu’ils ont déguerpi, que fait-on des gens, interroge encore la députée socialiste pour qui l’arsenal juridique existant est amplement suffisant pour lutter contre la mendicité en réunion et la traite des êtres humains.
Le député Max Hahn, pour le DP, fut très bref, rappelant que cette mesure ne figure pas au programme du gouvernement. Son groupe votera contre, sans surprise. C’est Viviane Loschetter qui lui succède. La présidente du groupe déi gréng ne voit pas la plus-value d’une telle mesure pour le maintien de l’ordre public dans la mesure où des textes législatifs peuvent déjà résorber le problème en cas de trouble. «Les sans-abri seraient donc un trouble à l’ordre public ? Il s’agit d’une stigmatisation d’une catégorie de notre population. Ce n’est pas pensable pour nous !», lance-t-elle au nom de son groupe avant de conclure : «J’ai honte de devoir discuter d’une telle motion.»
En face, l’opposition CSV s’agite. Mais le député de déi Lénk David Wagner en rajoute une couche : «Léon Gloden nous dit que beaucoup de femmes et de vieillards ont peur des mendiants, franchement j’en connais aussi, et ils ne tremblent pas devant un mendiant! Au contraire, ce sont eux qui donnent une pièce !»
Enfin, pour Fernand Kartheiser (ADR), qui partage les mêmes préoccupations que les chrétiens-sociaux, «il s’agit surtout d’éviter des attroupements de hooligans», et pas seulement d’expulser des mendiants. Pas seulement.
Le ministre de la Sécurité intérieure, Étienne Schneider, lance au CSV qu’il «devrait avoir honte». Le Platzverweis ne sert à rien à ses yeux et il prend l’exemple de l’Allemagne qui l’a adopté mais n’arrive pas pour autant à se débarrasser des clochards. Pour le ministre socialiste, il s’agit d’une «mesure populiste», que le CSV aurait pu prendre quand il était au pouvoir. «Nous avons eu beaucoup de réunions sur la sécurité de ce pays après les attentats afin de donner les moyens légaux à la police pour lutter contre le terrorisme, mais le CSV dit que les quelques clochards du pays sont le plus grand danger», ironise le ministre Schneider.
«C’est populiste et ridicule ce que vous dites», lui répond Claude Wiseler, le chef de la fraction CSV. La motion a été rejetée.
Geneviève Montaigu