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Un enfant migrant, un enfant avant tout


Une structure dédiée spécifiquement au primo-accueil des enfants non accompagnés va ouvrir sous l’égide de l’Office national de l’enfance (ONE). (Photos : archives lq/didier sylvestre)

Quarante-sept mineurs non accompagnés ont sollicité une demande d’asile au Luxembourg en 2020. Beaucoup reste à faire pour améliorer l’accueil et la prise en charge de ces jeunes.

Depuis 2001 est organisée chaque année, le 20 juin, la journée mondiale des Réfugiés, qui a pour but de sensibiliser responsables politiques et citoyens à la cause des réfugiés du monde entier. À cette occasion, le collectif Réfugiés Lëtzebuerger Flüchtlingrot (LFR) et l’antenne luxembourgeoise du réseau European Migration Network (EMN) ont organisé vendredi un cycle de conférences sur le thème «Le devenir de l’enfant non accompagné au Luxembourg».

Le rendez-vous a été ouvert par un discours enregistré du ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, qui a rappelé son attachement aux droits humains et à ceux de l’enfant, insistant sur le fait qu’un enfant migrant est avant tout un enfant. Autour de la table (virtuelle), de nombreux invités – membres d’associations, avocats, chargés de mission, représentants d’organes officiels… – venus débattre des pratiques en cours pour prendre en charge et reconnaître ou non le statut de mineur à ces jeunes réfugiés, de la désignation parfois arbitraire d’un tuteur ou de la question du regroupement familial.

Intérêt supérieur de l’enfant, «une coquille vide»?

Au Luxembourg, 47 enfants non accompagnés ont introduit une demande de protection internationale l’an passé, «un chiffre en légère hausse par rapport aux années précédentes», a indiqué Gonzalo Vargas Llosa, représentant du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

Et c’est bien là l’un des points soulevés par les intervenants : pour être reconnu, l’enfant non accompagné doit faire cette demande quand «l’accueil devrait être inconditionnel», a martelé Cassie Adélaïde, de l’ASBL Passerell. Pour les professionnels du secteur, il faudrait commencer par évaluer l’intérêt de l’enfant plutôt que de le précipiter dans la procédure d’asile. «L’intérêt supérieur de l’enfant, tel que mentionné dans la convention des Nations unies de 1989 est primordial. Cela doit être le fil rouge de toutes les actions», ont insisté les différents intervenants. Encore faut-il en préciser les critères afin de formaliser les évaluations. «Sans critères pour lui donner du contenu, ce terme est une coquille vide», dénonce Frank Wies.

Alors qu’en France ou en Allemagne le demandeur qui se déclare mineur non accompagné est en premier lieu accueilli par les services de protection de l’enfance, au Luxembourg, il se retrouve en effet tout de suite confronté à des agents de l’administration, généralement seul, pour un entretien qui peut avoir des conséquences irréversibles sur sa demande, quand tout l’enjeu est de déterminer son âge s’il y a un doute au niveau de son apparence (voir encadré).

«Il faut qu’il soit accompagné d’un représentant légal ou d’un avocat. Car sa parole est souvent prise pour argent comptant et pourra avoir une influence négative sur la suite de la procédure», interpelle Frank Wies. Or face à des adultes, d’autant plus détenteurs d’autorité, «l’enfant répond ce qu’on attend de lui», explique Cassie Adélaïde.

En dépit de la crise sanitaire, plus de 82 millions de personnes ont été déplacées en 2020, dont 48 millions à l’intérieur de leur pays, pour fuir les guerres, les violences, les violations des droits humains. Parmi elles, 42 % ont moins de 18 ans, a rappelé Gonzalo Vargas Llosa. Un million d’enfants sont même nés réfugiés entre 2018 et 2020. «Le Luxembourg ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais nous devons assumer fidèlement notre part», a rappelé Gilbert Pregno, reprenant une déclaration de Michel Rocard.

Tatiana Salvan

L’épineuse question de l’âge

L’identification d’un demandeur d’asile comme mineur est cruciale puisque cela va influencer les procédures et traitements ultérieurs. Plusieurs méthodes sont utilisées pour évaluer l’âge d’un demandeur, en premier lieu desquelles l’analyse approfondie des documents éventuellement en sa possession (documents d’identité, carte d’étudiant, visa…) ainsi que des données déjà enregistrées dans la base Eurodac, s’il a été déclaré adulte dans un autre État membre. Or ces données ne sont pas toujours fiables, comme le rappelle l’avocate Ibtihal El Bouyousfi : «Certains se sont déclarés majeurs dans d’autres pays de l’UE pour pouvoir passer, ce qui va ensuite leur porter préjudice. Mais mentir sur son âge est une question de survie.» D’autres ne connaissent tout simplement pas leur date de naissance ou n’ont pas reçu d’état civil lorsqu’ils appartiennent à des populations persécutées, comme au Darfour.
Lorsque toutes les méthodes sont épuisées, le demandeur peut être soumis à un examen médical (qu’au Luxembourg notamment il est en droit de refuser). Les examens des organes génitaux sont dénoncés, l’examen se doit de n’être plus invasif. Il repose généralement sur des radiologies (du poignet ou de la clavicule) ou sur un examen dentaire. Mais ces données ne sont qu’approximatives. «Il n’existe pas de méthode exacte pour déterminer l’âge chronologique d’un jeune. Ils ne doivent donc être utilisés qu’en dernier recours», a affirmé Elena Modonesi, la représentante du Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO). «Les examens médicaux demeurent assez rares au Luxembourg», précise Ralph Petry, représentant d’EMN Luxembourg.
L’EASO recommande qu’en cas de doute persistant, le demandeur doit être traité comme un mineur jusqu’à preuve du contraire. Or dans les faits, de plus en plus souvent au Grand-Duché, «la présomption de minorité n’est pas la règle», dénonce Ibtihal El Bouyousfi : «Le jeune dont l’âge est mis en doute est enregistré comme majeur et c’est à lui de prouver sa minorité.»