La commune de Troisvierges contestait un arrêté ministériel lui interdisant de payer les frais d’entretien de ses églises. La cour administrative lui a donné raison.
Ils seront nombreux à fréquenter les églises en ce week-end pascal, comme d’ailleurs les semaines précédentes. C’est là, souvent, que les fidèles se rendent en ces temps de pandémie aussi bien pour méditer que pour retrouver un semblant de lien social. Dans les églises, sous des conditions strictes d’hygiène et de sécurité, jusqu’à 100 personnes peuvent se réunir. L’occasion de voir du monde et de prendre des nouvelles des uns et des autres.
L’église au milieu du village, c’est essentiel aussi pour la plupart des bourgmestres qui veillent à l’entretien des édifices, au nom de la sauvegarde du patrimoine, à l’instar d’Edy Mertens. L’édile de Troisvierges offre un bel élan d’espoir à ceux qui bataillent âprement contre la convention passée entre les communautés religieuse et l’État qui a donné naissance, trois ans plus tard, en 2018, au Kierchefong, le fonds de gestion du patrimoine du culte catholique.
Le cadeau du bourgmestre est arrivé sous forme d’un arrêt de la cour administrative qui va quelque peu changer la donne. Le ministère de l’Intérieur n’avait pas validé les postes budgétaires de la commune qui se rapportaient aux dépenses de fonctionnement des différents édifices présents sur son territoire et dont elle est propriétaire.
Au motif que c’est désormais au fonds de régler les factures de chauffage et d’électricité, le ministère de tutelle avait corrigé les comptes de la commune, comme le relatait RTL Radio. Troisvierges n’était pas la seule dans ce cas. D’autres budgets avaient été retoqués par le ministère qui voyait là une violation de la loi de 2018, laquelle ne tolère aucune contribution de la part d’une commune aux frais du culte catholique.
Le bourgmestre de Troisvierges, Edy Mertens, ancien député libéral, médecin généraliste et franc du collier, n’a pas voulu céder. Comment peut-on refuser à un propriétaire d’accomplir son devoir de sauvegarde du patrimoine ? La question méritait d’être posée à la juridiction administrative. La commune a donc formé un recours contre l’arrêté ministériel et vient de remporter la bataille en deuxième instance devant la cour administrative.
L’urgence d’une convention
« Cela va avoir un impact sur tout le pays », nous déclare Edy Mertens. Il a déjà reçu de nombreux appels pour le féliciter de sa ténacité. « J’ai cinq églises et trois chapelles sur le territoire communal et toutes sauf une sont classées monument national », précise-t-il. Il ne peut pas, en tant que propriétaire de tous ces édifices, «laisser les moisissures détruire ce patrimoine ». Au nom de la promotion du patrimoine culturel religieux, ces édifices doivent rester ouverts au public, donc chauffés et bien conservés.
Pour lui, comme les juges de la cour administrative, il ne s’agit pas ici de soutenir financièrement le fonds dans ses activités, ce que la loi interdit clairement, mais bien d’entretenir le patrimoine, ce qui pour la commune de Troisvierges « représente beaucoup d’argent », quelque 85 000 euros, selon les données financières reprises dans l’arrêt.
Cela étant dit, si la commune a le devoir d’entretenir son patrimoine, le fonds peut aussi participer aux frais étant donné que les lieux sont utilisés par le culte catholique. Pas toujours et pas dans tous les édifices, mais il faudrait déterminer le montant de l’écot à verser au panier.
La commune est invitée à passer rapidement une convention avec le Kierchefong afin de déterminer les conditions d’utilisation des édifices propriétés de la commune et sa participation aux frais d’entretien. Convention qui aurait dû être déjà signée.
Geneviève Montaigu
Pendant ce temps à Hollerich
La cour constitutionnelle, de son côté, a rendu un arrêt le 26 mars dernier qui convient à la fabrique d’église de Hollerich ayant attaqué la convention abolissant les fabriques d’église. La cour constitutionnelle renvoie le dossier devant le juge du fond car c’est à lui de trancher.
«Toutes les questions tenant à la validité de la convention et/ou celles relatives à sa constitutionnalité devront être toisées par le juge du fond», écrivent les avocats, Mes Jean-Marie Bauler et Jonathan Holler. «La fabrique d’église de Hollerich se satisfait pleinement de cet arrêt et entend démontrer, le moment venu, devant le juge du fond, à l’instar de ce qu’elle a plaidé devant la cour constitutionnelle, l’irrégularité et l’inconstitutionnalité de cette convention ayant supprimé l’ensemble des fabriques d’église luxembourgeoises et ayant exproprié tous leurs biens au profit d’un établissement public, à savoir le Kierchefong», concluent-ils.