Perquisitions, gardes à vue, écoutes, géolocalisation des téléphones, traçage des opérations bancaires, fouilles et contrôles d’identité : rien ne sera plus comme avant, quand il sera question de terrorisme.
À l’issue d’une réunion conjointe de la commission de la Sécurité intérieure et de la Commission juridique à la Chambre, Xavier Bettel a présenté, ce jeudi, un paquet de mesures dont la majorité sont permanentes et l’une, le contrôle d’identité et la fouille en toute circonstance «en cas de risque d’attentat imminent», est exceptionnelle. Détail.
C’est un Premier ministre déterminé qui s’est présenté à la presse à l’issue de la commission jointe lors de laquelle il a présenté aux députés les nouvelles mesures, permanentes ou exceptionnelles, destinés à combattre le terrorisme. Sans préciser si des menaces particulières planaient sur le pays, Xavier Bettel a toutefois souligné que le gouvernement n’avait pas attendu les attentats du 13 novembre pour réagir. Juste après l’attaque sanglante à Charlie Hebdo, le gouvernement a mis en place le plan Vigilnat. Aujourd’hui, de nouvelles mesures qui étendent les prérogatives des forces de l’ordre viennent renforcer le dispositif de lutte contre le terrorisme.
Au chapitre des mesures prises à titre définitif : les perquisitions, qui jusqu’à présent ne pouvaient être effectuées que de 6 h 30 à 20 h, seront désormais possibles 24 heures sur 24 en matière de terrorisme. La garde à vue passera de 24 à 48 heures toujours en matière de terrorisme et de sécurité de l’État. La police, qui jusqu’à présent avait la possibilité de se livrer à des écoutes téléphoniques, pourra désormais espionner les ordinateurs afin d’intercepter des conversations Skype, par exemple, et tout autre échange via la toile. La police pourra d’ailleurs utiliser des pseudonymes sans tomber dans la «provocation policière» afin de s’immiscer dans les conversations. Ils pourront donc «tchater» pour récupérer des informations sur les ordinateurs.
Concernant la géolocalisation des GSM, le Premier ministre a rappelé la suppression des cartes prépayées anonymes. «Pour toute carte téléphonique, il faudra présenter une pièce d’identité et donner une adresse. Les opérateurs que j’ai contactés sont d’accord, sauf un. S’il le faut, ce sera appliqué par voie réglementaire», a prévenu Xavier Bettel. C’est un point capital, car «chaque minute compte», a souligné le Premier ministre en référence aux attentats de Paris et au traçage des téléphones des terroristes. Tous les noms d’abonnés seront centralisés à l’Institut luxembourgeois de régulation, afin d’agir vite.
Modifier la Constitution
Autre mesure phare, le retraçage des opérations bancaires, qui ne pouvait être effectué qu’après l’inculpation d’un suspect, pourra être opéré avant. «Quand on est inculpé, on ne fait plus d’opération en banque, donc, c’est avant qu’il faut intervenir.» Tout cela, bien sûr, dans les seuls cas de terrorisme et de sécurité de l’État.
Les dernières fausses alertes ont eu le don d’irriter au plus haut point le gouvernement qui a décidé de se constituer partie civile et de manière systématique pour chaque délit de fausse alerte. «Nous réclamerons des dommages et intérêts», a précisé le Premier ministre.
Toutes ces mesures sont prises de manière définitive, a prévenu Xavier Bettel qui espère que ces modifications législatives pourront intervenir dans les prochaines semaines.
S’ajoute à ce premier paquet de mesures permanentes une disposition exceptionnelle. «En cas de risque d’attentat imminent, on déroge au droit commun et on introduit le contrôle d’identité et la fouille en toute circonstance, c’est-à-dire dès le niveau 3 du Vigilnat (plan de protection nationale)», a indiqué Xavier Bettel. Comprendre que la police pourra ouvrir les sacs, les valises et fouiller les voitures et contrôler les identités n’importe où, n’importe quand.
Au chapitre de la «puissance souveraine» de la Constitution, le gouvernement entend modifier l’article 32.4 qui dispose qu’en «de crise internationale, le Grand-Duc peut, s’il y a urgence, prendre en toute matière des règlements, même dérogatoires à des dispositions légales existantes. La durée de validité de ces règlements est limitée à trois mois.» Il s’agit d’ajouter également «en cas de crise nationale». «Je n’ai pas envie d’avoir un débat à la Chambre pour déterminer si on se trouve dans une crise internationale ou nationale», précise Xavier Bettel. Le CSV est à peine visé qui pourrait aller chercher des noises et ergoter sur ce point de détail.
Cependant, les députés réunis en commission jointe «Sécurité intérieure» et «juridique» ont accepté ces mesures, selon le Premier ministre qui va encore les présenter mardi prochain lors de la séance plénière. Du côté des verts, la présidente de la fraction et présidente également de la Commission juridique, Viviane Loschetter, a indiqué «pouvoir vivre» avec ces mesures, bien qu’elles soient «puissantes», mais ce qui la rassure c’est que ces mesures restent sous contrôle judiciaire. Ce n’est pas un blanc-seing accordé à la police. «Nous n’aurions pas accepté les perquisitions administratives», précise Viviane Loschetter.
Reste encore une mission pour le gouvernement, celle de définir la notion de «haine» et d’«incitation à la haine».
Geneviève Montaigu