La seconde réforme des taxis entre dans la dernière ligne droite. Une simulation de rentabilité effectuée par le Conseil de la concurrence vient remettre en question l’intérêt de maintenir des prix élevés.
Lancé depuis début février, le processus législatif pour mener à bien la réforme du secteur des taxis, la seconde après celle datant de 2016, devrait pouvoir être clôturé dans les mois à venir. La pièce maîtresse de cette réforme est une libéralisation intégrale du secteur. Il existe toutefois encore un obstacle majeur à négocier.
Le Conseil d’État formule dans son avis rendu le 30 novembre sept oppositions formelles, la principale arme des Sages pour bloquer des projets de loi. En y regardant de plus près, les veto de la Haute Corporation sont surtout d’ordre technique. Des passages mal formulés, pouvant ouvrir la porte à une insécurité juridique, ou encore la décision d’opter pour un règlement grand-ducal au lieu d’ancrer certaines dispositions dans une loi sont notamment mis en exergue.
Vers une libéralisation du marché ?
Le ministre de la Mobilité, François Bausch, souligne dans l’exposé des motifs que la réforme de 2016 a entraîné «une hausse des prix au lieu d’une diminution» (+16,2 % entre juillet 2017 et juin 2019) pour conclure qu’un «marché (…) complètement dérégulé semble être la seule façon de faire bouger les prix».
Ce principe même n’est pas remis en doute par les Sages, d’autant plus qu’ils avaient déjà plaidé en décembre 2014 pour une libéralisation du marché : «Afin de limiter les effets économiques négatifs découlant des nombreuses courses à vide (…), le Conseil d’État est à se demander s’il ne serait pas utile de lever en tout cas le zonage territorial et d’abandonner éventuellement aussi le numerus clausus des licences d’exploitation de taxi.»
Un constat pas si banal
Ce changement de paradigme majeur sème néanmoins le doute, voire la colère, dans le secteur. La Fédération des taxis, voitures de location et ambulances dit «soutenir» le fait que le ministère de la Mobilité veuille faire jouer la concurrence du marché, «mais pas à tout prix». Dans son avis sur le projet de loi, la Chambre des métiers confirme que le secteur «ne nie pas l’importance de devoir agir sur certains dysfonctionnements – tels que certaines pratiques de prix excessifs (…)». Mais la libéralisation telle que prévue «risque en revanche de ne pas avoir l’effet escompté d’une baisse des prix».
Selon le Conseil de la concurrence, une baisse des prix serait toutefois dans l’intérêt de tous les acteurs impliqués. «Le premier objectif des entreprises de taxis ne doit pas être de maintenir des prix élevés, mais d’augmenter au maximum le kilométrage moyen par jour ou par an, et donc de réduire au maximum le temps mort en station ou au garage ainsi que les courses à vide», peut-on lire dans l’avis de cet organisme de surveillance.
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Une analyse plus approfondie des dynamiques économiques régissant le secteur des taxis se trouve à la base de cette conclusion. «Des simulations effectuées à l’aide d’un modèle de rentabilité montrent que cette dernière dépend de façon cruciale du kilométrage effectué par jour ou par an», avance ainsi le Conseil de la concurrence. Ce «constat banal» pose toutefois question.
À la base, il est plus attrayant pour un client de payer 2,50 euros par km parcouru que 3,50 euros. L’exploitant du taxi a cependant aussi son mot à dire. Selon le calcul du Conseil de la concurrence, un véhicule doit parcourir au moins 20 000 km par an (88,5 km par jour) pour rentrer dans ses frais avec un tarif de 2,5 euros par km. Pour un prix au kilomètre de 3,50 euros, l’activité se rentabilise dès un kilométrage de 13 500 km par an (58,50 km par jour).
Rouler moins, pour gagner plus ?
Les exploitants pourraient ainsi se voir confirmées dans leur choix d’augmenter les prix si la situation du marché l’exige. Un autre chiffre vient illustrer ce constat : entre mars 2017 et juin 2019, les coûts supportés par les entreprises du secteur des taxis ont subi une hausse de 6,1 % alors que les prix du transport de personnes par taxi ont augmenté de 11,3 %.
Rouler plus grâce à un prix plus attrayant peut générer davantage de chiffre d’affaires. Rouler moins en augmentant les prix peut toutefois donc aussi s’avérer payant pour les exploitants. Le bras de fer entre ministère, clients et entreprises de taxis est encore loin d’être dénoué.
Les futures règles du jeu
ZONES Le projet de réforme prévoit de supprimer les six zones géographiques actuelles au motif que cette division ne serait plus justifiée avec «l’arrivée de nouvelles centrales d’appels et notamment l’avènement de la technologie (smartphones et applications)». Jusqu’à présent, un taxi de Luxembourg pouvait transporter un client jusqu’à Esch-sur-Alzette, par exemple, mais n’avait pas le droit de prendre de course depuis la Métropole du fer et revenait donc à vide vers la capitale.
LICENCES Jusqu’à présent, un nombre limité de licences est octroyé. Zone 1 (canton de Luxembourg) : maximum de 290 licences; zone 2 (Capellen et Esch) : 140 licences; zone 3 (Mersch et Redange) : 30 licences; zone 4 (Echternach, Grevenmacher et Remich) : 25 licences; zone 5 (Diekirch et Wiltz) : 50 licences; zone 6 (Clervaux et Vianden) : 15 licences. Ce quota de licences doit être supprimé.
CARTES DE CONDUCTEUR De nouvelles règles pour les conducteurs concernant à la fois l’accès à la profession et les règles déontologiques sont introduites. Le chauffeur doit être détenteur d’un permis de conduire et être âgé de 21 à 70 ans. Il devra suivre une formation et passer un examen. Le chauffeur n’aura plus le doit de fumer à l’intérieur du taxi, même en l’absence de client.
David Marques
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