En 2019, les interventions de la police ainsi que les expulsions de domicile pour des faits de violence domestique ont augmenté d’environ 15 % par rapport à 2018, signe que la parole se libère peu à peu.
La ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Taina Bofferding, a présenté jeudi le rapport 2019 du Comité de coopération des professionnels du domaine de la lutte contre la violence. Il ressort de ce compte rendu une hausse de près de 15 % par rapport à l’année précédente des interventions de police ainsi que des expulsions de domicile pour faits de violence domestique.
Ainsi, en 2019, la police grand-ducale a procédé à 849 interventions, contre 739 en 2018, ce qui représente précisément une augmentation de 14,88 %. De son côté, le Parquet a autorisé 265 expulsions, contre 231 en 2018, soit une hausse de 14,72 %.
Plus qu’une réelle augmentation de la violence, «le rapport pour l’année 2019 nous montre que les personnes victimes de violences domestiques osent davantage chercher de l’aide, ce qui est très important. La violence domestique n’est pas une affaire privée», insiste vivement Taina Bofferding.
«La violence, l’agressivité sont de moins en moins tolérées, notamment au sein du couple», souligne Laurent Seck, Parquet auprès du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. «Avec la loi de septembre 2003 (NDLR : qui prévoit l’expulsion du domicile de l’agresseur), on sait plus qu’on ne doit pas accepter de telles situations. Les gens cachent moins qu’il y a un problème d’agressivité, mais la gravité des faits n’a pas nécessairement augmenté, ce qui explique la différence entre le nombre d’interventions de la police et les expulsions», précise-t-il.
«Les victimes féminines et masculines se chiffrent à 1 337 personnes», indique le rapport, qui rappelle par ailleurs que «la violence domestique est une réalité quotidienne au Luxembourg et touche toutes les classes sociales et communautés vivant dans notre pays».
Parmi ces victimes, environ 64 % sont des femmes et 36 % des hommes. 195 d’entre elles sont mineures. Trois homicides sont à déplorer en 2019 – deux femmes et un homme ont succombé à ces violences domestiques.
Quant aux auteurs, ils restent majoritairement de sexe masculin : 68,32 % sont des hommes, 31,68 %, des femmes. La plupart d’entre eux ont entre 30 et 45 ans.
Et pendant le Covid ?
L’une des craintes majeures avec l’apparition du coronavirus et des mesures de confinement instaurées a été d’assister à une augmentation des violences domestiques, les situations de promiscuité favorisant l’exacerbation des tensions.
Le ministère de l’Égalité entre les femmes et les hommes, les professionnels du secteur et les différentes institutions ont donc tenu à prendre rapidement des mesures afin de limiter au maximum ces risques. Un suivi hebdomadaire des violences domestiques a été organisé et les dispositifs d’aide habituels ainsi que les expulsions ont quant à eux été maintenus.
«Lorsque la police intervient, elle dresse un rapport, puis le Parquet décide en fonction de la gravité des faits l’expulsion ou non de l’auteur des violences du domicile familial. C’est une décision lourde de conséquences – cette personne se retrouvant à la rue pendant au moins 14 jours –, une situation d’autant plus compliquée en plein Covid», signale Laurent Seck. «Nous craignions cette période, mais la mise à disposition de chambres d’hôtel a permis d’enlever cette charge.»
Le ministère, par mesure de précaution et afin de ne pas se retrouver démuni face à une éventuelle explosion des violences, avait en effet prévu de renforcer les lieux d’accueil disponibles tant pour les auteurs que pour les victimes, en sus des structures habituelles.
Une helpline a aussi été mise en place tandis que le site violence.lu a été développé, notamment avec la mise en ligne d’une FAQ en plusieurs langues permettant de répondre aux questions principales que peuvent se poser les victimes et les témoins de violences. Le site a d’ailleurs connu une augmentation significative des visites pendant le confinement, passant d’une centaine de clics en janvier à plus de 2 000 en avril. «C’est important que les amis, les voisins soient informés, à l’écoute et prêts à aider les victimes, que celles-ci ne se sentent pas seules, qu’elles sachent qu’il y a de l’aide autour d’elles et au niveau des services sociaux ainsi que du 113 pour les situations d’urgence», souligne la ministre.
À ce jour, le comité relève toutefois que «durant la phase aiguë du Covid-19, les expulsions et les interventions policières n’affichent pas de hausse substantielle par rapport aux chiffres mensuels retenus les années précédentes». La police est intervenue 243 fois entre les mois de mars et avril et le Parquet a procédé à 68 expulsions.
Olga Strasser, du Service d’assistance aux victimes de la violence domestique, relève 126 expulsions entre le 1er janvier et le 10 juin 2020, contre 103 pour cette même période en 2019. «On ne peut pas tirer de conclusions hâtives. Il faudra analyser la situation quand la crise sera finie et voir ce qui se passe après le déconfinement. Peut-être que les chiffres vont augmenter dans les centres de consultations et les refuges.»
En plus de cette analyse, le Comité demande également l’approfondissement du retracement des antécédents policiers et judiciaires des auteurs de violences. En 2019, 38 % étaient en effet des récidivistes.
Tatiana Salvan