Une femme sur trois entre 18 et 24 ans au Grand-Duché fume. Elles sont désormais plus nombreuses à fumer que les hommes dans cette tranche d’âge.
Les chiffres sont mauvais. La dernière enquête TNS Ilres commanditée par la Fondation Cancer montre un «bouleversement historique» : dans la tranche d’âge 18-24 ans, les femmes sont pour la première fois plus nombreuses à fumer que les hommes. Elles sont 30%, contre 22% d’hommes. Pour la Fondation Cancer, il ne s’agit rien de moins que d’une véritable «catastrophe sanitaire».
«On constate cette tendance à l’augmentation du tabagisme chez les jeunes femmes depuis 2013. Les hommes demeurent majoritaires chez les fumeurs en général, mais c’est la première fois que les femmes les dépassent dans une tranche d’âge. C’est une parité dont on se serait bien passé!», déplore Lucienne Thommes, la directrice de la Fondation Cancer.
Un phénomène d’autant plus inquiétant que les jeunes filles à cet âge sont nombreuses à prendre la pilule, une combinaison redoutable qui augmente le risque thromboembolique, c’est-à-dire la formation de caillots dans le sang.
Le tabac, qui a un impact négatif sur la fertilité, s’avère en outre extrêmement dangereux pour le fœtus : il augmente notamment les risques de malformations et de fausse couche.
«On constate également que les femmes sont en général plus sensibles que les hommes aux effets négatifs du tabagisme, par exemple aux maladies respiratoires», ajoute la directrice de la Fondation Cancer, qui prévient encore : «On risque d’avoir un très gros problème sanitaire dans quelques années, dans la mesure où un cancer met 20, 30 ans à se déclarer.»
Les causes précises de cette progression du tabagisme chez les jeunes filles restent à définir. Parmi les pistes envisagées : des problèmes de l’image de soi, une volonté de surveiller son poids (la nicotine étant connue pour son effet coupe-faim).
Seule certitude : plus on commence à fumer jeune, plus l’addiction à la nicotine apparaît rapidement et plus on fume longtemps. «La prévention doit se jouer avant 20 ans», insiste Lucienne Thommes.
Pour cela, la Fondation Cancer intervient régulièrement au sein des établissements scolaires, publie sur le sujet et met en place depuis 20 ans un concours pour les classes de l’enseignement secondaire intitulé «Mission Nichtrauchen». «Toute la classe s’engage à ne pas fumer pendant six mois. Environ 2000 élèves participent chaque année à ce concours. L’enseignant demande une fois par semaine aux élèves s’ils ont fumé ou non : c’est basé sur l’honnêteté. Les finalistes sont invités à un rallye et peuvent remporter un prix.»
Augmenter le prix du paquet
Mais les mauvais résultats dévoilés par l’institut de sondage remettent en cause l’ensemble de la lutte antitabac. Un ado sur quatre fumerait même désormais la chicha, avec une augmentation de deux points par rapport à 2017.
«On espérait que la transposition en 2017 de la directive européenne renforçant la législation antitabac changerait la donne, avec l’interdiction de la vente de cigarettes aux mineurs et l’interdiction de fumer sur les aires de jeux ou en voiture. Mais ce n’est visiblement pas le cas. Nos campagnes non plus ne semblent apparemment pas porter suffisamment leurs fruits. Il faut donc faire mieux», reconnaît Lucienne Thommes.
Pour la directrice, la solution passe incontestablement par l’augmentation du prix du paquet de cigarettes. C’est d’ailleurs ce que constate l’Organisation mondiale pour la santé (OMS) : lorsque les prix du tabac sont en hausse, la consommation est en baisse. «L’augmentation du prix du paquet en France ou en Belgique a engendré une baisse de consommation parmi les jeunes», rappelle Lucienne Thommes, qui estime que, pour avoir un réel impact, «le paquet doit augmenter d’au moins 10% d’un seul coup».
«Au vu du niveau de vie au Luxembourg, le paquet devrait être encore plus cher qu’en France. Il s’agit de prendre conscience du temps qu’il faut travailler pour se payer ses cigarettes.»
Mais jusqu’à présent, la Fondation Cancer ne semble pas trouver d’écho au gouvernement. «Forcément, au ministère de la Santé, on approuve l’idée. Mais on n’est moins d’accord du côté de l’Économie. On voit qui a le dernier mot jusqu’à présent… Le chemin est difficile.»
Tatiana Salvan