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Suicide : les jeunes de plus en plus touchés


Plus de 15% des élèves de 11 à 18 ans ayant participé à une étude européenne ont avoué avoir eu des pensées suicidaires. (illustration Isabella Finzi)

Le suicide n’est plus uniquement un acte d’adulte. De plus en plus de jeunes désœuvrés ont intégré le principe. Il existe des méthodes pour les en préserver.

L’idée du suicide vient d’une recherche de solution à un problème. Il est le résultat d’une somme de facteurs et résulte d’un processus de maturation. On ne se suicide pas sur un coup de tête, affirme François d’Onghia, docteur en psychologie et chargé de direction du Service information et prévention de la Ligue. «Aujourd’hui, les médecins sont plus à même de prévenir les tentatives de suicide, car on comprend mieux la trajectoire qui y mène grâce aux résultats d’études dont nous disposons», explique-t-il, en marge de la septième journée nationale de santé scolaire dans le cadre de laquelle il donnait un exposé sur «comment repérer la crise suicidaire à l’adolescence».

«En 2016, 20 000 personnes ont pensé au suicide, 6 000 avaient un plan, 3 000 ont fait une tentative» et 61 sont décédées. La preuve, selon le docteur en psychologie, que la prévention marche quand elle est bien appliquée. En 2015, le nombre de personnes s’étant ôté la vie était de 81. Parmi ces suicides, il n’y aurait aucun jeune de moins de 25 ans. Cependant, plus de 15% des élèves de 11 à 18 ans ayant participé à l’étude européenne HBSC (Health Behaviour in School-Aged Children) ont avoué avoir eu des pensées suicidaires. Bien qu’ils ne fassent, selon les statistiques, pas partie des populations les plus à risques (les personnes de plus de 75 ans ont trois à quatre fois plus de risques de se suicider que les moins de 25 ans), ils méritent plus d’attention pour ne pas faire basculer les statistiques.

«Avant de passer le pas, les gens souffrent pendant longtemps. Ils passent par différentes étapes durant ce parcours de souffrance, explique François d’Onghia. Ils commencent par avoir des flashs lors desquels l’idée du suicide leur apparait brièvement. Parfois, ces flashs reviennent de plus en plus souvent, jusqu’à ce qu’ils ne les quittent plus. C’est la phase de rumination. Elle est suivie de la phase de cristallisation. Ne manque plus que l’élément déclencheur. Ce processus prend des semaines.»

Heureusement, ce processus est bien connu des spécialistes et il existe des moyens fiables pour en évaluer le stade. Au Luxembourg, 700 personnes (professionnels de santé, personnel des milieux socio-éducatifs, entre autres) sont formés à l’outil d’évaluation RUD, comme risque, urgence et dangerosité, pour mieux dépister les personnes et les jeunes à risque.

Signes avant-coureurs

Une multitude de facteurs et de connaissances sont alors combinés pour déterminer les taux de risque, d’urgence et de dangerosité de chaque cas pour lui apporter la réponse la plus adéquate. «90% des suicides sont consécutifs à des problèmes psychologiques non diagnostiqués», ajoute François d’Onghia.

Si les professionnels de la santé et de l’éducation disposent de moyens pour reconnaître des jeunes dits «à risque», les parents sont souvent démunis. L’étude HBSC a permis de dégager des pistes et des facteurs. Les signes avant-coureurs d’un mal-être seraient, selon Carolina Catunda, chercheur à l’université du Luxembourg, des maux divers, l’irritabilité, des nausées et des difficultés à s’endormir. Mais également une mauvaise image du corps de l’adolescent ou encore la consommation de tabac, d’alcool et de stupéfiants. La consommation de chacun de ces trois produits triplerait le risque de passage à l’acte.

À cela s’ajoutent des facteurs comme les harcèlements moral et sexuel en augmentation en raison de l’omniprésence des écrans dans la vie des jeunes. Ils multiplient par trois la probabilité d’une tentative de suicide chez les jeunes. Une mauvaise situation de vie ou un mauvais soutien parental seraient également des facteurs multiplicateurs, de même que le niveau d’éducation. Il y aurait deux fois plus de risques chez les jeunes suivant des études techniques et modulaires que chez les jeunes scolarisés dans des lycées classiques. Un deuil difficile ou le suicide d’un proche peuvent également être un facteur, tout comme la dépression ou un traumatisme.

Les signes avant-coureurs sont nombreux et les jeunes qui les présentent n’ont pas systématiquement des tendances suicidaires. Cependant, mieux vaut prévenir que ne plus être en mesure de guérir. Les adultes en contact avec les jeunes, qu’ils soient de la famille, du cercle amical ou du système éducatif, doivent pouvoir intervenir et prendre contact avec des associations et des spécialistes.

Sophie Kieffer