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SREL : une affaire qui avait fait vaciller le pays


Jean-Claude Juncker avait été déboulonné en raison de l'affaire du SREL. (photo archives LQ)

Les dysfonctionnements du Service de renseignement de l’État (SREL), remis en lumière par l’affaire de la rencontre Bettel/Kemmer, avaient déclenché une crise politique en 2012 et 2013. Retour sur le fil des évènements.

Le climat était devenu délétère entre le CSV et le LSAP avant le 10  juillet 2013, date qui restera dans l’histoire comme le jour où le Premier ministre, Jean-Claude Juncker, a été déboulonné. La faute est revenue à l’affaire du Service de renseignement de l’État (SREL). Les rebondissements ont été multiples et les dysfonctionnements, nombreux  : écoutes illégales, opérations ayant dépassé la législation encadrant les activités du service, tentatives de déstabilisation du procureur d’État, création douteuse d’une société privée d’intelligence économique par un ancien agent, rôle suspect de l’ancien chauffeur de Jean-Claude Juncker, sans oublier l’espionnage politique exercé pendant des décennies.

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Tout a débuté en 2012 par une fuite qui a fait état de l’enregistrement en secret d’une conversation entre le directeur du SREL de l’époque, Marco Mille, et Jean-Claude Juncker. L’entretien date de 2007 et a été enregistré à l’aide d’une montre-bracelet portée par le directeur du SREL. Le Premier ministre attend 2009 avant d’informer la commission de contrôle parlementaire du SREL de cet enregistrement.

Lors de cet entretien est également évoqué l’existence d’un CD crypté qui aurait comme contenu l’enregistrement d’un entretien entre Jean-Claude Juncker et le Grand-Duc Henri sur l’affaire Bommeleeër. Des relations étroites entre la Cour grand-ducale et le service secret britannique sont également évoquées. Le SREL est depuis 2005 en possession de ce CD.

La contre-attaque du CSV

Ces deux épisodes ouvrent le voile sur une longue liste de dysfonctionnements du SREL. Alors que la pression politique ne cesse plus d’augmenter, la Chambre des députés décide en décembre 2012 de mettre en place une commission d’enquête parlementaire. Cet instrument est très rarement utilisé au Luxembourg. Pendant plus de six mois, les députés vont creuser pour en savoir plus sur les méthodes de travail douteuses du SREL. Les auditions de témoins s’enchaînent au printemps 2013. Les archives du SREL au château de Senningen sont scellées. Quelque 17  000  dossiers établis entre 1960 et 2000 sont découverts.

Les choses s’accélèrent considérablement en juin 2013. Alors qu’il est accusé par le procureur d’État, Robert Biever, d’avoir influencé l’enquête sur les Bommeleeër, le ministre de la Justice, Luc Frieden, échappe de peu à un vote de défiance à la Chambre. Le matin même du débat, Robert Biever relativise ses propos sur Luc Frieden. Par la même occasion, le procureur d’État exprime son indignation face à la tentative du SREL visant à le discréditer en le faisant passer pour un pédophile.

Le dénominateur commun de l’affaire de la montre et des rumeurs de pédophilie est André Kemmer, l’ancien agent du SREL qui se retrouve aujourd’hui à nouveau sur le devant de la scène en raison de son entretien privé avec Xavier Bettel (lire ci-dessus) .

La commission d’enquête parlementaire finit par constater la responsabilité politique de Jean-Claude Juncker qui en tant que Premier ministre avait la tutelle sur le SREL. Déjà déstabilisés par l’affaire Frieden mais aussi l’affaire Livange-Wickrange (soupçons de corruption dans le cadre de la construction d’un centre commercial et du stade national de football), Jean-Claude Juncker et le CSV sont lâchés par leur partenaire de coalition, le LSAP. Des élections anticipées sont la conséquence avec, à la clé, l’écartement du Parti chrétien-social du gouvernement.

Plus de trois ans plus tard, le CSV a décidé de contre-attaquer en mettant la pression sur Xavier Bettel. Il ne faut cependant pas oublier la part de responsabilité qu’a le parti dans l’enchaînement de ces affaires. En annonçant au soir du 10 juillet 2013 des élections anticipées, Jean-Claude Juncker échappe même au vote du rapport de la commission d’enquête sur le SREL.

En attendant, la réforme du SREL décidée en 2013 n’a toujours pas abouti. Cet après-midi à la Chambre, tous ces éléments vont refaire surface.

David Marques