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Srebrenica – Les Bosniaques du Luxembourg se souviennent


Iasmin Sinanovic (en blanc, au 1er plan), lors de la commémoration, le 27juin dernier, à Bonnevoie. (Photo : LQ)

Ils s’estiment 15 000 Bosniaques aujourd’hui au Grand-Duché, ayant fui la guerre depuis la Bosnie ainsi que le Monténégro. En 2008, 23 représentants d’associations culturelles, sportives et islamiques du pays ont ainsi uni leurs forces pour créer un comité pour la commémoration du massacre de Srebrenica.

Le 20 e anniversaire a été suivi par plus de 600 personnes au centre culturel de Luxembourg-Bonnevoie, le 27 juin dernier, en présence de l’ambassadrice de Bosnie à Bruxelles.

Iasmin Sinanovic, 41 ans, y était. Avec une vingtaine d’autres résidents du Grand-Duché, ce chauffeur de bus sera aussi samedi à Srebrenica, après avoir participé à la marche pour la Paix. Là où, à l’âge de 22 ans, il a échappé à la mort en ce mois de juillet 1995. «J’étais dans le groupe de 15 000 hommes qui se sont échappés par la forêt avant l’arrivée des Serbes» , se souvient-il. Beaucoup d’entre eux ne sont pas arrivés jusqu’à Tuzla et ont été tués, rattrapés par les soldats serbes. «J’ai perdu mon père là-bas. Il était avec ma mère à la base de Potocari, mais on ne l’a pas laissé entrer dans le bus. On a retrouvé une partie de son corps en 2011, il est enterré là-bas.»

Iasmin est resté cinq ans à Tuzla, avant d’émigrer au Luxembourg : «Mon frère est retourné à Srebrenica en 2003, mais c’était inimaginable pour moi.»

Vingt ans plus tard, Iasmin y pense encore «tous les jours» . «Je voudrais changer le passé, mais ce n’est pas possible.»

«Pas une phrase dans les manuels scolaires»

Aujourd’hui, Iasmin et les membres luxembourgeois du comité demandent la reconnaissance du génocide par les responsables politiques serbes de Bosnie, un préalable indispensable à la réconciliation dans le pays. «En Republika Srpska (NDLR : la province serbe de Bosnie), il n’y a pas une seule phrase sur Srebrenica dans les manuels scolaires. Ils expliquent encore que les Bosniaques ont massacré les Serbes. Comment construire un avenir en paix en mentant aux enfants, en les préparant à la haine ?» , demandent Munir Ramdedovic et Alija Sijaric, qui constatent la persistance d’un fort nationalisme serbe. «Beaucoup de criminels sont encore au pouvoir. Personne ne doit rester impuni. Les Serbes savent où sont les charniers, mais ne veulent pas le dire.»

Face au négationnisme des Serbes, Iasmin et ses amis luxembourgo-bosniaques attendaient beaucoup de la résolution britannique reconnaissant le génocide soumise au Conseil de sécurité de l’ONU, mercredi. Mais comme attendu, la Russie a mis son veto.

La reconnaissance du génocide par leur pays d’adoption, jeudi, à la Chambre des députés, doit aujourd’hui faire chaud au cœur aux membres du comité : «Le Luxembourg a fait beaucoup pour accueillir les réfugiés. Nous sommes très reconnaissants. Nous sommes bien intégrés, nous sommes dans toutes les institutions, beaucoup sont chefs d’entreprise. Nous souhaiterions en Bosnie la même vision multiculturelle qu’au Luxembourg.»

Et d’espérer la présence, l’an prochain, d’immigrés serbes à la commémoration au Grand-Duché.

Sylvain Amiotte

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