Vendredi à Bruxelles, le Premier ministre luxembourgeois a tenu à prévenir un nouvel éclat lors du sommet européen informel des 27 pays qui formeront l’UE après le douloureux divorce avec le Royaume-Uni.
Les conditions météorologiques qui ont accueilli vendredi peu avant midi les 27 chefs d’Etat et de gouvernement qui ont mis le cap sur Bruxelles résument assez bien la situation dans laquelle se trouve l’Union européenne en ce début d’année 2018. Le soleil commence en effet à briller à nouveau sur ce projet de paix et de solidarité après une longue période morose, marquée par des crises et désaccords à répétition. Le froid glacial qui prédominait entre États membres mais aussi entre les 500 millions d’Européens et leurs dirigeants est certes encore présent, mais on se rapproche à nouveau de températures positives.
Si le Luxembourg est un pays pro-européen convaincu, d’autres pays – surtout les pays de l’Est – affichent toujours autant de difficultés pour se montrer pleinement solidaires. « On sait que certains pays ne regardent que ce qu’ils touchent, mais qu’ils sont plus réticents à faire preuve de solidarité. Mais on ne peut pas vouloir le beurre et l’argent du beurre », souligne d’entrée le Premier ministre luxembourgeois, Xavier Bettel (DP).
Un pré-sommet avec Merkel et Macron
Dans ses déclarations d’avant-sommet, le chef du gouvernement a répété face à la presse internationale et luxembourgeoise un mot à de nombreuses reprises : « équilibre ». Jeudi soir, Xavier Bettel avait dîné sur invitation de son homologue belge, Charles Michel, avec huit autres dirigeants européens, dont la chancelière allemande, Angela Merkel, et le président français, Emmanuel Macron. Vendredi, Xavier Bettel est arrivé avec ses homologues du Benelux, tandis qu’Angela Merkel et Emmanuel Macron étaient aux côtés du chef du gouvernement italien sortant, Paolo Gentiloni, pour défiler sur le tapis rouge qui accueille les dirigeants européens lors des sommets bruxellois.
Dans un peu plus d’un an, la Première ministre britannique, Theresa May, n’aura plus le privilège de défiler sur ce tapis rouge au bâtiment Europe. Le divorce entre le Londres et Bruxelles cause pas mal de remous. Comme dans chaque ménage privé, l’argent se trouve au centre des tensions. Pour se rapprocher d’un compromis afin de pallier la perte de 15 milliards d’euros que le Royaume-Uni investit jusqu’à présent dans l’UE, les 27 chefs d’Etat et de gouvernement se sont réunis vendredi à Bruxelles dans un cadre informel.
« Eviter le compte d’apothicaire »
Dans son rôle de bâtisseur de ponts, le Premier ministre luxembourgeois a tenté d’apaiser la forte tension qui pesait dès vendredi matin sur ce sommet. En cause : le refus catégorique de pays comme la Pologne mais aussi les Pays-Bas ou l’Autriche de payer à l’avenir d’avantage pour financer l’UE. « Faire ce genre de compte d’apothicaire c’est faire fausse route. Nous-mêmes en tant que Conseil européen avons décidé ces derniers mois de renforcer le contrôle et la sécurisation des frontières extérieures de l’Europe, le renforcement du programme d’échanges pour étudiants Erasmus, la protection de l’Environnement ou encore la Culture. Tout cela a un coût », tient à rappeler Xavier Bettel face à la presse avant de faire passer ce même message face à ses homologues européens. « Il nous faut trouver l’équilibre entre le financement de ces coûts supplémentaires et la réduction de certaines dépenses sans toutefois chambouler les politiques anciennes. Le but n’est pas d’enlever quelque chose à un agriculteur pour aider un étudiant », enchaîne le Premier ministre luxembourgeois.
Le fait de lier le versement de fonds européens au respect des règles du jeu de l’UE est une autre piste à étudier estime Xavier Bettel. « Mais si on enlève des fonds structurels à un pays récalcitrant cela ne punit pas son gouvernement mais bien ses citoyens. Il faut donc rester prudent », fait par contre remarquer le chef du gouvernement luxembourgeois.
Spitzenkandidaten : «On a commencé de travers»
La recherche de l’équilibre doit selon Xavier Bettel aussi prévaloir au niveau institutionnel. Dans ce contexte, le Premier ministre défend le principe des têtes de liste pour les élections européennes (Spitzenkandidaten) mais fait toutefois remarquer que l’UE « a commencé de travers. On aurait d’abord dû lancer des listes transnationales avant de désigner des têtes de liste. Cela sera encore impoossible pour 2019, mais je pense qu’il faut y parvenir pour les européennes de 2024 », plaide Xavier Bettel.
En milieu d’après-midi, l’échange de vues sur l’institutionnel était bouclé. Les tractations sur le cadre financier pluriannuel étaient toujours en cours en ce début de soirée. « On ne va pas parvenir à un accord aujourd’hui. Moi je suis arrivé avec la philosophie de parler de principes et non pas de chiffres. Les citoyens ont d’autres soucis », conclut le Premier ministre luxembourgeois.
Actuellement, l’enveloppe budgétaire du Grand-Duché pour le financement de l’UE est dotée de plus de 300 millions d’euros par an.
De notre envoyé spécial à Bruxelles, David Marques