L’une des pistes pour faire face à la pénurie de soignants serait la refonte de la formation aux professions de santé. Mais ce ne doit pas être la seule, estime l’OGBL.
Depuis dix mois, ils sont en première ligne pour faire face à la pandémie de coronavirus. Mais en sus du virus, les soignants doivent aussi faire face à un mal enraciné depuis bien plus longtemps : le manque de personnel, un phénomène qui touche de nombreux pays européens, et que la crise actuelle a rendu d’autant plus visible. Un aspect positif toutefois, le personnel de santé est – enfin – au cœur de l’attention. «L’OGBL alerte depuis longtemps sur ce problème de pénurie et sur le fait qu’il faille rendre ces professions plus attractives. Mais la société a désormais réalisé à quel point on doit pouvoir faire confiance à notre système de santé. Cela fait des mois qu’on applaudit sur les terrasses et qu’il y a des paroles chaleureuses envers les soignants. Maintenant, il est grand temps d’agir et d’investir», estime le secrétaire central de l’OGBL, Pitt Bach.
Jeudi dernier, le Premier ministre, Xavier Bettel, entouré des ministres de la Santé, de la Famille, de l’Enseignement supérieur et de la Sécurité sociale, a d’ailleurs tenu une réunion de travail interministérielle avec les représentants de l’Association nationale des infirmières et infirmiers du Luxembourg (ANIL) afin d’envisager des solutions «concrètes» pour faire face à cette pénurie que rencontre le secteur de la santé. Il en est ressorti l’impératif de proposer «une formation à la profession attractive, en phase avec la complexité croissante de la profession», notamment par le biais de l’introduction d’un diplôme de bachelor (bac+3), en sus du niveau BTS (bac+2) actuel.
«Mieux vaut tard que jamais»
Le constat par le gouvernement que cette pénurie de personnel dans les hôpitaux et les maisons de retraite est un «problème majeur» a été salué par l’OGBL, qui estime que la question a été trop «longtemps (jugée) superflue». «Mieux vaut tard que jamais», déclare ainsi dans un communiqué publié lundi le plus grand syndicat des professions du secteur de la santé (il compte plus de 9 000 membres du secteur conventionné, toutes professions de santé confondues), qui n’a cependant pas été invité à participer à cette réunion, ce que déplore d’ailleurs vivement son secrétaire : «Nous travaillons sur ce sujet depuis trois ans et avons déjà proposé des pistes et organisé des réunions de travail. Pourtant, le gouvernement ne juge pas nécessaire d’inviter l’OGBL autour de la table pour participer aux discussions et se contente d’inviter l’ANIL, experte en la matière certes, mais pour une seule profession de santé, les infirmiers. C’est … étrange. La refonte de la formation touche pourtant toutes les professions de santé, comme par exemple les aides-soignants. Ces derniers sont confrontés à de nouvelles attributions, ils doivent donc obtenir le niveau de technicien, ce qui leur permettrait en outre une passerelle vers le métier d’infirmier.»
Si l’OGBL milite effectivement pour l’introduction d’un diplôme de bachelor ou d’un master (bac+5) pour les infirmiers spécialisés (ce qui permettrait par ailleurs au pays de se rallier aux normes internationales en la matière, le Luxembourg faisant figure d’exception avec le BTS), le syndicat est clairement opposé à la coexistence de deux niveaux d’infirmiers, piste que semble envisager à l’heure actuelle le gouvernement. «Voilà en réalité comment cela va se traduire sur le terrain : l’infirmier diplômé d’un bachelor, qui va être plus cher, ne va pas être recruté, ou bien on lui proposera des postes de BTS, payés au niveau BTS, alors qu’il aura fait une année de plus de formation», prévient Pitt Bach, qui souhaite en outre que la formation soit ouverte à plus d’élèves, notamment les bacheliers (à l’heure actuelle, la formation commence deux ans avant le bac).
Améliorer les conditions de travail
Surtout, la réforme de la formation «n’est qu’une piste et n’est certainement pas la seule solution au problème global de pénurie dans le secteur». Pour contrecarrer les pénuries, il faut aussi «définir des dotations et réformer ces mécanismes qui calculent le besoin en personnel soignant», mécanismes jugés peu transparents par le syndicat. «Le calcul se base sur un modèle canadien, qui n’accorde que 82 % des besoins. D’une part, on ne sait pas d’où viennent ces chiffres, d’autre part, il faut combler 100 % de ces besoins», critique Pitt Bach.
Les professions doivent enfin être plus attractives, ce qui passe nécessairement par une amélioration des conditions de travail. «Ce sont des professions très dures, qui impliquent de travailler dans des périodes de référence, avec une flexibilité énorme, la plupart du temps sur postes, les nuits et les week-ends, rappelle le secrétaire central de l’OGBL. C’est aussi un travail très physique, tout particulièrement pour les aides-soignants. En plus, beaucoup de jeunes, après un stage sur le terrain, décident de ne pas continuer dans cette voie car le travail est très intense.»
Tatiana Salvan