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Shoah : Remich se souvient


Le président du Consistoire israélite de Luxembourg, Claude Marx, a pris la parole lors de la cérémonie. (photo Alain Rischard)

La ville de Remich a inauguré vendredi une place pour les victimes de la Shoah, en marge d’une pose de Stolpersteine à la mémoire de treize de ses habitants juifs morts en déportation.

Les recherches d’un homme discret, Norbert Lindenlaub, ont abouti, vendredi, à la pose de ces pavés de mémoire devant les maisons des victimes remichoises de la Shoah.

Ils s’appelaient Regina Hilb-Bonem, Leopold Hilb, Erna Hilb, Fanny Meyer-Kahn, Arthur Meyer, Renée Hayum-Meyer, Leo Hayum, Emma Marx-Nathan, Felix Marx, Klara Herrmann-Kahn, Heinrich Herrmann, Myrtil Herrmann ou encore Alice-Deichmann-Aron. Tous habitaient dans la ville de Remich, tous ont péri en déportation. Longtemps, dans les rues où ils avaient leurs habitudes, plus rien ne rappelait leur passage sur terre. Dans les maisons qu’ils habitaient, d’autres sont venus s’installer et les commerces qu’ils tenaient, d’autres les ont repris après eux. Et dans le bâtiment où, avant de les déporter, on a un jour rassemblé tous les juifs de la ville, un restaurant chinois a emménagé depuis.

«Pendant longtemps, tout cela, on l’avait oublié, cinquante, soixante, soixante-dix ans durant» , a rappelé Henri Juda, président de l’association MemoShoah. En effet, jusqu’au jour où le rapport Artuso est venu remettre en question l’histoire officielle et que le Parlement a adressé des excuses à la communauté juive de Luxembourg. Jusqu’au jour où des historiens ont établi que les autorités luxembourgeoises avaient collaboré dans la persécution des juifs sous l’occupation allemande et qu’enfin la parole des survivants a pu se libérer.

«J’aimerais que la société change»

L’association MemoShoah, pour empêcher que le souvenir de la Shoah vire à la commémoration stérile, lie depuis toujours l’action du souvenir à une prise de conscience. Si la commune de Remich, après Mondorf-les-Bains, s’est vu remettre un prix d’honneur, vendredi, c’est donc que parce que comme la cité thermale, elle a fait en sorte que la période noire de la persécution des juifs soit thématisée dans les écoles, mais également sur un plan plus large à travers l’exposition «Between shade and darkness».

Dans la salle de l’ancienne école de Remich, où les participants s’étaient réunis autour d’un vin d’honneur, il y avait Norbert Lindenlaub. C’est grâce aux recherches de cet homme discret, fonctionnaire de l’État, que le travail de mémoire a pu débuter, qui a abouti vendredi à la pose de pavés de mémoire (Stolpersteine) devant les maisons des victimes remichoises de la Shoah. Norbert Lindenlaub n’a jamais supporté la hiérarchisation des victimes de la Seconde Guerre mondiale.

Noms de rues rebaptisés en mémoire des résistants, oubli et recouvrement concernant leurs concitoyens juifs. Il ne peut d’ailleurs s’empêcher de voir des parallèles entre ce qu’il appelle «la plus grosse saloperie de l’histoire» et la venue actuelle de réfugiés irakiens ou syriens. «J’aimerais que la société change» , nous confie-t-il, visiblement ému.

Remich est d’ailleurs devenu, vendredi, la première ville du Grand-Duché à inaugurer une place des victimes de la Shoah, à proximité immédiate du bâtiment de la commune et en présence du bourgmestre, Henri Kox, du président du Consistoire israélite de Luxembourg, Claude Marx, du bourgmestre de Mondorf-les-Bains, Lex Delles, ainsi que des députés CSV Francoise Hetto-Gaasch et Octavie Modert.

Frédéric Braun

Des pavés pour la mémoire

Le mot allemand Stolpersteine  signifie en allemand «obstacles» ou «pierres d’achoppement» (ou pavés de mémoire). Ces Stolpersteine relèvent d’un projet artistique de l’artiste berlinois Günther Demnig en mémoire à une personne déportée et assassiné durant la Seconde Guerre mondiale. Il consiste en l’encastrement de de pavés dont la face supérieure, en laiton, indique le nom, la date de naissance et de décès de la personne.

Ces pierres ont été posées un peu partout en Allemagne depuis 1993, mais également dans d’autres pays européens. Après Esch-sur-Alzette, Differdange et Ettelbruck, Remich est la quatrième ville luxembourgeoise à accueillir l’artiste allemand.