L’OGBL fustige le choix du gouvernement d’ouvrir la porte à l’externalisation de services du gestionnaire de structures pour personnes âgées. Des actions syndicales sont annoncées.
Après l’école et le sport, voici le secteur des soins qui, selon l’interprétation du camp syndical, est concerné par une volonté de privatisation de la part du gouvernement. Jeudi matin, l’OGBL et son Syndicat Santé, Services sociaux et éducatifs sont montés au front pour fustiger le projet de loi de la ministre de la Famille, Corinne Cahen, qui vise à regrouper des activités et externaliser des services de Servior, établissement public qui est le plus grand gestionnaire de centres d’hébergement pour personnes âgées au Luxembourg. «Il n’y a eu aucun dialogue avec les partenaires sociaux en amont du dépôt de ce texte. Le fait que le gouvernement souhaite faire voter en tout silence une loi qui aura des conséquences bien au-delà de Servior laisse un arrière-goût», déplore Pitt Bach, le secrétaire central de l’OGBL en charge de ce dossier.
Le projet doit offrir à Servior la possibilité de «créer des sociétés filiales et prendre des participations dans des sociétés». Plus concrètement, la restauration, la logistique et l’appareil technique et administratif pourraient faire l’objet d’une «privatisation brutale» que l’OGBL ne souhaite accepter sous aucun prétexte. «Il s’agit d’un choix politique scandaleux», s’emporte Pitt Bach. «Ces entités font partie intégrante d’une maison de soins, chargée d’assurer des prestations de qualité». Or cette qualité de la prise en charge des personnes âgées serait menacée par l’arrivée de prestataires privés. «Leur première préoccupation est le volet financier et non pas la qualité du service proposé. Des exemples à l’étranger démontrent d’ailleurs que des internalisations ont été effectuées pour retrouver un service de qualité», détaille Pitt Bach.
Une attaque contre la convention collective
L’OGBL dénonce également une «attaque inacceptable» contre la convention collective SAS, régissant les conditions de travail des salariés du secteur des aides et des soins. «Il s’agit d’une des plus importantes conventions collectives du pays. En s’attaquant à cette convention, le gouvernement remet en cause l’ensemble du régime des conventions collectives», s’indigne Pitt Bach. Servior compte quelque 2 600 employés. Les quatre entités concernées par une possible privatisation seraient assurés par 30 % de l’effectif actuel. «Ce sont donc les emplois de 600 personnes qui pourraient se dégrader», calcule le syndicaliste.
Depuis la Maison du peuple, siège eschois de l’OGBL, le gouvernement a été appelé à retirer le projet de loi. Une lettre a été envoyée à la ministre Corinne Cahen. Le syndicat veut forcer une entrevue. Pour maintenir la pression haute «des actions syndicales sont prévues à court terme». «En tant que société, nous devons poser la question de quoi sera fait notre avenir. Voulons-nous que les personnes âgées deviennent un business?», s’interroge Pitt Bach, qui redoute que ce premier texte de loi ouvre la porte à d’autres externalisations dans le secteur des soins et de la santé.
David Marques
La ministre Cahen défend son projet de loi
Le texte déposé le 27 janvier par la ministre de la Famille, Corinna Cahen, se résume à une page et 5 articles. Le dispositif qui prévoit que «Servior peut créer des sociétés filiales et prendre des participations dans des sociétés» est celui qui provoque l’ire du camp syndical. Dans l’exposé des motifs du projet de loi, la ministre Cahen défend toutefois sa démarche en soulignant que la création de ce genre de synergies «offre des avantages tant au niveau de la qualité des prestations qu’au niveau financier».
Depuis 2013, Servior mène des «collaborations ponctuelles» avec les Hospices Civils de la Ville de Luxembourg (HCVL) ou encore le Centre Hospitalier Émile-Mayrisch (CHEM). Le premier partenariat porte sur des services informatiques, le second sur «la production, le conditionnement et la livraison par Servior des trois repas principaux pour les 70 unités de gériatrie du site de l’Hôpital de Dudelange appartenant au CHEM».
La possibilité de «créer des sociétés et de prendre des participations, même minoritaires, dans d’autres sociétés» permettrait à Servior «de pouvoir concentrer certains domaines d’activités dans des sociétés dédiées à ces activités». «Cette approche a d’ailleurs déjà été adoptée par d’autres établissements publics, acteurs du secteur», conclut Corinne Cahen.