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Services publics luxembourgeois : une administration jugée arrogante


Les administrations communales sont dans le collimateur du médiateur. Du moins celles qui frôlent «les limites de l’arbitraire», qui prennent des libertés avec le cadre légal et celles qui ne lui répondent même pas quand elle demande un rendez-vous. (photo Fabrizio Pizzolante)

Le médiateur du gouvernement, Claudia Monti, a présenté son rapport 2019 et constate que les services publics font toujours mener la vie dure à leurs administrés.

Il lui arrive de bouillonner quand elle cite des exemples d’incongruités administratives, d’esprits étriqués et de lois bafouées. Le médiateur du gouvernement, Claudia Monti, aura certainement des perles dans son rapport 2020 qui inclura la crise sanitaire, mais en attendant elle régale les députés de son rapport 2019, remis avec un an de retard.

Le médiateur reste encore cette chose étrange que certaines administrations ne savent pas trop comment aborder. Certaines s’en méfient, le considérant forcément du côté de l’administré, d’autres l’ignorent carrément laissant ces sollicitations sans réponse. Le médiateur qui a pour habitude d’aller au fond des choses ne lâche rien et se voit obligé en fin de parcours de distribuer les mauvais bulletins.

Les administrations communales sont dans le collimateur du médiateur. Du moins celles qui frôlent «les limites de l’arbitraire», qui prennent des libertés avec le cadre légal et celles qui ne lui répondent même pas quand elle demande un rendez-vous. Vient par exemple frapper à sa porte un administré qui a vu un morceau de son terrain reclassé dans le PAG en zone bâtiments et équipements publics alors qu’il n’était pas vendeur. Dans l’esprit de la commune, elle faisait valoir un droit de préemption datant de 1977 et au cas où le terrain serait un jour en vente, il serait acheté par la commune pour agrandir l’école voisine. Un reclassement un peu précipité alors que le préjudice pour l’administré est réel.

Le bourgmestre n’a rien voulu savoir, a balayé les arguments du médiateur qui lui rappelait «qu’un classement opéré dans le cadre d’un PAG ne devrait pas avoir pour but de quasi obliger une personne à vendre son terrain à la Commune sous peine de ne plus pouvoir l’utiliser à titre privé, ce qui revient à contourner les conditions et exigences légales d’une procédure d’expropriation». La commune a suggéré à l’administré de s’adresser au ministère de l’Intérieur pour se plaindre. Le médiateur aura tout essayé pour convaincre le bourgmestre de corriger le tir, rien n’y a fait. «Le pouvoir réglementaire de la commune en matière d’aménagement du territoire n’a pas été mis en place pour contourner les droits constitutionnels des citoyens», rappelle Claudia Monti dans son rapport.

Des exemples comme ceux-ci ne manquent pas. Bien sûr ce ne sont pas uniquement les administrations communales qui sont pointées du doigt, mais tous les services publics qui ne voient pas forcément qu’au bout de la chaîne il y a des individus parfois désespérés. Claudia Monti regrette devoir faire face encore «trop souvent» à «des situations tragiques, sinon humainement difficiles à justifier, générées par un processus décisionnel écartant toute logique sociale ou empathie». Il n’y a pas que l’arbitraire et l’illégalité.

L’irresponsabilité administrative

Ce qui irrite tout autant le médiateur, c’est sans doute l’arrogance de l’administration qui décline toute responsabilité quand elle commet une erreur qu’elle rechigne en plus à réparer. Il y a par exemple l’affaire des étudiants, dont les demandes de bourses et de prêts ont été déclarées recevables par le seul fait d’un bug dans le logiciel de gestion des aides financières.

En somme, 151 étudiants ayant introduit une demande d’aides financières en bonne et due forme, se sont vus contraints de les rembourser des années plus tard alors qu’ils n’y étaient pour rien. Le médiateur a bataillé ferme mais a obtenu in fine du ministre qu’il renonce à la demande de remboursement. Mieux encore, il a procédé à la restitution des sommes déjà remboursées pour l’ensemble des étudiants concernés précisant que ceci impliquait aussi les étudiants qui avaient remboursé de façon volontaire.

L’administration, elle, est obligée d’assumer ses responsabilités en cas de préjudice causé par une faute qui lui est imputable. Le médiateur n’a pas fini de le rappeler.

Cela étant dit, Claudia Monti sait aussi distribuer les bons points. Ce qu’elle a fait vis-à-vis des administrations qui appliquent les lignes de bonnes conduites administratives qui considèrent que tout administré a droit, lorsqu’il s’adresse à une administration, à une réponse circonstanciée rédigée dans un langage clair et simple et notifiée dans un délai raisonnable.

Geneviève Montaigu

L’activité en quelques chiffres

En 2019, 975 réclamations ont été introduites par des citoyens qui ont estimé que leur dossier n’a pas été traité convenablement par les administrations publiques de l’État ou communales. Au cours de l’exercice concerné, le médiateur du gouvernement est intervenu auprès de l’administration dans le cadre de 252 réclamations et dans 87,3% des cas, son intervention a permis d’obtenir une correction totale ou partielle de la situation administrative contestée. Dans le détail, Claudia Monti  est intervenue auprès des communes dans le cadre de 24 réclamations et dans 91,7% des cas, son intervention a permis d’obtenir une correction totale ou partielle de la décision administrative contestée. Ce taux est légèrement plus bas pour les administrations ou d’un établissement public relevant de l’État : dans le cadre de 227 réclamations, en relève un taux de correction totale ou partielle de 87,2%.