Alors que le ministère en charge des Transports annonce une baisse de 40 % des accidents routiers mortels en 2019 par rapport à 2018, la Sécurité routière salue cette baisse mais reste sur sa faim.
Le ministre en charge des Transports, François Bausch, prend part, d’aujourd’hui à jeudi, à la conférence «Global Network for Road Safety Legislators» qui se tient dans la capitale de la
Suède, Stockholm. L’évènement vise à offrir une tribune mondiale aux législateurs afin de leur permettre d’échanger sur les priorités et les meilleures pratiques de prévention en ce qui concerne les accidents de la route. En effet, l’objectif principal de ladite conférence est d’encourager les États membres des Nations unies à adopter des lois et des stratégies efficaces pour éviter des tragédies et améliorer la sécurité sur la route pour tous les usagers.
Baisse significative des victimes de la route
Dans ce cadre général, le ministère de François Bausch a délivré les résultats ajournés relatifs aux accidents mortels de la route, à savoir qu’«un bilan a été tiré fin janvier 2020 par le groupe de travail afférent». Selon ce bilan, «le nombre de victimes mortelles sur nos routes est en baisse. En effet, en 2019, 22 personnes ont été tuées par rapport à 36 en 2018, soit une baisse de presque 40 %. Le Luxembourg est donc sur la bonne voie pour atteindre l’objectif de l’ONU d’une baisse fixée à 50 % pour l’an 2020», souligne le ministère en amont du déplacement en Scandinavie.
Avant, pour lui, de souligner que : «Ce bilan encourageant est certes en relation avec les mesures du plan d’action sécurité routière en vigueur depuis 2014 ainsi qu’avec les contrôles de la police sur le terrain. Nous poursuivrons notre lutte contre l’insécurité routière dans l’objectif de la « Vision Zéro », soit zéro mort et zéro blessé grave sur nos routes.» Avant, pour le ministère situé au Kirchberg, de conclure que «le bilan complet des accidents de la route sera présenté au mois de mai 2020».
Du côté du gouvernement, on se montre ainsi très confiant pour l’avenir, mais qu’en est-il de la position de la Sécurité routière?
Pour son président, Paul Hammelmann (joint lundi par nos soins), qui rejoint d’ailleurs le ministre François Bausch aujourd’hui à Stockholm, le bilan provisoire annoncé va, globalement, dans le bon sens : «J’aurai l’occasion d’en discuter avec lui en Suède. Cela dit, je partage son avis puisque les mesures qu’il a prises s’avèrent être sur la bonne voie, notamment grâce aux contrôles automatisés et aux autres mesures actées. C’est aussi d’ailleurs grâce à la Sécurité routière que ces mesures ont été prises», tient à rappeler Paul Hammelmann. «L’on a fait du lobbying pendant des années pour avoir un feedback sérieux de la part des autorités politiques et le ministre François Bausch a eu le courage de mettre ces mesures en œuvre. Nous sommes donc sur la bonne voie, je me répète, mais nous n’avons pas encore atteint l’objectif, qui s’inscrit dans le cadre de l’action « Vision Zéro »!», tempère toutefois Paul Hammelmann qui évoque un «bémol».
Concrètement, l’ASBL explique être sur la même ligne que les autorités publiques, à l’exception d’un point crucial, qui relève non pas du ministère de tutelle du ressort des Transports, mais bien du ministère de l’Environnement. Paul Hammelmann évoque bien entendu la question sensible des arbres se trouvant le long des routes accidentogènes : «Cela concerne beaucoup d’accidents très graves, voire mortels. Cela dit, rien ne se passe, finalement, par rapport aux arbres qui se trouvent le long des routes», déplore le président de la Sécurité routière.
Une lettre «véhémente» à Carole Dieschbourg
Et pour que sa voix soit entendue une bonne fois pour toutes, Paul Hammelmann explique avoir envoyé une missive revendicative à la ministre de l’Environnement, Carole Dieschbourg : «Effectivement, nous venons d’adresser, il y a une dizaine de jours, une lettre relativement véhémente à la ministre concernée. Pourquoi donc? Tous les ministres du gouvernement, en tant que tels, se sont engagés à œuvrer dans le sens de l’action « Vision Zéro », mais nous ne constatons aucune volonté de suivre cette voie. Il s’agit, pour l’instant, du seul point critique que nous avons émis sur la politique gouvernementale.»
Par extension, le président de la Sécurité routière rappelle sa ligne : «François Bausch avait créé, en 2016, un groupe de travail composé de ses fonctionnaires, de représentants de la Sécurité routière, de l’Association nationale des victimes de la route ainsi que de membres du ministère de l’Environnement. Il s’agissait pour eux d’identifier les arbres dangereux au bord des routes. Il avait organisé une conférence de presse pour annoncer la coupe de deux arbres sur un tronçon routier. Mais soyons bien conscients qu’il ne s’agit pas de couper tous les arbres du pays se trouvant le long des routes. Au contraire, il s’agit d’identifier les arbres supposés dangereux avant de les déraciner. Or si je suis bien renseigné, seuls trois arbres ont été enlevés en tout et pour tout alors que des douzaines d’arbres « dangereux » ont été identifiés, mais le ministère de l’Environnement n’a toujours pas donné son accord pour se charger de les enlever.»
Cela étant, à la Sécurité routière, on insiste sur le fait que l’on rejoint la ligne de François Bausch, «Quitte à ce que ces mesures ne soient pas très populaires. Mais de l’autre côté, le gouvernement ne remplit pas ce à quoi il s’est engagé. En clair, nous critiquons cette approche du ministère de l’Environnement. Mais étant quelqu’un d’optimiste, je m’attends à une réponse rapide de Madame Dieschbourg», souligne encore Paul Hammelmann.
De manière générale, par rapport aux chiffres indiqués, la Sécurité routière rappelle que pour elle, «un seul mort sur la route est déjà un mort de trop et cela reste une catastrophe!». Par ailleurs, Paul Hammelmann est d’avis que s’il faut effectivement communiquer les statistiques, «celles-ci ne donnent aucune indication sur la sinistralité. On peut, par exemple, avoir un accident qui fait plusieurs morts. Et puis, les chiffres ne disent rien concernant l’état des routes et le comportement des chauffeurs. Scientifiquement, les chiffres ne veulent pas dire grand-chose. Sans parler des accidents mortels qui sont à mettre sur le compte de suicides et qui sont forcément entourés d’une certaine confidentialité.»
En guise de conclusion, Paul Hammelmann tient à souligner que «Dans les années 70, il y avait autour de 100 morts annuels alors que le trafic routier était moindre… En 2019, nous en comptons 22. À long terme, on peut considérer ces chiffres, mais sinon ils ne veulent finalement pas dire grand-chose, comme précédemment dit… Et même si ce n’est pas réaliste pour certains, nous, à la Sécurité routière, nous gardons l’objectif d’aucun mort sur la route.»
Claude Damiani