La pression était devenue trop forte. Les deux anciens ministres ont fini par démissionner des conseils d’administration du conglomérat russe Sistema et de l’East-West United Bank.
La députée de déi Lénk, Nathalie Oberweis, depuis la tribune de la Chambre des députés, espérait instamment que «les gens puissent faire la différence» et ne pas considérer tous les Russes comme des ennemis potentiels et des pro-Poutine invétérés. C’est aussi ce qu’Étienne Schneider pensait faire au micro de nos confrères de RTL, dimanche matin, en affirmant que le patron de Sistema, Vladimir Petrovitch Ievtouchenkov, ne pouvait pas être considéré comme un proche du pouvoir et un intime de Poutine. L’oligarque, après tout, avait été placé en résidence surveillée en 2014 par des enquêteurs russes qui l’accusaient de blanchiment d’argent dans le cadre de l’acquisition des parts de Bashneft, un géant pétrolier, cinq ans plus tôt.
Sistema détenait alors 72 % de Bashneft quand cette dernière a été renationalisée en décembre 2014, trois mois après l’arrestation de Ievtouchenkov. Ce dernier récupérera un milliard de dollars en dommages et intérêts pour la perte de son groupe pétrolier et un an plus tard, il est blanchi des accusations qui pesaient sur lui.
Pour Étienne Schneider, ancien ministre socialiste de l’Économie, une telle mésaventure suffirait à démontrer l’intégrité de l’oligarque, nommé en 2009 consul honoraire du Luxembourg en Russie à Ekaterinbourg, dans les oblasts de Sverdlovsk et de Khabarovsk.
Il figure en bonne place parmi les généreux donateurs et mécènes du Bal de charité russe qui a dû annuler sa dixième édition prévue le 5 mars. À côté du milliardaire russe sur la liste, Valery Gergiev, directeur général et directeur artistique du théâtre Mariinsky, Viktor Rashnikov, homme d’affaires milliardaire russe, propriétaire majoritaire de Magnitogorsk Iron & Steel Works (MMK), l’un des principaux producteurs d’acier au monde, et Alekseï Mordachov, milliardaire russe homme d’affaires, actionnaire principal et président de Severstal, société russe opérant principalement dans l’industrie sidérurgique et minière, dont le siège est à Cherepovets. Tous ont été nommés consul honoraire du Luxembourg en Russie.
Aider les employés
Les enquêtes, plus édifiantes les unes que les autres, sur le système de corruption généralisée mis en place par Vladimir Poutine depuis qu’il a quitté le KGB pour intégrer la mairie de Saint-Pétersbourg ont également démontré ses liens étroits avec la mafia et sa capacité à commander des meurtres. Un système auquel les oligarques peuvent difficilement résister. Alors, oui, ni Sistema, où siège Étienne Schneider, ni l’East-West United Bank, dont le conseil d’administration est présidé par Jeannot Krecké, deux anciens ministres socialistes de l’Économie, ne figurent sur la liste noire de l’Union européenne qui a infligé des sanctions à la Russie et qui continuent de le faire.
Alors que les deux Luxembourgeois expliquaient, par la seule voix d’Étienne Schneider, vouloir sauver les intérêts d’une banque luxembourgeoise et la centaine d’emplois qu’elle représente, la pression devenait plus grande dans l’opinion publique. Le dimanche matin encore, il n’était pas question de démissionner, mais le dimanche soir, après les déclarations d’Étienne Schneider, le communiqué est tombé. Finalement, les deux hommes capitulent, comme d’autres dirigeants l’ont fait avant eux, certains aussi en traînant des pieds à l’image de l’ancien Premier ministre français François Fillon.
Les deux anciens ministres ont indiqué avoir tenté d’être «à la hauteur de leurs responsabilités» afin «d’aider les nombreux employés et leurs familles au Luxembourg». Ils espèrent surtout que «cette guerre inacceptable et cruelle prenne fin».
Le chef de la fraction socialiste à la Chambre des députés, Yves Cruchten, avait jugé «malheureuse» la présence des deux anciens ministres dans les conseils d’administration des sociétés russes alors qu’ils s’accrochaient à leur poste. Quand d’autres avaient démissionné avant qu’une tempête de critiques ne se déclenche.
Le député socialiste, qui avait un peu maladroitement admis que rien dans les statuts du parti n’empêchait les deux membres de siéger dans des sociétés, avait aussi clairement exprimé sa pensée. À leur place, il ne ferait pas de business avec la Russie. Et il n’était pas le seul à critiquer Étienne Schneider et Jeannot Krecké. Les internautes ont inondé la toile de reproches, encore plus virulents après la prestation d’Étienne Schneider à la radio.
La démission est intervenue un peu tard. Mais les deux ministres avaient déjà prévu de reverser leurs jetons de présence à des œuvres en faveur de la communauté ukrainienne.
L’honneur est sauf.
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L’ honneur n’est pas sauf du tout. Nous avons tous compris ces 2 profiteurs, déjà avant cette guerre. ! Persona non grata!