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RTL-État : chaos total à la Chambre des députés


Sven Clement (Parti pirate) est à l’origine du recours : «Au départ, chacun pensait qu'il était impossible qu'un député obtienne un droit de regard sur les contrats que l'État conclut avec des partis tiers.» (archives Julien Garroy)

L’arrêt de la Cour administrative qui ouvre la voie à une consultation par les députés du contrat de concession conclu entre l’État et RTL a donné lieu à un remue-ménage entre opposition et majorité.

Il était 21h passées, jeudi soir, à la Chambre. Depuis plus d’une heure, les députés de l’opposition et de la majorité sont occupés à se disputer. Les élus de la coalition gouvernementale, très nerveux, tentent de se concerter tant bien que mal. Dans l’autre camp, le brouhaha est généralisé. L’arbitre que doit être le président Fernand Etgen est dépassé par les événements.

Quelle a donc été l’origine de ce « triste spectacle », comme le qualifiera David Wagner (déi Lénk) ? En début de séance, Pim Knaff (DP) a introduit une motion invitant le gouvernement à établir un avis juridique afin de clarifier les modalités d’exécution de l’arrêt de la Cour administrative portant sur le droit de regard à accorder à la Chambre sur le contrat de concession signé par l’État et RTL. Le Premier ministre avançait que la clause de confidentialité de ce contrat ne permettait pas de le rendre accessible aux députés. Sven Clement (Parti pirate) avait alors introduit un recours pour finalement obtenir gain de cause. « J’ai gagné , vient-il fanfaronner à la tribune de la Chambre. Au départ, chacun pensait qu’il était impossible qu’un député obtienne un droit de regard sur les contrats que l’État conclut avec des partis tiers. » Cet arrêt ouvrira également la voie à la consultation par les députés de tout autre contrat, y compris les fameux «memorandums of understanding» conclus par le gouvernement.

Cet arrêt revalorise clairement le statut du député. « La Chambre n’est plus considérée comme une institution tiers de l’État », insiste Sven Clement. Le chemin choisi par le DP, qui estime que cet arrêt équivaut « à un retour à la case départ », a cependant déclenché le remue-ménage décrit plus haut. « La motion constitue une hérésie. Ce n’est pas au gouvernement de déterminer les modalités d’application d’un arrêt pris par la plus haute instance de la justice administrative », martèle Gilles Roth. «Si on adopte cette motion, on remet non seulement en question le troisième pouvoir (NDLR : la justice) mais on procède aussi à une castration du premier pouvoir (NDLR : la Chambre) », s’échauffe David Wagner.

Conflit d’intérêts et vote invalidé

Au bout de ce premier branle-bas de combat, le président de la Chambre a décidé de renvoyer la motion en Conférence des présidents, qui doit en dernier lieu statuer sur sa recevabilité.

Le deuxième round se solde par un chaos total. L’ADR et son député Roy Reding reviennent à la charge pour réclamer le vote d’une motion invitant le gouvernement à donner aux députés accès au contrat de concession. Ce dernier date de 2017. Gilles Baum et Georges Engel, chefs de fraction du DP et du LSAP, qualifient l’initiative de « superfétatoire ». L’opposition ne bronche cependant pas : un vote unanime de la motion équivaudrait à un signal fort envoyé au gouvernement.

Les choses se compliquent encore au vu du conflit d’intérêts des présidents de fraction du DP et du LSAP. Tous deux siègent au conseil d’administration de CLTUFA, maison mère de RTL Luxembourg. « Il est inadmissible qu’ils prennent la parole dans ce débat », fustige Fernand Kartheiser (ADR). Finalement, Gilles Baum et Georges Engel quittent la salle en compagnie de Claude Wiseler (CSV), également administrateur. Le vote a déjà commencé lorsque Josée Lorsché (déi gréng) demande « une courte suspension de séance pour se concerter » avec ses collègues députés. La demande est refusée. Le premier vote, ex æquo (28 voix pour, 28 voix contre), est invalidé. Seuls 57 députés étaient en effet présents au moment du vote. Un vote nominal vient mettre fin à cet épisode invraisemblable. La motion de l’ADR est rejetée par 29 voix contre 28.

Malgré tout, l’opposition réclame l’accès « dans les plus brefs délais » au contrat. Le dernier mot n’est pas encore dit.

David Marques