Le confinement n’a pas empêché en 2020 une hausse du nombre de décès survenus sur les routes luxembourgeoises. Même si la tendance globale reste positive, l’Association des victimes de la route (AVR) se dit préoccupée.
Les récits des accidents mortels font froid dans le dos. Le 10 septembre dernier, à pile 12 h 22, un SUV circulait sur la route entre Gonderange et Rodenbourg. «Dans un virage à gauche, le véhicule est sorti de la chaussée du côté droit où il est entré en collision avec un arbre. Le véhicule a continué sa trajectoire en direction de la voie opposée, où il est entré en collision frontale avec un camion circulant en sens inverse. Suite à l’impact, le véhicule (…) a fait un tonneau pour terminer sa course sur le toit dans un champ à droite. Le conducteur du véhicule de type utilitaire sport est décédé sur place», retrace le rapport de l’administration des Enquêtes techniques sur les accidents mortels de la circulation en 2020.
Ce genre de drame s’est produit à 24 reprises en 2020 sur les routes du pays. Par rapport à 2019, le nombre de décès a augmenté de 22 à 26 victimes (+18 %). Par contre, le nombre de blessés graves a diminué de 13 %. L’année écoulée, 217 personnes ont été grièvement blessées, contre 248 en 2019.
Si le bilan est mitigé pour 2020, la tendance à plus long terme est positive. De 45 décès en 2013, le Luxembourg est passé à 26 victimes en 2020, soit une nette baisse de 42 %. La tendance est semblable en matière de blessés graves, dont le nombre s’est réduit de 316 en 2013 à 217 en 2020 (-31 %).
«Un fléau depuis des décennies»
«Si la tendance globale est à saluer, les chiffres ne vont pas forcément dans la bonne direction. Il est positif que nous commencions à faire baisser de manière continue le nombre de blessés graves. Le bémol reste toutefois la hausse du nombre de décès», note Raymond Schintgen, le président de l’Association nationale des victimes de la route (AVR). La hausse de 18 % serait d’autant plus frappante que l’année 2020 a été marquée par le confinement et le télétravail. «Dans d’autres pays, le recul au niveau des décès de la route est massif. Il est donc étonnant de voir le nombre de décès augmenter, en dépit d’une circulation qui était réduite», fait remarquer Raymond Schintgen.
«L’effet du confinement est resté réduit, car il était limité aux mois de mars et d’avril. Il s’agit d’une période où le nombre d’accidents est plutôt faible», rétorque le ministre de la Mobilité, François Bausch. Quoi qu’il en soit, «il nous reste du chemin à faire». «Les accidents de la route sont un fléau depuis des décennies. Si je vois les importants moyens déployés, à juste titre, pour combattre le Covid, j’espère qu’il sera possible de mobiliser également des moyens supplémentaires pour lutter contre cette misère», souligne le ministre. L’installation des radars et le resserrage de la vis au niveau du permis à points sont cités comme des exemples à suivre.
Le besoin d’aide va crescendo
L’AVR est disposée à poursuivre la coopération très constructive avec tous les autres acteurs œuvrant à un renforcement de la sécurité routière. Et Raymond Schintgen partage le constat dressé par François Bausch. «Les causes des accidents graves restent toujours les mêmes. La vitesse excessive tend à la baisse, mais il nous faut faire preuve de la même persévérance en ce qui concerne les autres causes. Une de nos priorités restera la lutte contre les obstacles au bord des routes. Et il nous faut aussi agir sur l’alcool», énumère le président de l’AVR. Il dit enregistrer avec consternation que «malgré la fermeture de l’Horeca et du couvre-feu, des chauffards continuent de se faire interpeller pour excès de vitesse et alcool au volant».
Une chose n’est pas à négliger. Derrière chaque victime se trouve un drame humain. L’AVR reste très active dans ce domaine. Le confinement n’a rien changé à la donne. «Les prises en charge de victimes et de leurs familles n’ont pas diminué lors de cette année de pandémie. Plus effrayant encore est le fait que le besoin en soutien psychologique ne cesse d’augmenter. Des personnes ayant été victimes d’un accident il y a plusieurs années déjà se retrouvent en situation de détresse», témoigne Raymond Schintgen.
Depuis janvier, six nouveaux accidents mortels se sont déjà produits.
David Marques
Collision avec un arbre : trois automobilistes
et deux cyclistes ont trouvé la mort
Pourquoi continuer à prendre un tel risque ? Le débat refait surface après tout accident grave provoqué par la collision d’une voiture contre un arbre. En 2020, 3 accidents mortels et 16 blessés graves ont été à déplorer dans de telles circonstances. Un exemple est fourni par le choc survenu le 1er novembre dernier entre Bivange et Berchem. «Dans un virage à gauche, le contrôle du véhicule a été perdu, il a fait une sortie de route et est entré en collision avec un arbre. Le passager (avant) est décédé des suites de ses blessures», note le rapport de l’administration des Enquêtes techniques.
Ce qui interpelle le plus, c’est que deux des trois cyclistes décédés en 2020 ont été victimes d’une collision avec un arbre. Le premier accident mortel s’est produit le 8 avril à proximité de Kautenbach. «Dans un virage à droite, le contrôle du cycle a été perdu et le cycliste est entré en collision avec un arbre sur la voie opposée. Le cycliste (63 ans) est décédé des suites de ses blessures», notent les enquêteurs du ministère de la Mobilité et des Travaux publics.
Le second accident mortel s’est produit le 22 juillet à 13 h dans l’Oesling : «Un groupe de quatre cyclistes circulait sur un chemin entre Dorscheid et Marnach. Dans un virage à gauche, le contrôle du troisième cycle a été perdu. Le cycliste (18 ans) est tombé, a glissé et est entré en collision avec le tronc d’un arbuste. Le cycliste est décédé sur place.»
Le ministre François Bausch a précisé, mardi, que, sur les deux dernières années, quelque 850 arbres ont été abattus pour des raisons de sécurité routière.
Les autres chiffres clés
NATIONALITÉS La très grande majorité des victimes tuées et des blessées graves résident au Luxembourg (81 %). Suivent des résidents français (7 %), belges (3 %), allemands (3 %) et néerlandais (3 %).
CIRCONSTANCES La plupart des accidents graves et mortels se produisent en été. Dans 71 % des cas, la chaussée était sèche.
ROUTES La majorité des accidents mortels surviennent sur des routes (15 cas ou 62 %), suivies des agglomérations (5 cas ou 21 %) et des autoroutes (4 cas ou 17 %). La proportion change pour les accidents graves : routes (47 %), agglomérations (47 %) et autoroutes (6 %).
CEINTURE L’an dernier, seuls deux accidents mortels étaient liés au non-port de la ceinture de sécurité.
STUPÉFIANTS Aucun décès lié à la consommation de drogues n’est à déplorer. Un pic avait été atteint en 2017 avec 5 victimes. «Quelle que soit la décision finale en ce qui concerne la légalisation du cannabis récréatif, il est acquis que celui qui a consommé ne pourra pas prendre le volant», met en garde le ministre Bausch.