Alors que le gouvernement présente ce jeudi ses objectifs sectoriels pour le climat, le collectif Rise for Climate dénonce une «arnaque» et pointe le «déni» des autorités.
«La nature est plus forte que nous» : les mots du Premier ministre rapportés dans la presse lors des inondations de la semaine dernière ont fait bondir les écologistes de Rise for Climate. «Il est faux de laisser penser que seule la nature est responsable, alors que l’intensité de ces événements climatiques et leur fréquence sont liées à l’activité humaine», attaque Jean Larock, consultant en communication, engagé dans le collectif depuis 2019. «C’est un déni de la responsabilité de ce gouvernement comme de ceux qui l’ont précédé ces 30 ou 40 dernières années», ajoute-t-il.
Avec la météo qui s’emballe et alors que les dirigeants des pays du monde sont au pied du mur face à la crise environnementale, Rise for Climate appelle au «réveil» des politiques : «L’urgence est totale, or les mesures qui sont prises sont loin d’être suffisantes. Même si, dès demain, plus aucun gramme de CO2 n’était émis sur Terre, le réchauffement climatique se poursuivrait encore plusieurs dizaines d’années à cause du phénomène d’inertie», prévient-il, tout en citant le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie qui affirme que les émissions de gaz à effet de serre atteindront un niveau record en 2023. «Non seulement elles ne baissent pas, mais elles augmentent», soupire-t-il, alors que les écologistes tirent la sonnette d’alarme depuis des années, sans être entendus. Ou plutôt, en étant ignorés.
«D’autres intérêts l’emportent. On l’a bien vu au moment du vote du CETA (NDLR : l’accord commercial bilatéral de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada), qui va engendrer des mégatonnes de CO2 supplémentaires. Il y a eu des débats et des arguments mis sur la table, mais ils ont été balayés par les intérêts du grand capital, pour parler clairement. C’est désolant. Même les verts se sont couchés», déplore Jean Larock.
En cause notamment, la structure même de l’économie luxembourgeoise construite sur les échanges internationaux et l’activité de la place financière. Et ce n’est pas la «croissance verte» préconisée par l’économiste Jeremy Rifkin dans son plan remis au gouvernement en 2016 qui va changer les choses, selon le militant : «Sa vision reste dans la logique du capitalisme vert qui passe seulement par des incitations et des taxes, alors qu’il faut une politique beaucoup plus volontariste incluant une planification écologique et la mise sous tutelle de certains secteurs.»
«Les verts vont-ils enfin se réveiller ?»
Alors que la ministre de l’Environnement, Carole Dieschbourg, doit dévoiler ce jeudi les objectifs de la loi climat secteur par secteur, le collectif Rise for Climate en attend beaucoup en ce qui concerne le transport, premier émetteur de CO2 au Luxembourg : «On veut des mesures fortes au niveau tant du transport privé que du fret. La gratuité des transports en commun doit être renforcée par une offre conséquente et il faut sortir du règne de l’automobile. Quant au transport de marchandises, il faut opérer un choix entre CFL Cargo et Cargolux : mettons l’énergie et les moyens en faveur du rail et réduisons au minimum le fret aérien», tranche Jean Larock, regrettant là encore une mauvaise trajectoire, puisque Cargolux a enregistré un bénéfice net record de 637 millions d’euros en 2020.
Plus globalement, là où le gouvernement voit une politique ambitieuse en matière de climat – avec la loi votée en décembre dernier dont l’objectif est de réduire les émissions de CO2 de 55% jusqu’en 2030 et d’assurer la neutralité climatique d’ici 2050 au plus tard – les militants de Rise for Climate dénoncent surtout une «arnaque» : «Premièrement, viser la fin de la décennie, c’est trop tard, ensuite, les objectifs eux-mêmes sont insuffisants et les moyens pour y parvenir ne sont tout simplement pas détaillés.»
Des mesures trop tardives qui ne concernent pas que le Luxembourg, nuance Jean Larock, évoquant un problème systémique : «L’économie mondiale telle qu’elle fonctionne actuellement est focalisée sur le profit à court terme, ce qui est difficilement compatible avec les enjeux écologiques.»
Rise for Climate espère bien que les inondations dramatiques de ces derniers jours feront bouger les lignes. «On attend une prise de conscience. Peut-être les verts du gouvernement vont-ils enfin se réveiller ?», interroge le militant tout en reconnaissant son pessimisme.
Christelle Brucker