Face à la montée des théories conspirationnistes liées à la crise sanitaire et aux discours violents, l’équipe de Respect.lu dispose d’un tout nouveau programme d’intervention.
Depuis quatre ans, Respect.lu prend en charge des individus concernés par l’extrémisme et la radicalisation. En 2020, parallèlement aux 34 personnes suivies, l’équipe a été particulièrement mobilisée par l’émergence des théories complotistes, dynamisées par la pandémie mondiale.
«Ces discours conspirationnistes existent depuis toujours mais ont bénéficié d’une visibilité accrue ces derniers mois», observe Karin Weyer, chargée de direction. Les réseaux sociaux jouent un rôle central dans la propagation de ces idées qui, selon la psychologue et psychothérapeute, trouvent un terreau fertile dans nos réflexes les plus humains: «On a du mal à comprendre comment ce virus peut être à l’origine de conséquences aussi massives, donc on cherche d’autres explications, plus excitantes que les faits scientifiques.» Et désormais, ces théories fumeuses ne se limitent plus aux commentaires en ligne : «On en parle ouvertement sur la place publique.» Ce qui peut s’avérer dangereux, notamment lorsque la démocratie est mise en cause, en parlant de «dictature» par exemple, pour désigner les mesures sanitaires du gouvernement.
«90% sont luxembourgeois»
Face à la montée des discours de haine, l’équipe de Respect.lu s’est inspirée d’un programme autrichien pour créer une solution sur mesure : «Dialoguer au lieu de haïr» est une intervention de 30 heures destinée aux personnes faisant l’objet de poursuites. Après une phase pilote en 2020, le programme compte actuellement une douzaine de participants : «Des gens qui ont posté des commentaires en ligne et qui, à la suite d’un signalement à la Stopline de BeeSecure, se trouvent visés par une enquête de police», précise Karin Weyer.
Quant à leur profil, on est loin des idées reçues qui voudraient que ces discours soient l’œuvre de marginaux : «Ce sont des hommes pour la plupart, de tous les âges, bien intégrés dans la société. 90% sont luxembourgeois. Certains n’ont pas réfléchi, d’autres portent une idéologie radicale qu’ils assument.» En groupe, ils vont apprendre à repérer les fake news, se méfier de la bulle des algorithmes, ce que signifie la liberté d’expression, comment formuler correctement son opinion ou encore, se mettre à la place de personnes victimes. «Beaucoup nous rapportent ce sentiment de ne pas être écouté, personne ne veut entendre ce qu’ils ont à dire.» Comme ils le vivent mal, ça peut déraper. Tout l’enjeu du programme est donc de les aider à formuler leurs craintes et leurs frustrations, sans forcément cibler un groupe ou une communauté. «Tout cela prend du temps. Mais en s’intéressant vraiment à eux, ça ouvre des portes.»
La Stopline de BeeSecure – qui permet aux internautes de signaler tout contenu illégal, a reçu 292 signalements en 2020 (219 en 2019) dont 240 ont été transmis aux autorités (152 en 2019). Si les condamnations sont rares – six en 2019, neuf en 2020, leur nombre grimpe en flèche : cinq ont déjà été prononcées en 2021. L’incitation à la haine est passible de huit jours à deux ans d’emprisonnement, et d’une amende de 2 500 à 25 000 euros.
Christelle Brucker
respect.lu stopline.bee-secure.lu
Un mois 100% respect
Du 16 mai au 18 juin, la commune de Dudelange lance son premier «Mois du respect» avec de nombreuses activités autour de cette valeur. Respect.lu figure parmi les partenaires de l’événement avec quelques temps forts : une conférence sur la Théorie du complot le 20 mai, une soirée film et débat «Les héritiers» au CNA le 1er juin, une conférence Sensibilisation au dialogue interculturel le 12 juin, et des sessions «Let’s talk» à la rencontre des citoyens, le 20 mai et les 3, 10 et 17 juin au marché hebdomadaire, le 5 juin au jardin communautaire et le 11 mai au club senior Schwarzewee. Découvrez l’intégralité du programme sur le site de l’événement.