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Respect.lu : continuer de lutter contre la radicalisation


Les différents aspects de la radicalisation et les moyens de les combattre ont été évoqués dans les perspectives de développement de respect.lu. (Photo illustration AFP)

Face à une menace terroriste de plus en plus présente en Europe, en 2017, respect.lu a été fondé avec pour mission de prévenir et de guérir les cas de radicalisation. Un aspect qui va être largement développé au cours des mois qui viennent.

Après la prévention et l’accompagnement – deux des trois missions de respect.lu –, pour remplir au mieux son rôle, le centre va devoir se concentrer davantage sur la déradicalisation en tant que telle. Un programme de déradicalisation ainsi que de prise en charge de personnes radicalisées et de réinsertion dans la société va être mis en place avec l’aide du politologue et pédagogue allemand Thomas Mücke, fondateur de Violence Prevention Network en Allemagne.

De juillet à décembre 2017, respect.lu a dû faire face à sept cas de radicalisation présumée signalés. En 2018, ils étaient 29 et depuis le début de l’année, 25 cas lui ont été soumis. Des cas sur lesquels l’association est restée très discrète hier, lors de la présentation de son rapport d’activité. Quelque 86 % de ces cas concernaient des hommes. Plus de la moitié des 29 cas (57 %) concernaient des craintes d’islamisation et 3 % de droitisation. Les 40 % restants sont divers, variés ou juste le fait de violences ordinaires. Les radicalisations n’ont pas explosé au Luxembourg en deux ans, «c’est notre centre qui est de plus en plus connu», souligne Karin Meyer, la directrice.

Aucun de ces cas, avéré ou non, n’a été négligé. « Derrière chaque cas, au départ, il y a une douleur, pas forcément une idéologie », note Thomas Mücke. « Les personnes qui les radicalisent repèrent cette vulnérabilité et s’engouffrent dans la brèche. Ce qui compte, c’est de sortir ces personnes, souvent jeunes, des milieux nocifs avant qu’ils ne deviennent des tueurs », ajoute-t-il avant de préciser que « chaque cas est différent et que les méthodes pour les aider diffèrent d’un cas à l’autre ».

« Ces jeunes méritent une deuxième chance »

Ce sont souvent les proches, la famille, les amis, le cadre scolaire ou professionnel qui contactent respect.lu pour obtenir du soutien ou des informations. Dans certains cas, le centre aurait informé la police et la justice après concertation avec la famille. D’ailleurs, l’association souhaite renforcer sa collaboration avec ces deux partenaires. Elle rappelle toutefois que « toutes les radicalisations, qu’elles soient politiques ou religieuses, ne constituent pas forcément un problème, d’où l’importance de déterminer les facteurs favorables à une radicalisation problématique ». Ce qu’elle fait depuis sa création.

Les jeunes trouveraient les moyens de se radicaliser « sur le net ou seraient directement approchés », selon Karin Meyer, directrice du centre. Une fois embrigadés, «il faut parvenir, à travers un lien de confiance, à forcer ces personnes à penser par elles-mêmes à nouveau pour espérer les réintégrer à la société», explique Thomas Mücke. Encore faut-il que la société accepte de les réintégrer. « Ces personnes risquent de se radicaliser à nouveau si personne ne les accepte avec leur passé », poursuit-il. Ses équipes organisent des conférences dans les lycées ou infiltrent les prières dans les mosquées pour atteindre les jeunes radicalisés.

Quant à se prononcer sur le sort que doivent subir les jeunes partis faire la guerre sainte en Syrie, la directrice du centre estime que «ce n’est pas à nous d’en décider, mais nous devons nous préparer à aider ces personnes à leur retour en Europe». « Il y a une peur justifiée de la part de la société face aux personnes radicalisées. Dans le cas d’un jeune qu’on rescolarise, nous devons travailler très étroitement avec la communauté scolaire pour instaurer une confiance », plaide Thomas Mücke. « Il ne faut pas oublier qu’il s’agit de personnes qui sont nées en Europe, ont été scolarisées et socialisées en Europe. L’Europe a exporté des terroristes. Nous devons en être conscients. Quand on constate la vitesse à laquelle ces jeunes ont été endoctrinés, ils méritent une deuxième chance », plaide-t-il.

Une vision de rédemption que partage respect.lu, qui préférerait toutefois que la prévention fasse son office et ne pas avoir à affronter de tels parcours de vie.

Sophie Kieffer