Alors que le réseau 5G poursuit son déploiement au Luxembourg, cette nouvelle technologie suscite de nombreuses interrogations quant à son impact sur la santé. Mais qu’en est-il réellement ?
«Nous allons continuer à soutenir le développement de la 5G», a annoncé le Premier ministre, Xavier Bettel, dans son discours sur l’état de la Nation mardi face à la Chambre des députés, avant d’ajouter, en réponse aux débats brûlants que suscite le sujet : «Il est évident que l’être humain prévaut sur la technique et que nous n’allons pas prendre des risques inutiles.» Ce principe de précaution, invoqué dès le lancement de la stratégie 5G par le gouvernement en 2018, impose aux fournisseurs des limites d’émissions d’ondes électromagnétiques parmi les plus strictes d’Europe.
Insuffisant pour apaiser les craintes légitimes d’une partie de la population quant aux effets de ce réseau de communication cellulaire nouvelle génération qui utilise des fréquences plus hautes que la 4G, permet pêle-mêle une navigation ultrarapide, un téléchargement quasiment instantané de gros volumes de données, de nouvelles opportunités en termes de mobilité connectée et une foule d’autres applications révolutionnaires.
Alors, devons-nous vraiment paniquer à l’idée d’être bientôt cernés par les antennes 5G ? Nous avons demandé à Jean-Paul Bertemes, chef du service «Science in society» du Fonds national de la recherche, de trancher.
Mais d’emblée, c’est la douche froide : «Impossible pour les scientifiques de se prononcer clairement sur les effets de la 5G sur notre santé, tant les résultats des études disponibles sont partagés», lance-t-il. «Certaines études vont dans un sens, mais d’autres les contredisent. Tout ce qu’on peut faire, c’est analyser l’ensemble et en tirer une tendance.»
Seul moyen valable selon lui pour se rapprocher de la vérité, contrairement au mouvement «anti-5G» qui s’appuie sur telle ou telle étude prise de manière isolée pour formuler des conclusions globales. Mais Jean-Paul Bertemes le reconnaît et insiste : «Si à ce jour aucune preuve ne permet d’affirmer que la 5G nuit, on ne peut pas non plus affirmer qu’elle est inoffensive.»
À lire aussi ➡ Tous connectés à la 5G d’ici 2025 au Luxembourg
De quoi laisser le champ libre à toutes les théories fumeuses sur ce vrai sujet d’inquiétude pour le grand public : le rayonnement électromagnétique. «C’est un terme qui effraye les gens alors qu’il y a des rayonnements partout et de manière naturelle», rappelle-t-il, indiquant que «c’est la fréquence qui importe».
Et c’est là le nœud du problème. Le réseau 5G est prévu pour utiliser des bandes de fréquences très hautes, jamais exploitées à cette échelle, «avec lesquelles on a moins d’expérience et dont on ne connaît pas vraiment les effets sur le long terme».
Mais là encore, la science a du mal à trancher : «Les données dont on dispose sur les 20 dernières années, et donc la période d’avènement de la téléphonie mobile, ne révèlent pas d’augmentation des cas de cancer. Il semble que les effets, quand il y en a, soient minimes et il est difficile de les mesurer», note le médiateur scientifique.
«Un débat politique et sociétal avant tout»
«Ce qui est vrai, ajoute-t-il, c’est que les rayonnements 5G sont plus énergétiques. Mais leur nombre entre aussi en jeu quand on parle de dangerosité. Or le rayonnement émis par unité de data est moindre avec ces antennes, car leur signal est plus ciblé et plus efficient.» La science ne peut donc pas se prononcer, à ce stade, sur les effets de la 5G sur la santé.
Ce qui fait dire à Jean-Paul Bertemes que ces questions relèvent avant tout du débat politique et sociétal : «Où place-t-on le curseur ? Le principe de précaution consiste-t-il à stopper le déploiement de cette technologie ou bien fixer des limites d’émissions strictes suffit-il ? Est-on prêt à accepter des effets néfastes, même minimes, pour profiter de la 5G ? Ce sont des choix de société», remarque-t-il.
«Au moment de l’invention de l’automobile, si on avait pu savoir tout ce que cela allait impliquer – émissions de CO2, bouleversements du paysage, du climat, morts sur les routes – y aurait-on mis un terme ?»
Christelle Brucker
La science au cœur de l’actualité
La plateforme science.lu a été créée en 2013 au sein du Fonds national de la recherche dans le but d’informer le grand public sur toute l’actualité scientifique au Luxembourg. Jean-Paul Bertemes en est le rédacteur en chef : «On donne la possibilité aux chercheurs d’interagir avec le public, on offre des contenus ludiques et pédagogiques, on propose aux enseignants une section spéciale d’éveil aux sciences», explique-t-il, alors que la ligne éditoriale a été quelque peu remaniée récemment. Durant la crise sanitaire, l’équipe a ainsi redoublé d’efforts pour rendre accessibles toutes les connaissances relatives au Covid, à travers près d’une centaine d’articles : «On veut apporter l’évidence scientifique dans le débat public», ajoute-t-il.