Face aux récentes indignations de plusieurs ONG et associations, dont celles composant le collectif réfugiés Luxembourg (Lëtzebuerger Flüchtlingsrot), le ministre a tenu à rappeler sa vision et son action politique relative aux transferts (retours forcés) de demandeurs de protection internationale (DPI) de manière générale, mais surtout en se focalisant plus particulièrement sur les relations bilatérales italo-luxembourgeoises en la matière.
En effet, il est ressorti, sur la base de différents témoignages de DPI, relayés par plusieurs ONG et associations diverses, que les autorités italiennes ne prenaient plus leurs responsabilités et les accueilleraient, selon les cas, dans des conditions inhumaines. Évidemment, dans ce contexte, le nouveau gouvernement italien, par le biais de son vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Matteo Salvini (Lega), est forcément pointé du doigt, sans que Jean Asselborn ne l’ait toutefois cité directement.
La loi est dure, mais c’est la loi…
Afin de mettre les points sur les i, le ministre s’est défendu des reproches qui lui ont été adressés selon lesquels le Grand-Duché renverrait systématiquement les DPI arrivés au Luxembourg vers la péninsule italienne, sous-entendu : en bâclant l’examen de leur demande, voire en n’y prêtant pas du tout attention. Dans le costume d’avocat de sa propre politique d’Immigration et d’Asile, Jean Asselborn a présenté deux cas de figure pour se décharger de toute responsabilité, en brandissant le droit européen. Ainsi, il a tout d’abord exposé la situation d’un DPI qui arriverait au Luxembourg et qui y ferait une demande d’asile.
Face à un tel cas de figure, le ministre a rappelé que «le règlement Dublin III édicte que les DPI, qui doivent faire leur demande d’asile auprès des autorités du premier pays de l’UE dans lequel ils arrivent, et où ils sont fichés dans la base de données Eurodac, doivent obligatoirement y rester, le temps que leur demande soit traitée par les autorités locales». Cela étant, si d’aventure un DPI se trouvant dans une telle situation était tout de même amené à se rendre au Luxembourg, alors que la procédure d’examen de sa demande est toujours en cours dans le pays de l’UE où il fait sa demande d’asile (l’Italie, par exemple), les autorités grand-ducales se verront dès lors tenues par le droit et obligées de le transférer vers le pays où sa demande est en cours de traitement. Il faut comprendre qu’il en retourne là du respect de la législation européenne.
La législation est européenne
Selon un deuxième cas de figure, à savoir celui où un DPI aurait été débouté de sa demande en Italie, le ministre a rappelé qu’il ne pouvait pas ensuite refaire une demande dans un autre État membre (comme le Luxembourg) et qu’il se trouvera de facto en situation de séjour irrégulier. En ce sens, le ministre Jean Asselborn a martelé que «les décisions de transfert visées (décisions de retours forcés, expulsions du territoire) se basent sur une législation européenne conforme aux plus hauts standards en matière de respect des droits fondamentaux et des droits de l’homme. Ces transferts de Dublin ne visent pas de réfugiés reconnus mais des demandeurs de protection internationale et des personnes déboutées de leur demande et, donc, en séjour irrégulier.»
De manière générale, Jean Asselborn s’est répété en indiquant que «dans ce contexte européen, il n’appartient pas au Luxembourg de suspendre unilatéralement l’application d’un règlement européen, au risque de susciter des mouvements secondaires de demandeurs de protection internationale, voire de personnes déboutées que le Luxembourg seul serait incapable d’accueillir par manque de moyens. Et cela n’a rien à voir avec une question de courage politique, mais le pays serait dépassé et débordé.»
Par ailleurs, Jean Asselborn a réitéré que la situation que connaît l’Italie n’était pas comparable à celle de la Grèce, qui a obtenu la suspension des transferts vers son territoire grâce à une décision européenne commune, qui se base sur la jurisprudence de la Cour de justice européenne et de la Cour européenne des droits de l’homme. Mais «une telle décision n’existe pas dans le cadre de l’Italie», a admis le ministre, qui s’est ensuite défendu d’expulser «systématiquement» des DPI en provenance d’Italie vers la péninsule, voire vers d’autres États membres.
Pas de famille expulsée depuis Salvini ministre
«Une analyse au cas par cas, car il n’existe pas de « schéma général », reste le maître-mot de la pratique en la matière. Alors que le Luxembourg a transféré 55 personnes vers l’Italie depuis mai 2017 (dont 60 % de ressortissants du Maghreb et du Nigeria), il a décidé, notamment pour des raisons humanitaires, de se déclarer responsable pour l’analyse de la demande de protection internationale dans le chef de 41 personnes qui auraient dû être transférées vers l’Italie. À titre d’exemple, le dernier cas d’un jeune ressortissant soudanais date de la semaine dernière», s’est-il encore défendu. Avant d’indiquer qu’«aucune famille (de DPI) n’a été transférée vers l’Italie depuis le 1er juin dernier, à savoir depuis que le gouvernement italien actuel est entré en fonction».
Claude Damiani