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Réforme fiscale : feu vert pour la baisse des impôts


La réforme phare du gouvernement a été validée mercredi après-midi par la Chambre. Elle entrera en vigueur le 1er janvier. (photo Alain Rischard)

C’est fait. La réforme fiscale a été votée mercredi par les députés de la majorité, alors que l’opposition s’est prononcée contre. Joëlle Elvinger (DP) a présenté le rapport qui détaille les nouvelles mesures.

C’est la réforme fiscale qui va accroître le pouvoir d’achat des ménages et soulager les plus modestes, à commencer par les familles monoparentales. Voici un aperçu global des différentes mesures.

Pesée, emballée et servie. La réforme fiscale entrera en vigueur en grande partie dès le 1 er  janvier prochain, les députés de la majorité l’ont approuvée hier, bravant les critiques qui n’ont pas manqué de fuser depuis le banc du Parti chrétien-social essentiellement. La tâche de présenter le texte revenait à Joëlle Elvinger, un spécialiste de la fiscalité au sein du DP.

La réforme s’articule rappelle-t-elle autour de quatre grands axes  : l’équité, la sélectivité, la durabilité et la compétitivité.

L’équité se retrouve dans la révision du barème d’imposition qui renforce surtout le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes et des classes moyennes alors que les plus nantis sont appelés à contribuer davantage via de nouvelles tranches d’imposition de 41  % et
42  %.

La sélectivité se ressent au niveau de la prise en compte de différents critères socioéconomiques, dont notamment le revenu, la situation familiale ou encore l’âge du contribuable. Les crédits d’impôt sont ainsi adaptés de manière ciblée, « soulageant ceux qui en ont le plus besoin », précise Joëlle Elvinger. Les familles monoparentales en profiteront encore davantage car elles seront particulièrement bien servies. La sélectivité se manifeste également à travers les incitations fiscales relatives au logement et à la mobilité durable.

Pour assurer la compétitivité des entreprises, la réforme prévoit de réduire en deux temps le taux de l’impôt sur le revenu des collectivités. Quant à la durabilité, la mise en œuvre continue du paquet d’avenir (Zukunftspak) permet selon la rapporteuse de dégager la marge de manœuvre budgétaire indispensable pour financer la réforme.

Barème et crédit d’impôt

Si les barèmes d’imposition seront revus à la baisse pour la grande majorité des ménages, ceux disposant des revenus les plus importants devront contribuer davantage par l’introduction de nouvelles tranches d’imposition de 41  % à partir d’un revenu annuel de 150 000 euros, et de 42  % à partir d’un revenu de  200 000 euros. La réforme entend également renforcer le pouvoir d’achat des quelque 60 000 bénéficiaires des chèques-repas au Luxembourg. Le gouvernement propose de l’augmenter de 8,40  euros à 10,80  euros.

Les crédits d’impôt sont revus à la hausse de manière ciblée. Les deux crédits d’impôt seront doublés de 300  euros à 600  euros pour les revenus se situant entre 11  266  euros et 40  000  euros. Puis le crédit d’impôt se réduit progressivement pour atteindre zéro euro au seuil de 80  000  euros.

Ménages monoparentaux

Pour les ménages monoparentaux –  qui représentent actuellement 3,2  % de l’ensemble des ménages au Luxembourg (environ 6  700  ménages)  – le montant du crédit d’impôt sera doublé de 750 euros à 1 500 euros si les contribuables disposent d’un revenu imposable ajusté inférieur à 35  000  euros. Ou encore la pension d’orphelin sera exempte de l’impôt sur le revenu.

Pour les familles

Pour les familles recomposées, le montant de l’abattement de revenu pour enfant ne faisant pas partie du ménage du contribuable sera majoré de 3  480  euros à 4  020  euros.

Afin de tenir compte de l’augmentation du coût de la vie, le plafond de l’abattement pour les frais de domesticité, les frais d’aides et de soins en raison de l’état de dépendance et les frais de garde sera également augmenté de 3  600  euros à 5  400  euros.

Imposition individuelle

La réforme introduit l’imposition individuelle sur option pour les résidents et les non-résidents. À partir de l’année fiscale 2018, les conjoints mariés auront ainsi le choix d’opter, soit pour le système d’imposition actuel de leurs revenus (imposition collective suivant la classe d’impôt 2), soit pour une imposition individuelle de leurs revenus.

L’accès au logement

La réforme prévoit de doubler le plafond de la déductibilité fiscale des cotisations versées dans le cadre d’un contrat épargne-logement, ce plafond passant à l’avenir de 672  euros à 1  344  euros pour les moins de 40  ans qui financent leur habitation principale. La déductibilité des intérêts débiteurs, liés à un prêt immobilier pour des besoins personnels d’habitation, est également revue à la hausse. Introduction d’une exonération de 50  % des revenus provenant de la location d’immeubles à des organismes conventionnés, exerçant la gestion locative sociale.

Mobilité durable

Introduction d’un abattement «pour mobilité durable». Les contribuables peuvent bénéficier d’un abattement de 5  000  euros en cas d’acquisition d’une voiture électrique et de 300  euros en cas d’acquisition d’un vélo électrique.

Pour les personnes morales

Actuellement, l’impôt sur le revenu des collectivités (l’IRC) s’élève à 20  % pour un revenu imposable ne dépassant pas 15  000  euros et à 21  % lorsque le revenu imposable dépasse cette limite. Dorénavant, pour un revenu imposable dépassant 30  000  euros, le taux de l’IRC sera ramené à 19  % en 2017 et à 18  % en 2018. Cet abaissement va de pair avec l’abaissement du taux d’imposition minimal qui est ramené de 20  % à 15  % pour les entreprises dont le revenu imposable ne dépasse pas 25  000  euros. Il est également proposé de lisser le passage du taux d’imposition minimal au taux d’imposition maximal par l’introduction d’une tranche intermédiaire. Ainsi, lorsque le revenu imposable est compris entre 25  000  euros et 30  001  euros, le taux de l’IRC s’élèvera à 3  750  euros plus 33  % (39  % en 2017) du revenu dépassant 25  000  euros.

D’autres mesures sont prévues en faveur des agriculteurs et en faveur des investisseurs.

Le projet de loi prévoit également de prolonger jusqu’au 31  décembre 2019 la bonification d’impôt pour l’embauche de chômeurs.

Dans le cadre d’une transmission d’entreprise individuelle, la réforme introduit la possibilité de décaler l’imposition de ces plus-values latentes dans le temps. À condition que le successeur reprenne les activités de l’exploitant et qu’il les exerce dans les mêmes immeubles ou parties d’immeubles afin d’assurer la continuation de l’entreprise.

Pour les frontaliers

Les régimes d’imposition pour les résidents et frontaliers sont alignés. Les couples de frontaliers mariés (dont un époux ne travaille pas au Luxembourg) devront à l’avenir informer l’administration luxembourgeoise sur tous les revenus du ménage pour pouvoir bénéficier de la classe d’impôt 2.

Fraude fiscale

Le droit pénal prévoit désormais trois formes de fraude fiscale, à savoir la fraude fiscale simple, la fraude fiscale aggravée et l’escroquerie fiscale. La fraude fiscale simple est dépénalisée.

La fin du 0,5  %

Et enfin, cette réforme abolit l’impôt d’équilibrage budgétaire temporaire (0,5  %).

Geneviève Montaigu

Pierre Gramegna : «Une excellente réforme pour le pays»

Le ministre des Finances s’est félicité du vote de la réforme fiscale. Il l’a qualifiée de bonne, aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises, et d’excellente pour le Grand-Duché.

C’est un homme comblé qui s’est présenté devant les députés, hier, à l’issue des débats. « Cette réforme est une réforme responsable, qui arrive au bon moment et qui renforce la confiance » que nourrissent les citoyens et les entreprises à l’égard du gouvernement, a dit avec force le ministre Pierre Gramegna, après avoir dû affronter bon nombre de critiques de la part de l’opposition, sans sourciller le moins du monde.

Sûr de son fait et du soutien des 32  députés de la majorité, le ministre est revenu sur la vision gouvernementale de cette réforme, « qui s’est faite en toute transparence », a-t-il tenu à souligner. Si la rapportrice du projet, Joëlle Elvinger, avait déjà balisé l’ensemble des nouveautés qui entreront en vigueur au 1 er  janvier 2017, le ministre a insisté, lui, sur un point bien précis, à savoir le doublement du montant des crédits d’impôt, selon le revenu touché par les personnes physiques concernées.

Les crédits d’impôt à la Gramegna sont la clé

Car là est la clé du succès de cette réforme, selon le ministre. Les crédits d’impôt à la sauce Gramegna feraient donc toute la différence face aux contre-propositions du CSV, d’après le ministre, qui a évoqué « une immense innovation » et affirmé que l’« on ne peut porter un regard critique sur cette réforme, sans prendre en compte cette innovation ». Dans ce cadre, Pierre Gramegna a également déclaré ne pas savoir « comment réduire encore davantage les inégalités ».

Comprendre que, dans ces circonstances, les critiques émises par l’opposition ne l’ont pas fait broncher outre mesure, notamment celles relatives au coût de la réforme.

Car l’opposition s’est jetée sur cette faille apparente pour lancer les hostilités. Pour rappel, la Banque centrale (BCL) avait rendu un avis plutôt contradictoire par rapport aux calculs du gouvernement. En ce qui concerne le coût budgétaire des mesures relatives à l’impôt sur le revenu des personnes physiques, la BCL l’a évalué, pour l’année 2017, à 666  millions d’euros, alors que les calculs du gouvernement tablent sur 395  millions d’euros.

Par ailleurs, pour la Banque centrale, l’impact cumulé de la réforme en 2018 s’élèverait à 1,7  % du PIB contre 0,8  % du PIB selon le gouvernement. « J’ai été surpris en apprenant cet écart », a concédé, hier, Pierre Gramegna, avant de relater avoir pris contact avec l’institution, de même qu’avec la BCE de Francfort.

Au final, l’origine de l’écart entre les deux montants a pu être justifiée par « des méthodologies de calcul différentes », a expliqué le ministre. « Il ne faut pas qu’une « fausse peur » s’installe; l’avis de la BCL comportait la mention « ceci est une hypothèse maximale » à de multiples endroits », a justifié le ministre aux députés de l’opposition qui voulaient bien l’entendre. Quoi qu’il en soit, la réforme est passée grâce aux 32  voix de la majorité parlementaire et cela a fait dire au ministre qu’il s’agissait d’« une excellente réforme pour le pays! »

Claude Damiani