La loi relative à la réforme de la police n’a toujours pas été votée. En cause, un avis critique du Conseil d’État qui avait formulé 12 oppositions formelles. De quoi forcer le gouvernement à adopter des amendements.
Le ministre de la Sécurité intérieure, Étienne Schneider, a tenu, jeudi, à mettre d’emblée les points sur les i. «Le projet de loi soumis au Conseil d’État était ‘complet’, mais les Sages ont estimé que certains articles du texte n’étaient pas assez précis ni détaillés.» Afin d’être sur la même ligne que le Conseil d’État, le ministère de la Sécurité intérieure a, donc, dû procéder à plusieurs modifications, de commun accord avec les ministères de l’Intérieur et de la Justice, de même qu’avec le Syvicol et les représentants syndicaux de la police grand-ducale.
Missions de la police administrative
Dans son avis, le Conseil d’État soulignait, au sujet de la police administrative, que «les textes en examen soulèvent deux problèmes majeurs : le premier porte sur la nécessaire distinction entre police administrative et police judiciaire et le respect du domaine d’application de cette dernière. Le second porte sur la distinction, dans le domaine de la police administrative, entre autorité de police et force de police».
La réponse du gouvernement ne s’est pas fait attendre. Concernant la première critique, Étienne Schneider a fait savoir que «les missions de la police administrative sont uniquement d’ordre préventif». C’est pourquoi, la police administrative se verra compétente pour intervenir en situation de risque de troubles à l’ordre public, avant même que la police judiciaire n’ait à ouvrir une enquête pour une quelconque infraction à la loi.
Le bourgmestre pourra réquisitionner la police
Au sujet de la deuxième critique, le ministre a tenu à préciser que «la police doit exécuter un ordre venu d’une autorité de police administrative» et ce, bien que la police garde son pouvoir d’action spontané (ce devoir a été acté à la demande des communes). Comprendre que le bourgmestre d’une commune – outre le ministre lui-même – peut réquisitionner la police administrative, que ce soit pour ériger un périmètre de sécurité, donner accès à un immeuble dans lequel une personne serait en danger, voire pour la fermeture d’un établissement. Enfin, si un bourgmestre estime qu’une prise de décision est hors de ses compétences, il peut déléguer cette tâche au ministre de la Sécurité intérieure.
Cadre juridique pour contrôles d’identité et fouilles de véhicules
Par ailleurs, le ministre Schneider a indiqué que les policiers se verront conférer, une fois la loi votée, le droit de procéder au contrôle d’identité de potentiels suspects. Mais uniquement «dans le cas d’une présence d’un danger concret, imminent et grave». Dans ce type de situation, par exemple en cas de menace terroriste, les policiers se voient également conférer le droit de placer une personne non-identifiable en garde à vue, durant six heures (contre quatre auparavant). De plus, le ministre Schneider a souligné que la police pourra, à l’avenir, procéder à la fouille du véhicule d’une personne suspecte; une compétence qui, tout comme celle de pouvoir procéder à des contrôles d’identité, n’est, encore à l’heure actuelle, pas encadrée par la loi (!).
Par ailleurs, la police se verra dotée du droit d’ériger un périmètre de sécurité, toujours au nom de la sécurité publique, face au spectre d’une menace conséquente en termes de dangerosité. «On ne peut pas, aujourd’hui, forcer une personne à montrer ses papiers à un agent ni même fouiller le coffre d’un véhicule», a expliqué Étienne Schneider. Avant, pour le ministre, de tempérer : «Sauf, bien entendu, en cas d’indices flagrants, tel un habitacle de voiture qui sentirait la marijuana, ou encore, dans le cas de figure où le parquet ordonne un contrôle d’alcoolémie.»
Concernant l’établissement de périmètres de sécurité, le directeur général de la police grand-ducale, Philippe Schrantz, a concédé que «dans 90% des cas afférents, la police a pris elle-même la décision de mettre en place un tel périmètre.»
«On ne veut pas créer d’État policier !»
Cela étant, le ministre a tenu à rassurer les potentiels futurs détracteurs de cette réforme, qui ne verraient, dans cette future loi, que la délégation de pleins pouvoirs aux autorités policières, au détriment des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens. «Faux !», a estimé Étienne Schneider, car «là n’est certainement pas la volonté d’un gouvernement de centre-gauche», s’est-il justifié.
Par extension, le ministre a évoqué «l’obligation d’avoir dû trouver un bon équilibre entre droits et devoirs des policiers d’une part, et droits et devoirs des citoyens, d’autre part». Selon cette nécessité, le texte définitif (NDLR : qui vient d’être envoyé au Conseil d’État pour avis complémentaire et déposé à la Chambre des députés pour analyse en commission parlementaire), est le fruit d’«un compromis entre toutes les parties prenantes», dixit le ministre. Dans ce sens, certains garde-fous ont été prévus, comme étant autant de garanties contre tout abus. Ainsi, et bien que l’Inspection générale de la police (IGP) veille, le projet de loi limite certains champs d’action de la nouvelle loi.
Car les mesures précitées seront, en effet, limitées à 10 jours (cette période pourra être prolongée), et seront, aussi, circonscrites d’un point de vue géographique (sauf en cas de menace terroriste, par exemple).
Octroi de nouvelles missions, au service de l’UE et de l’OLAI
Enfin, le ministre de la Sécurité a annoncé que la police se verrait attribuer deux nouvelles compétences. Primo, les policiers seront, à l’avenir, compétents pour intervenir dans les foyers et structures d’accueil de demandeurs de protection internationale ou de réfugiés. La demande résulte de la ministre de la Famille et de l’Intégration, Corinne Cahen. Secundo, les agents de police se verront conférer la nouvelle mission de contrôler les collaborateurs externes, travaillant pour le compte des institutions européennes à Luxembourg.
Claude Damiani