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[Rapport] Comment le dérèglement climatique attise les conflits


La pauvreté, une croissance démographique élevée, une gouvernance généralement faible et, comme résultante, une compétition accrue autour de l'accès aux ressources naturelles, sont autant de risques et menaces. (illustration AFP)

Selon un rapport international, alors que le dérèglement climatique n’est pas considéré comme cause directe et unique de conflits, il est néanmoins décrit comme un multiplicateur de risques et de menaces.

Il a été présenté en exclusivité au Luxembourg vendredi, avant d’être mis sur la table de la Conférence sur la sécurité de Munich qui se tient ce week-end dans la ville bavaroise. Le rapport «World Climate and Security Report 2020» est une étude publiée par l’International Military Council on Climate and Security (IMCCS) et menée conjointement par plusieurs centres de recherches internationaux, sur l’impact et les risques sécuritaires liés au changement climatique.

Le contexte de l’élaboration et de la raison d’être de ce rapport est explicité de telle manière par le ministre de la Défense, François Bausch : «De plus en plus de voix apparaissent dans la communauté scientifique, la société civile, les organisations internationales et la presse, au sujet de l’impact du changement climatique sur la sécurité humaine dans le monde et de par-là sur le secteur de la défense.»

Par extension, le ministre insiste sur le fait que le changement climatique, s’il n’est pas considéré comme «cause directe et unique de conflits, (…) est toutefois décrit comme un multiplicateur de risques et de menaces, dans un environnement souvent marqué par d’autres faiblesses et évolutions préoccupantes, telles que : la pauvreté, une croissance démographique élevée, une gouvernance généralement faible et, comme résultante, une compétition accrue autour de l’accès aux ressources naturelles, dont notamment les terres arables et l’eau potable, indispensables à la (sur)vie humaine».

«Ni connecté à l’OTAN ni à l’UE»

De manière générale, François Bausch a évoqué «le risque de flux de migrants vers l’UE découlant des ces menaces liées au changement climatique». Pour illustrer son propos, le ministre de la Défense a notamment rappelé l’aide financière conséquente du Luxembourg, à destination de la région africaine du Sahel, dans le domaine de la coopération au développement.

De son côté, le haut responsable de l’IMCCS, à savoir le général néerlandais Tom Middendorp, ancien commandant des Forces armées néerlandaises, a annoncé la couleur de l’énorme défi qui l’attend : «Je travaille depuis une quarantaine d’années dans le domaine de la sécurité et suis convaincu que le changement climatique est le plus grand « challenge » des dernières années.» Avant, pour le général, d’insister sur le fait que «l’IMCCS est global» et qu’il n’est «ni connecté à l’OTAN ni à l’UE». Cela étant, Tom Middendorp a préconisé que les efforts militaires jouent un rôle prépondérant afin d’aider à cerner et résoudre les problèmes liés au changement climatique : «Il n’appartient désormais plus exclusivement aux lobbies de sensibiliser, mais également aux généraux et officiers», dixit le général.

Concernant le rapport proprement dit, le général Tom Middendorp, à l’instar de François Bausch, a entre autres, souligné que «le changement climatique ne doit pas être vu comme simple cause induisant des risques sécuritaires; il faut également se pencher sur l’explosion future de la démographie mondiale et sur la pénurie de ressources qui en découle».

Claude Damiani

Quelle forme prend la contribution du Luxembourg ?

Pour sa part, le ministre de la Défense, François Bausch, a confirmé, vendredi, que le Luxembourg s’engage dans cette discussion à un double niveau. Sur le plan national, le pays a le souci de réduire l’empreinte carbone de son armée. Au niveau international, il introduira le sujet à l’ordre du jour du Conseil européen de la défense et du Conseil de sécurité des Nations unies. «La caserne du Härebierg est entièrement rénovée selon les normes de réduction des consommations d’énergie des bâtiments existants, en vue d’améliorer sa performance énergétique. De plus, un maximum de l’énergie proviendra de sources renouvelables», a-t-il souligné.

Le vice-Premier ministre poursuit : «En ce qui concerne l’acquisition de nouveaux véhicules, nous nous concentrons sur des modèles hybrides, voire électriques. En tout cas, les nouveaux appels d’offres porteront la signature des critères de durabilité environnementale. Ces critères seront appliqués à toutes les acquisitions et rénovations, comme le stand de tir à Bleesdall ou le dépôt de munitions à Waldhof. Deux tiers des terrains appartenant aujourd’hui à la zone militaire de Waldhof seront livrés intégralement à la zone Natura 2000 libres de tout résidu de munition.»

Quelles sont les incidences sécuritaires ?

Les incidences du changement climatique sur les politiques sécuritaires et de défense sont multiples, selon le rapport de l’IMCCS, qui met en lumière six sources de relations entre dérèglement climatique et potentiels conflits :

– Menace directe sur les infrastructures vitales : le rapport met en avant les risques liés à l’élévation du niveau de la mer, aux ondes de tempêtes et tsunamis, ainsi qu’aux incendies sauvages qui menacent aussi bien les hubs économiques, que les installations et opérations militaires.

– Changements géostratégiques : le dérèglement climatique influe sur la géopolitique. À titre d’exemple, des régions comme l’Arctique sont convoitées pour leur eau potable, qui pourrait devenir «le nouveau pétrole», dixit le rapport.

– Nécessité d’adaptation des forces militaires : les nouvelles technologies vertes peuvent aider à renforcer la résilience climatique

– Multiplicateur de menaces conflictuelles dans les États fragiles : le rapport édicte le besoin de développer des mécanismes de prévention par rapport au changement climatique, en tant que racine de conflit.

Arctique, Amériques, Moyen-Orient, Afrique…

– Hausse des risques relatifs à la sécurité humaine : l’augmentation de l’intensité et de la fréquence des catastrophes naturelles requiert des mécanismes de réponse à grande échelle et une coordination entre civils et militaires.

– Menace existentielle : les petites îles-États sont menacées d’être englouties par la hausse du niveau de la mer.

Par ailleurs, selon le rapport, les régions qui seront le plus impactées sont :

– L’Arctique : «À cause du réchauffement climatique, l’Arctique sera donc toujours plus sujette à des tensions géopolitiques entre les États qui souhaiteraient se l’approprier, notamment dans le cadre d’une course à ses ressources.»

– Les Amériques : «Cette région du monde sera encore plus frappée par des évènements climatiques extrêmes (inondations, ouragans, incendies sauvages) et la fragilité des États s’en retrouvera fragilisée.»

– Le Moyen-Orient et l’Afrique : «Dans ces parties du monde, des sécheresses vont faire augmenter les tensions sécuritaires relatives à l’approvisionnement en eau et en nourriture.»

– La région Pacifique indo-asiatique : «La fonte des glaciers menacera l’approvisionnement en eau douce et les populations côtières seront d’autant plus vulnérables aux inondations.»