Depuis dimanche soir, les followers du Quotidien sur le réseau social Facebook ne sont plus informés des actualités du journal. Le groupe américain a bloqué pendant 24 heures l’accès à la page suite à la publication d’une image contraire à ses règles d’utilisation.
L’origine du Monde, toujours L’origine du Monde. Pas celle du peintre français Gustave Courbet mais bien celle de l’artiste luxembourgeoise Deborah De Robertis qui s’était faite remarquer en 2014 au Musée d’Orsay, à Paris, en exposant son sexe sous le célèbre tableau. Du «vagina art» qui avait fait sensation et surtout connaître la jeune provocatrice. Un an plus tard, celle-ci a organisé une conférence de presse pour dénoncer la censure qu’elle aurait subie de la part du Casino Luxembourg, qui a annulé son exposition prévue le samedi 26 septembre.
Une polémique dont Le Quotidien s’est fait le relais dans ses pages. Comme illustration, une photo de Deborah De Robertis reproduisant le geste qui l’a fait naître au monde de l’art, sur les marches du Casino Luxembourg. Et des explications sur sa démarche et le conflit qui l’expose au musée. Un article comme il en existe tant dans la presse. Sauf que, au moment de le publier sur le réseau social Facebook, comme tout autre contenu, Le Quotidien a subi une censure directe. Ou comment être censuré lorsqu’on parle de censure.
Les robots Facebook ont détecté l’image et l’ont classée dans la catégorie pornographie. Chez Facebook, toute poitrine de femme est censurée, sauf en cas d’allaitement. Tout sexe, masculin ou féminin, est également supprimé. Et les comptes qui postent de telles images sont suspendus pendant une durée définie. Dans le cas du Quotidien, la photographie de Deborah De Robertis, même pixélisée et traitée, vaut une suspension de 24 heures.
Le nu interdit, pas l’horreur
Car sur Facebook, on peut partager allègrement des vidéos de décapitation, des photos de cadavres et autres délicatesses issues de l’imagination humaine. Mais le nu est interdit. Sous toute ses formes. Pudibonderie d’un autre âge qui servirait à protéger les jeunes utilisateurs mais qui est sert surtout le dessein commercial du réseau social de Mark Zuckerberg.
Sur Facebook, l’art ne vaut que s’il représente des personnages habillés, vision d’un autre âge de la création. Les photos aussi se doivent d’être pudiques. Et si Facebook a déjà été poursuivi en justice suite à la censure de L’origine du Monde, il s’agit pour l’instant d’une exception face à la règle. Le Quotidien avait déjà reçu un avertissement l’été dernier, lors de la publication d’un article sur une manifestation en Suisse. En cause, une poitrine de femme non allaitante pouvait être distinguée sur la photo de l’Agence France Presse qui illustrait l’événement. La femme, chez Facebook, ne peut qu’être mère.
Nous avons tenté de trouver les coordonnées du réseau social, pour nous expliquer, mais Facebook aime à gérer ses contenus unilatéralement. La société ne nous a pas invités non plus à nous justifier avant de nous bloquer. La page du Quotidien est pourtant classée dans la catégorie «Site web d’actualités/Média». Nous ne demandons pas de traitement de faveur, nous demandons juste que l’information soit respectée. Que Facebook ne s’arroge pas le droit de définir ce qu’est une information ou une image pornographique. Nous pouvons le faire nous-mêmes.
Christophe Chohin