Dans le Sud, la redistribution des cartes après les élections communales a chamboulé la marche normale d’Esch 2022 capitale européenne de la culture. Après une violente charge contre le travail des coordinateurs, le bourgmestre de la Métropole du fer a fait marche arrière.
La journée de mercredi avait très mal commencé. Un vrai psychodrame secouait la future capitale européenne de la culture après la parution dans les colonnes du Tageblatt d’un entretien avec Georges Mischo, bourgmestre et président de l’ASBL Esch 2022. Il y a critiqué le travail du duo Strötgen-Wagner à l’origine du label européen. Et ne s’est pas contenté de frôler la calomnie, il l’a pratiquée. Une violente charge contre les deux coordinateurs du projet et auteurs du dossier de candidature (bid book) dont le thème Remix Culture a séduit le jury européen.
Il n’a pas vraiment surpris son monde puisque depuis les élections d’octobre et sa prise de pouvoir à l’hôtel de ville d’Esch-sur-Alzette, le jeune bourgmestre chrétien-social n’a pas montré le moindre enthousiasme pour le travail des coordinateurs, encouragé en cela par son adjoint libéral à la culture, Pim Knaff, avec la bénédiction du ministère de la Culture.
Si Xavier Bettel se contente de renvoyer ses interlocuteurs vers son secrétaire d’État, Guy Arendt, en charge du dossier Esch 2022, il n’a rien fait pour empêcher que la situation s’enlise en dépit des menaces que cela faisait planer sur la poursuite du projet. Tout cela est un peu à l’image du bilan général du ministère de la Culture, qui fait pâle figure. Ce ne sera jamais la première préoccupation du DP, le parti en a offert une nouvelle preuve depuis qu’il occupe l’hôtel des Terres Rouges. Il n’est un secret pour personne que le duo de coordinateurs n’est pas le bienvenu dans la maison, pas plus que l’ensemble du projet Remix pour la capitale européenne de la culture, visiblement.
Travail de sape
Les successeurs noirs, bleus et verts de Vera Spautz (LSAP) mènent la vie dure à ses survivants. Trop heureux de s’être débarrassés de l’ancienne bourgmestre socialiste d’Esch, ils voulaient poursuivre sur cette lancée et dénigrer le travail des coordinateurs que le conseil d’administration d’Esch 2022 qu’elle présidait alors avait mis en place. Dès le lendemain de l’attribution du label, le très déterminé Pim Knaff fait geler les fonds, laisse traîner les factures sans les régler. Il est le trésorier de l’ASBL, mais il reste insensible aux appels des intervenants qui réclament leur dû, même quand il s’agit de payer le salaire des deux coordinateurs, restés sans rémunération depuis le mois de février.
La situation s’est arrangée à la signature de la convention entre la commune d’Esch et l’ASBL, qui a permis de libérer des fonds et de faire fonctionner la trésorerie. Mais ils ont pris le temps. Cela ne suffisait toujours pas, apparemment. Mercredi, alors que le conseil d’administration d’Esch 2022 doit se réunir à midi et qu’une grande présentation du projet est prévue par les deux coordinateurs au théâtre d’Esch pour tous les élus locaux, Georges Mischo balance un flot de critiques, pour la plupart infondées, comparant le duo à des élèves qui ne comprennent rien à rien. Une humiliation publique, gratuite.
Retour de boomerang
Mais le ciel lui est tombé sur la tête, plus violemment encore que la mouche qui l’avait piqué la veille. À la lecture de son entretien, les membres du CA, ses partenaires, ont fait un bond et, parmi eux, de nombreux bourgmestres chrétiens-sociaux comme lui, à l’image de Laurent Zeimet, de Bettembourg, ou de Paul Weimerskirch, de Schifflange, très attachés au projet des coordinateurs, pour ne citer qu’eux.
Mercredi soir, au théâtre d’Esch, le ton avait radicalement changé. La journée n’allait pas se terminer comme elle avait commencé. Les élus locaux ont tous souligné le bon travail d’Andreas Wagner et de Janina Strötgen et ils ont d’ailleurs été chaleureusement applaudis. Interrogé par Marc Baum, conseiller d’Esch, sur ses accusations du matin même dans la presse, Georges Mischo a affirmé avoir eu une explication avec le tandem depuis. Et pas seulement avec lui, apparemment.
Mercredi soir, en dépit de l’enthousiasme bien palpable des partenaires du projet pour le Remix de Strötgen-Wagner, il se trouvait encore dans les allées du théâtre d’Esch un ardent défenseur des propos insultants de l’entretien, et c’était l’échevin à la Culture d’Esch. Pas de chance pour lui, l’interview a eu l’effet contraire à celui escompté, celui de nuire, et elle est revenue comme un boomerang en pleine tête de son auteur et a remis tout le monde à sa place. À commencer par le duo de coordinateurs qui a plus ou moins reçu l’assurance de poursuivre le projet.
Geneviève Montaigu