Le procès de l’année s’est soldé par un acquittement des trois prévenus. Aux yeux des juges, l’ex-directeur du SREL, Marco Mille, l’ancien directeur des opérations, Frank Schneider, et l’ex-agent André Kemmer n’ont pas mené d’écoute illégale dans le cadre d’une affaire présentant des liens avec l’affaire Bommeleeër.
L’attente fut longue. Depuis ce jeudi matin, les trois ex-agents du SREL (Service de renseignement de l’État), inculpés dans une affaire qui a en fin de compte mené en juillet 2013 à la chute de l’ancien Premier ministre, Jean-Claude Juncker, sont fixés sur leur sort. La 12e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, présidée par Marc Thill, a acquitté Marco Mille, Frank Schneider et André Kemmer sur toute la ligne. La partie civile, constituée par Loris Mariotto, l’homme de l’ombre de ce procès, est aussi repartie les mains vides.
Au bout d’un procès explosif, qui s’est tenu début mars, le parquet avait requis une amende contre les trois ex-agents, qui se seraient notamment rendus coupables d’avoir mené une écoute illégale sur le nébuleux homme d’affaires Loris Mariotto. Le procureur d’État adjoint, Jean-Jacques Dolar, avait demandé une amende dont le montant maximal est fixé à 125 000 euros. Le prononcé était annoncé pour le 30 avril avant d’être repoussé à ce jeudi.
Juncker avait-il donné son feu vert ?
L’acquittement représente l’épilogue d’une affaire qui aura tenu en haleine le milieu politico-judiciaire depuis 2007. À l’époque, Loris Mariotto remet à l’agent André Kemmer un CD crypté avec un supposé enregistrement d’un entretien confidentiel entre le Grand-Duc Henri et le Premier ministre, Jean-Claude Juncker. Le sujet : l’affaire Bommeleeër. Il s’avère cependant rapidement que le CD est vide, suscitant l’ire des agents du SREL. Ils décident en janvier 2007 de mettre sous écoute Loris Mariotto.
La question centrale du procès était de savoir si Jean-Claude Juncker avait accordé le feu vert requis ou pas. Ce dernier a nié jusque devant les juges d’avoir validé la procédure. Un important flou persiste autour de cette écoute, qui est restée sans résultat. S’en suit un enregistrement secret d’un débriefing entre Marco Mille et le Premier ministre, des faits pour lesquels la prescription joue. L’ex-directeur était équipé d’une montre-enregistreuse. Ce fichier audio constitue le point de départ de l’affaire du SREL avec les suites que l’on connaît sur le plan politique.
Des avocats satisfaits et soulagés
Seul Frank Schneider était présent jeudi matin pour assister au prononcé. Marco Mille, travaillant à Munich, est resté en Bavière et s’est fait représenter par son avocat. André Kemmer avait lui aussi délégué son conseil.
«C’est le résultat souhaité au bout d’une affaire judiciaire qui a commencé fin 2012. Il nous reste à prendre connaissance des motivations des juges», affirme Me Laurent Niedner, avocat de Marco Mille.
«Je suis très satisfait de ce prononcé et surtout content pour André Kemmer qui a vécu un calvaire long de 13 ans. Ce calvaire trouve sa fin aujourd’hui», a souligné dans les couloirs de la Cité judiciaire Me Pol Urbany.
«Je ne me serais par forcément attendu à un épilogue si rapide. Je suis très agréablement surpris au vu du déroulement du procès», note de son côté Me Laurent Ries, avocat de Frank Schneider. Son client a dans la foulée loué l’état de droit, qui aurait fait son travail jusqu’au bout. «Je ne suis pas rancunier contre Jean-Claude Juncker», ajoute l’ex-agent.
Un appel du parquet reste possible
Les trois avocats ont tenu à louer le travail de fond effectué par les juges de la 12e chambre correctionnelle dans une affaire très complexe.
«Il revient au parquet d’apprécier s’il interjette appel ou pas», conclut Me Niedner. Le ministère public dispose de 40 jours pour prendre une décision. Les conseils des trois ex-agents estiment toutefois qu’un appel est peu probable.
David Marques