«Investir dans du capital humain, pas dans des murs.» L’ASBL Eran, eraus… an elo? n’est pas favorable à la détention au long cours qui ne profite ni à la société ni aux détenus.
Les portes de la prison s’ouvrent. Un homme sort sur le trottoir avec une valise et attend sans but. Combien de films démarrent par ces images? Sauf qu’elles ne sont pas seulement fictionnelles. «Quand ils sortent de prison, les anciens détenus ne savent bien souvent pas où aller. Ils sont démunis de tout», explique Christian Richartz, président de l’ASBL Eran, eraus… an elo? qui s’engage pour les détenus actuels et anciens. «Doivent-ils retomber dans la délinquance et la violence pour espérer s’en sortir après leur sortie?», interroge-t-il et de pointer ce que l’association considère comme les déficiences d’un système qui «humilie plus qu’il ne réprime». «On parle de deuxième chance à la sortie, mais la plupart de ces gars-là n’en ont pas. À la fin, ils ne croient plus en la société», juge Christian Richartz.
Pour l’association, le système tel qu’il fonctionne actuellement rassure la population. Les méchants sont punis et vont en prison. Le sort des détenus ne l’intéresserait que très peu. L’association milite en faveur de peines alternatives. «Selon le rapport de la justice de 2020, le CPL est rempli à 76 %. Je comprends qu’il soit difficile de travailler avec une prison trop remplie, mais nous sommes contre la construction du nouvecentre pénitentiaire. Il fallait juger de l’efficacité de la loi de juillet 2018 sur l’exécution des peines avant de décider de la construction d’une deuxième prison, estime le président. Il n’y a jamais eu aussi peu de bracelets électroniques, même quand il n’y avait pas de loi à ce sujet.» Depuis l’entrée en vigueur de cette loi, les juges d’instruction pourraient avoir recours au bracelet électronique plutôt qu’à la détention préventive.
Le taux d’incarcération est de 110 pour 100 000 habitants au Grand-Duché contre moins de 60 dans les pays scandinaves. Actuellement, quelque 600 personnes sont incarcérées au centre pénitentiaire. «Quatre-vingt-cinq pour cent des prisonniers sont des citoyens inoffensifs. La plupart sont des toxicomanes, des voleurs ou des délinquants routiers. Cinq à dix pour cent seulement ont commis des crimes de sexe ou des crimes de sang», indique Christian Richartz. Le fait que le Luxembourg se trouve dans la moyenne européenne ne devrait pas empêcher la recherche de solutions pour faire baisser ce taux. L’association lance depuis des années des pistes pour éviter la prison aux personnes étant contrevenues à la loi, comme des peines alternatives (bracelet électronique), des travaux d’intérêt général ou des peines pédagogiques pour les primo-délinquants ou les petits criminels. Des alternatives trop peu usitées à son goût.
«Le taux de récidive est de 30 %»
«Les peines prononcées au Luxembourg sont beaucoup plus élevées qu’à l’étranger pour un même type de délit», assure Christian Richartz. La faute, selon lui, à des «instances juridiques trop sévères» et à «une caste de juges qui font la loi». L’association appelle un conseil de la magistrature de ses vœux «pour contrôler leur travail». Le système serait rigide et difficile à assouplir.
Pour la majorité des citoyens, la prison n’est pas censée être un parcours de santé, mais pour l’association, les conditions de détention ne seraient pas toujours optimales et «les peines de prison ne sont pas dissuasives, disent les scientifiques». «Cela n’a rien à voir avec la longueur ou la dureté de la peine», précise Christian Richartz, «le taux de récidive est de 30 %». Certains prisonniers auraient plus de mal que d’autres pour intégrer le message, peu importe la durée de la peine. D’autres n’auraient pas d’autre choix que de récidiver. «En pratique, transformer des délinquants en meilleurs citoyens est quasiment impossible, affirme Christian Richartz. Nous n’en avons pas les moyens. On ne peut pas se contenter d’enfermer quelqu’un tout en le préparant à la liberté.»
Pour l’ASBL Eran, eraus… an elo?, un détenu ne perd pas que sa liberté, justement. Il perd sa famille, son emploi, son tissu social… et augmente son potentiel de récidive. Certains préfèreraient retourner en prison, parce que «dehors ils n’ont plus rien». Un argument supplémentaire en faveur du bracelet électronique. Des frais de justice extrêmement élevés participeraient également au phénomène de récidive. «Les prisonniers doivent travailler, mais ils ne gagnent rien. Six cents euros par mois pour 35 heures de travail hebdomadaire. Une fois sortis de prison, ils sont perclus de dettes. La ministre de la Justice devrait doubler leurs salaires, explique le président. Ils doivent pouvoir penser à leurs familles et cotiser pour leur retraite. En France, il existe un statut du travailleur pénitencier.» L’association a rendez-vous avec des juristes pour tenter de proposer des solutions.
Une réforme du code de procédure pénale
Le système judiciaire serait responsable des déficiences pointées par l’association qui plaide en faveur d’une réforme du code de procédure pénale. «Les partis politiques y sont favorables, mais rien ne bouge, note Christian Richartz. Idem en ce qui concerne le projet de maison de transition pour les détenus en fin de peine. Un concept a été réalisé puis refusé sous prétexte qu’il s’agirait d’une prison après la prison.» Pour l’association, le Luxembourg aurait trop d’argent et ne se soucierait donc pas de ce que coûte un détenu.
Si les conditions de détention se sont améliorées avec la création du poste d’ombudsman, l’association est d’avis qu’une étude sur les conditions de détention au Luxembourg serait la bienvenue. «Leur sort aurait plus d’attention, s’il s’agissait de chiens, regrette Christian Richartz. La société a une image biaisée de la justice induite par un sentiment d’insécurité. Les gens s’imaginent que les peines ne sont jamais assez fortes. Il faut des peines intelligentes et flexibles.»
L’association critique les différents ministres de la justice qui se sont succédé et qui étaient un peu trop à son goût en faveur d’une magistrature «peu scrupuleuse». Idem au sujet des syndicats, «trop silencieux» en ce qui concerne le sort des détenus. Le barreau serait également trop frileux. «Les avocats se plaignent du système, mais ils en profitent aussi.» Selon Christian Richartz, il faut «investir dans du capital humain plutôt que dans des murs».
Sophie Kieffer
Setzt se direkt an de cravat……emmer a emer deiselwegt Leier…..denkt emol mei un Affer vun denen Prisongsschösser, dat wir besser.