Le ministre de la Justice a présenté mercredi aux députés l’audit qu’il avait commandé en septembre sur le fonctionnement de l’ensemble de la médecine pénitentiaire, le premier du genre demandé par Félix Braz.
Si «le Luxembourg n’a pas à rougir», comme le souligne le ministre, les deux auditeurs ont relevé ici et là des améliorations à apporter dans l’organisation des soins et la communication entre les différents acteurs. Un audit se révélait nécessaire alors que l’on constate une explosion des consultations médicales qui sont passées de 6 000 en 2012 à 13 000 en 2016 sans que la population carcérale n’évolue. «Cette augmentation est liée à la reconnaissance de la morbidité qui touche particulièrement cette population», informe le Pr Jean-Marc Elchardus, membre du conseil scientifique criminologique et professeur retraité des universités à Lyon, qui a mené cet audit avec le Pr Bruno Gravier, du service de médecine et de psychiatrie pénitentiaires du Centre hospitalier universitaire vaudois en Suisse.
Les préconisations commencent avec le dossier médical. «Nous avons relevé que certains, comme le service de médecine somatique, se servaient de l’outil informatique alors que le service psychiatrique préférait la méthode manuscrite. Il faudrait mettre en place un dossier compatible avec les deux institutions», indique le professeur français.
«Peu de thérapies pour les pédophiles»
La présence des gardiens pose également un problème alors qu’ils ont une mission de surveillance pendant la consultation «mais qui ne devrait pas être systématique», souligne le Pr Gravier, soucieux de ne pas «mélanger les rôles». Dans le même ordre d’idées, les médicaments pour les toxicomanes (traitement de substitution) ne doivent pas être distribués à la porte de la cellule, mais dans un lieu dédié.
Si les auditeurs ont également proposé d’améliorer la communication entre les différents acteurs de la médecine somatique, ils se sont déclarés «impressionnés par la qualité de la prise en charge des maladies infectieuses», alors que le ministre renchérissait en qualifiant les équipes de «très motivées». En revanche, la quasi-absence de thérapie destinée aux détenus enfermés pour des crimes et délits d’ordre sexuel n’a pas échappé aux auditeurs. «Peu de thérapies pour les pédophiles», note l’auditeur suisse. Il estime par ailleurs nécessaire de mettre fin aux placements d’observation avant toute hospitalisation en psychiatrie, comme l’avait fait avant lui l’Ombudsman Lydie Err. Cette suppression est déjà prévue par le ministère de la Justice.
La question qui se pose pour les auditeurs est de savoir quel accompagnement prévoir pour les détenus qui sortent de prison après des soins psychiatriques : «Il faudrait développer au sein de la filière socio-judiciaire un dispositif ambulatoire intra et extracarcéral.»
Mieux évaluer les risques de récidive
Autre recommandation : revoir en urgence les locaux de la pharmacie et harmoniser les modalités de prescription entre la médecine psychiatrique et la médecine somatique. «Avec 600 détenus, il y a beaucoup de médicaments, donc l’erreur est interdite dans la préparation et pour cela il faut des locaux et des moyens adaptés», souligne le Pr Gravier. Enfin le Pr Elchardus préconise la création d’une unité d’évaluation criminologique afin de mieux évaluer les risques de dangerosité, les risques de récidives des détenus.
Un soin particulier a été apporté aux détenus en fin de vie et le rapport préconise ici de «développer les compétences pour améliorer ces prises en charge et anticiper le vieillissement prévisible de la population pénale». Concernant la psychiatrie, il s’agit de renforcer l’équipe infirmière psychiatrique. «Avec trois infirmiers présents, ce n’est pas possible», estime le Pr Gravier alors qu’il a lui-même parcouru les énormes distances qui séparent les différents quartiers.
Enfin, pour le prochain centre pénitentiaire d’Uerschterhaff (CPU) qui est prévu en 2022, il serait préférable de mettre une seule équipe médicale conjointe avec le centre de Schrassig «pour favoriser la continuité de la culture de référence», indiquent les auditeurs, car «si l’on crée une deuxième équipe médicale, l’expérience de la première équipe va se perdre», concluent-ils.
Geneviève Montaigu