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Pourquoi les viols sont en forte hausse au Luxembourg


Le terme de viol étant plus largement accepté au niveau judiciaire, cela explique peut-être l'augmentation des plaintes, explique le ministre de la Justice. (photo Editpress)

Les chiffres de la police pour l’année 2016 ont révélé une hausse significative des viols dans le pays. Le ministre de la Justice, Félix Braz, tente d’y trouver des explications.

Une augmentation de 56% des plaintes pour viol (de 68 en 2015 à 106 en 2016), il n’en fallait pas plus pour qu’Alexander Krieps, Gusty Graas et Edy Mertens, tous trois du DP, posent une question parlementaire au ministre de la Justice pour demander des explications quant à cette hausse soudaine. Les trois députés en profitent également pour remettre en cause le délai de prescription pour ces crimes. En France, les conclusions d’un récent rapport de Flavie Flament et de Jacques Calmettes ont permis de réitérer publiquement la question de la prescription pénale des viols commis sur mineurs. « Selon ce rapport, le délai actuellement en vigueur (20 ans à compter de la majorité de la victime) ne prendrait pas suffisamment en compte le fait que la victime mineure tarde souvent à dénoncer l’auteur de l’infraction, et que les victimes sont souvent muselées par la honte, la peur ou développent même une ‘amnésie traumatique’ », expliquent les députés.

Après avoir confirmé les chiffres amenés par les députés, le ministre de la Justice, Félix Braz, a jugé que «les autorités prennent ce phénomène très au sérieux et ces enquêtes sont menées par des enquêteurs spécialisés issus des services de recherche et d’enquête régionaux respectivement du service de police judiciaire». Une lutte efficace contre cette infraction grave passe également par une adaptation régulière et une formulation adéquate de l’infraction de viol. Ainsi le Luxembourg a modernisé en 2011 les différentes infractions à connotation sexuelle.

Le ministre précise que l’article 375 relatif au viol prévoyait avant 2011 trois situations qui représentent des cas de non-consentement. Un viol était en effet défini comme étant un acte de pénétration sexuelle commis soit à l’aide de violences ou de menaces graves, soit par ruse ou artifice, soit en abusant d’une personne hors d’état de donner un consentement libre ou d’opposer une résistance. Mais il était dans la grande majorité des cas bien difficile pour la victime de prouver alors qu’elle n’était pas consentante.

L’absence de consentement

Le nouveau libellé de l’article 375 érige l’absence de consentement en élément constitutif de l’infraction de viol. Les trois cas de figure de non-consentement qui figuraient auparavant à l’article 375 sont maintenus à titre purement indicatif. Il s’ensuit que tous les cas de rapport sexuel non consenti tombent désormais sous le coup de l’article 375 du code pénal. Autrement dit, la qualification de «viol» est plus simple pour les victimes qui n’ont plus à prouver qu’elles n’étaient pas consentantes comme c’était le cas auparavant. Une justification qui explique, selon le ministre de la Justice, cette soudaine explosion des chiffres. C’est que le terme de viol plus global serait donc utilisé désormais par la police.

Pour ce qui est des délais de prescription, là, Félix Braz explique que la loi n’a pas lieu d’être changée. «Le nombre de prescriptions est réduit», explique-t-il dans sa réponse. «Il faut souligner que la situation a encore évolué à la suite de la modification de l’article 637 du code d’instruction criminelle introduite par la loi du 27 février 2012. Depuis cette réforme, le délai de prescription de l’action publique de certains faits commis contre des mineurs ne commence à courir qu’à partir de la majorité de ces derniers. Compte tenu de cette modification récente et des changements qu’elle a apportés, il n’est pas envisagé à ce stade de modifier l’actuel délai de prescription», poursuit-il.

Pour ce qui est de l’amnésie traumatique (partielle ou complète) ou amnésie dissociative, ce sont des façons de protection logiques et des réflexes de survie face à de tels traumatismes d’enfance. «Des travaux neurobiologiques ont montré que cette amnésie traumatique est liée à une dissociation produite par des mécanismes neurobiologiques de sauvegarde qui ont été mis en place par le cerveau pour échapper au risque vital du stress intense produit par les violences. En effet le stress intense entraîne une disjonction (au niveau limbique du cerveau) du circuit émotionnel et par conséquent une anesthésie émotionnelle et physique», explique le ministre pour justifier des années d’attente parfois pour que des plaintes soient portées, ou parfois même jamais.

Félix Braz précise néanmoins que, dans le cadre des faits où la victime porte plainte pour viol après échéance d’un délai prolongé, les enquêteurs établissent malgré tout un rapport destiné aux autorités judiciaires, indépendamment d’une éventuelle prescription de l’action publique pour des faits dénoncés.

Audrey Somnard