Un jeune lycéen de première met en doute la stratégie de retour en classe du ministre de l’Éducation nationale. Dans une lettre de quatre pages, il avance ses arguments.
Olivier Thull, lycéen en 1ère B au lycée Aline-Mayrisch à Luxembourg, veut étudier l’informatique à Aix-la-Chapelle à la rentrée universitaire prochaine. Avant de démarrer cette nouvelle vie, il doit d’abord retourner au lycée le 4 mai prochain, après deux mois de confinement, pour passer son diplôme de fin d’études secondaires. Claude Meisch, le ministre de l’Éducation nationale, a présenté les modalités de ce retour la semaine passée.
«J’ai été saisi par l’émotion après avoir entendu ces annonces», se souvient Olivier Thull. Dans sa tête, c’est l’incompréhension. Le jeune homme ne comprend pas pourquoi certaines mesures ont été prises alors qu’elles lui semblent invraisemblables. Il décide alors d’écrire au ministre.
«Immédiatement après ces annonces, les gens ont commencé à poster des commentaires sur les réseaux sociaux. Ils avaient compris qu’elles étaient bancales, mais ils n’argumentaient pas et ne faisaient pas de propositions d’amélioration», se souvient Olivier Thull.
«Les gens ont réagi à chaud. C’est pourquoi, j’ai attendu trois jours pour faire retomber la pression avant de commencer à rédiger ma lettre. Je l’ai réécrite trois fois pour faire d’un texte écrit sous le coup de l’émotion, un texte rationnel et argumenté.» Il a pu compter sur l’aide précieuse de son camarade Steve Bernard pour la mise en forme de la lettre.
Des mesures perfectibles
Le lycéen a l’impression que «les mesures n’ont pas été exclusivement prises dans l’intérêt de la santé des lycéens et de la société». Il explique que «le risque subsiste de ramener des germes à la maison après les cours. Dans une salle de classe, tout le monde respire le même air et les professeurs qui s’y succèdent ne sont pas soumis au port du masque, ce que je considère être une erreur. Ils devraient eux aussi y être soumis pour réduire les risques de contagion. Le nombre de personnes atteintes du Covid-19 va à nouveau augmenter si une mesure aussi infime que celle-là n’est pas prise.»
Le risque de contagion est également présent dans les transports scolaires, dans divers endroits au sein des établissements scolaires, comme les toilettes ou les espaces communs que sont les couloirs et les cours de récréation.
Dans un premier temps, les mesures prévues devraient être faciles à mettre en place, selon lui. «La première semaine de cours, il n’y aura que les premières dans les lycées. Séparer les classes ne devrait pas être trop compliqué. La deuxième semaine, nous n’aurons plus cours, mais nous écrirons des devoirs. À moins de nous regrouper dans le gymnase, le nombre de salles de classe sera limité.»
Olivier Thull détaille ses arguments dans un document de quatre pages qui se conclut sur trois revendications. Il les résume ainsi : «Le port du masque devrait être systématique en classe car l’écart de deux mètres ne pourra être garanti dans toutes les classes, par exemple lors des déplacements entre les rangs. Il faut augmenter le nombre de bus scolaires de sorte que cet écart puisse être respecté. Même si seulement la moitié des lycéens reprennent les cours, nous serons quand même les uns sur les autres sur certaines lignes. Ensuite, troisième et dernière revendication, une classe devrait pouvoir rester dans la même salle de classe toute la journée pour éviter un risque de propagation des germes.»
Le beurre et l’argent du beurre
Certains de ses professeurs qui ont lu la lettre l’ont félicité pour son initiative et le soutiennent. «Ils s’interrogent notamment sur le fait de devoir retourner en classe pour une semaine de cours avant le début des devoirs sur table. La présence en classe lors de cette première semaine devrait être facultative. Ce sont les élèves qui ressentent le besoin d’être soutenus qui devraient pouvoir y aller», explique le jeune homme qui doute fortement que «le ministre lâche sur ce point».
Pour le moment, Olivier Thull n’a pas encore pu s’entretenir avec le ministre, mais le cabinet de Claude Meisch a d’ores et déjà contacté le lycéen pour obtenir son numéro de téléphone. Olivier Thull est impatient d’entendre les remarques du ministre.
«J’espère avoir amené son équipe à réfléchir et peut-être à changer quelque chose. Le pire qui puisse arriver, c’est que Claude Meisch me réponde qu’il ne changera rien et que mon action a été veine», confie-t-il. «Le ministre voudra sans doute maintenir le retour à l’école. Si j’ai la chance de pouvoir m’entretenir avec lui, je ne lâcherai rien et surtout pas mes trois revendications, en particulier celle sur le port du masque.»
Olivier Thull n’est pas le seul à ne pas être entièrement satisfait par les mesures annoncées par le ministre. Une pétition lancée sur le site change.org a dépassé les 15 000 signataires. «J’ai eu vent de la pétition, mais je ne l’ai pas signée parce qu’elle ne fait que refuser les mesures sans autre début d’argumentation ou de réflexion», note le lycéen à juste titre. «Si je signe quelque chose, je dois pouvoir l’approuver totalement. Je ne suis pas d’accord avec les gens qui veulent que tout change, mais sans le moindre effort de leur part, sans être constructifs.»
Sophie Kieffer