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Politique : une nouvelle loi pour juger vite


Alors que certains y voient le début d’une justice de classes, le jugement sur accord, adopté hier à la Chambre, devra surtout permettre d’accélérer les procédures juridiques.

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Le jugement sur accord, qui doit permettre de délester les tribunaux, ne fait pas l’unanimité. (Photo : archives Le Quotidien)

À côté d’affaires spectaculaires comme celle des poseurs de bombe, pour ne prendre qu’un exemple, la justice luxembourgeoise croule sous une masse de petits ou de moyens délits, qu’il ne suffit pas simplement de prescrire afin de les évacuer, mais qui exigent un outil pour être traités à la fois de manière rapide et efficace.

D’où l’appel, depuis quelques années, à doter la justice d’un nouvel outil, afin de disposer d’une procédure judiciaire qui contribue notablement à réduire le temps que les concernés (en premier lieu les victimes et le personnel judiciaire) doivent en moyenne y consacrer.

> Une manière de négocier sa peine ?

Une longue attente, comme chacun le sait, ne faisant souvent que peiner d’avantage les victimes. Être obligé de se déplacer d’une instance à l’autre pour répéter encore et encore ce qu’on vient déjà d’expliquer, voilà qui semble indigne pour la plupart des gens, sans parler des magistrats, pourtant appelés à trancher, mais que la masse des affaires à traiter dépasse, sinon entrave, dans l’exercice entier de leur fonction.

D’aucuns voient encore dans les longues procédures actuelles la possibilité pour les accusés de se dédouaner, du moins sur le plan émotionnel, tandis que le jugement sur accord sert, dès le départ, à enregistrer la culpabilité de l’auteur d’un préjudice. Voilà pourquoi cette manière de traiter les infractions s’appelle encore le « plaider coupable » ou « comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité » (en France).

D’origine anglo-saxonne, cette procédure ne se fait pas que des amis. En effet, pour beaucoup le « jugement sur accord » ou « transaction pénale » comme on l’appelle en Belgique, est synonyme d’une justice à l’américaine, d’une justice de classes au service des plus aisés, soumise à l’argent et trahissant les idéaux d’une justice devant laquelle tous les hommes seraient égaux.

Alex Bodry (LSAP), rapporteur pour le projet de loi « modifiant le Code d’instruction criminelle afin d’y introduire le jugement sur accord », a mis en avant l’introduction nouvelle d’un droit d’initiative soit du parquet soit du prévenu, permettant à ce dernier d’accepter et de signer les faits qui lui sont reprochés, signature accompagnée de celle de son avocat.

Alex Bodry insiste aussi sur l’unicité du « plaider coupable » version luxembourgeoise. Ainsi, au bout de la discussion entre le parquet, le prévenu et son avocat, une audience a lieu, au cours de laquelle le juge est appelé à valider, ou non, l’accord trouvé. Elle ressemble en cela à la procédure en France, qui lie là aussi l’accord à l’acceptation d’une peine et donc la reconnaissance de la culpabilité.

Comme nous l’indiquions plus haut, cette procédure est identifiée par beaucoup comme une manière de négocier sa peine, sachant que plus un procès est long, plus il coûte cher et plus un prévenu a intérêt à accepter ce qu’on lui propose. Ce sont ces impressions négatives que Léon Gloden (CSV), reprochait à Alex Bodry de vouloir camoufler dans son exposé. Et d’appeler à expliquer au public ce « changement de paradigme » dans la justice pénale luxembourgeoise. Pour Viviane Loschetter (déi gréng), ce sont avant tous les facteurs temps, argent et humain que transforme ce projet de loi. En tout, les cours de justice seront moins débordées, les frais moindres et la culpabilité de l’accusé retenue dès le départ.

Roy Reding (ADR), qui aurait préféré qu’on effectue d’abord une analyse qualitative du système pénal actuel, s’interroge sur la raison pour laquelle le « jugement sur accord » ne s’applique que pour les prévenus passibles de cinq ans de prison au maximum.

Serge Urbany de déi Lénk s’est, lui, abstenu de voter, hier, préférant attendre la période probatoire de trois ans, avant de donner son soutien à une procédure qui, d’après lui, ne fera que « prononcer les inégalités ».

Le ministre de la Justice, Félix Braz, quant à lui, a d’abord tenu à identifier « une tendance à tout vouloir négocier devant les tribunaux », avant d’évoquer un « effectif légal » insuffisant et des examens-concours apparemment trop sélectifs.

De notre journaliste Frédéric Braun