L’ASBL Passerell demande au gouvernement d’arrêter d’appliquer de manière systématique le règlement européen Dublin III et protéger les personnes vulnérables.
Il y a 60 % de demandeurs de protection internationale (DPI) qui arrivent au Grand-Duché et qui tombent sur le coup du règlement européen Dublin III. Ils n’ont donc pas vocation à rester au Luxembourg. » C’est ce qu’affirmait le ministre des Affaires étrangères et européennes, de l’Immigration et de l’Asile, Jean Asselborn, la semaine dernière lors de la visite de la Structure d’hébergement d’urgence au Kirchberg (SHUK), située au hall 6 de Luxexpo et destinée aux DPI dans l’attente d’un départ vers le pays par lequel ils sont entrés en Europe (lire notre édition du 19 juillet) . En effet, en vertu du règlement européen Dublin III, un seul État de l’UE est responsable de l’examen d’une demande d’asile, à savoir le pays par lequel le demandeur d’asile est entré dans l’UE et dans lequel il a été contrôlé ou l’État qui a accordé un visa ou un titre de séjour au demandeur d’asile.
« Le gouvernement fait de l’excès de zèle dans l’application de Dublin III », estime Cassie Adelaïde de l’ASBL Passerell, qui offre notamment une aide juridique aux DPI.
«Arrêter les renvois vers l’Italie et la Grèce»
«Depuis le 1er janvier , poursuit-elle, le Luxembourg a transféré 860 personnes et n’en a récupéré que 32 en vertu du règlement Dublin III. Dans près de 50 % des demandes de protection internationale, la direction de l’Immigration s’est déclarée incompétente. Nous demandons au Luxembourg d’appliquer plus humainement les procédures et de protéger les personnes vulnérables. »
Et des personnes vulnérables tombant sous le coup de Dublin III et renvoyées dans le premier pays de l’UE qu’elles ont traversé, Cassie Adelaïde en a vu passer dans son bureau. Venu de Libye, un Irakien arrive en Italie. Il ne veut pas rester là-bas, il ne veut pas laisser ses empreintes, mais on lui dit que c’est une question de sécurité et on lui donne un laissez-passer avec injonction de quitter le territoire. Un passeur l’emmène vers le nord et le laisse au Luxembourg en novembre dernier. Début avril, il est invité à aller à la SHUK et mi-juin il est de retour en Italie à Milan. Il est «invité» à se rendre à Crotone pour faire sa demande d’asile et « où il y a des dizaines de milliers de migrants dans l’attente », souligne la salariée de l’ASBL Passerell. Il ne peut pas y aller, il n’a pas les moyens. Après avoir été hébergé dans une mosquée, il vit dans un garage avec un Égyptien et « cherche des solutions », indique Cassie Adelaïde.
Il y a aussi l’histoire d’un jeune Afghan, entré en Europe par la Bulgarie. Il tente de passer en Serbie, mais il est arrêté et est enfermé dans un centre fermé. « Il y reste 30 jours , raconte Cassie Adelaïde. On l’emmène en groupe aux toilettes, il reçoit des coups de taser. Au moment du repas, il a envie d’aller aux toilettes, mais l’agent refuse et le frappe. » Une fois libéré, il reprend sa route vers l’ouest et arrive au Grand-Duché début janvier et en mars, il reçoit sa notification de transfert vers la Bulgarie et il sera renvoyé là-bas 15 jours plus tard. « Au centre de rétention, il s’automutilait, il avait peur de retourner en Bulgarie , souligne la salariée de l’ASBL Passerell. Trois semaines plus tard, la Cour d’appel de Hanovre a refusé de renvoyer un réfugié en Bulgarie, qui selon la justice allemande viole l’article 3 de la Cour européenne des droits de l’homme car la Bulgarie traite les réfugiés de manière inhumaine. » L’ASBL Passerell demande au Luxembourg « d’appliquer les clauses du règlement Dublin III, qui lui permettent d’assumer volontairement la responsabilité du traitement des demandes d’asile pour les personnes vulnérables et d’arrêter les renvois vers l’Italie et la Grèce ».
Guillaume Chassaing